Quand plus de 9 Français sur 10 sont aujourd’hui équipés d’un smartphone et que ce dernier recèle de multiples informations sur leur intimité (messages privés, appels, photos, activité sur les réseaux sociaux…), la tentation est grande d’aller fouiner dans l’appareil de son/sa partenaire et de succomber à ce que les Anglo-Saxons appellent le “snooping”.
Ce pas, 4 Français sur 10 en couple avouent l’avoir déjà franchi, selon les résultats d’une étude IFOP pour Le Journal du Geek réalisée en avril 2024.
Les chiffres clés de l’étude Journal du Geek / IFOP (avril 2024)
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- 4 Français sur 10 ont espionné le smartphone de leur partenaire
- 67% des femmes de moins de 35 ans disent l’avoir déjà fait
- 57% des moins de 25 ans ont été victimes d’une violation de leur intimité numérique par leur partenaire
- 50% de celles et ceux qui ont fouillé dans le téléphone portable de leur conjoint(e) y ont découvert quelque chose qui leur était caché
- 52% des personnes ayant subi des violences physiques de leur partenaire ont été espionnées par ce dernier contre 27% de celles qui n’en n’ont jamais subi.
En entrant dans le détail des chiffres observés, on constate que cette forme d’espionnage, singulièrement en vigueur chez les plus jeunes et chez les femmes, aboutit dans de nombreux cas à des révélations de diverses natures : mensonges, infidélité, consultation de sites pornographiques ou de rencontres…
Mais surveiller de la sorte ses partenaires – à leur insu ou en exigeant d’eux d’avoir accès à leur intimité numérique – n’est pas sans conséquences et a déjà entrainé des disputes, voire des ruptures, chez près d’1 personne sur 5 interrogée par l’IFOP.
Plus inquiétant, cette enquête montre une nette corrélation entre celles et ceux qui ont été victimes de violences – qu’elles soient d’ordre physique ou psychologique – au sein de leur couple et la pratique du snooping à leurs dépens.
Une pratique plus féminine que masculine
Si la majorité de celles et ceux qui reconnaissent avoir déjà espionné le téléphone portable de leur partenaire à son insu disent l’avoir fait de manière exceptionnelle, il n’en reste pas moins que la pratique est répandue, notamment chez les plus jeunes et chez les femmes.
4 Français sur 10 étant ou ayant été en couple ont fouillé dans le smartphone de leur conjoint(e), les femmes (44%) étant plus nombreuses que les hommes (35%) dans ce cas.
Les jeunes sont particulièrement friands de snooping : plus d’un homme sur deux (56%) âgé de moins de 35 ans et plus de deux femmes sur trois (67%) dans la même tranche d’âge l’ont fait. Les chiffres chutent considérablement avec l’âge : 33% des plus de 35 ans s’y sont risqués au cours de leur vie.
Parmi les personnes actuellement en couple, l’intrusion dans le smartphone de son partenaire – ne serait-ce que de temps en temps – reste élevée (25%), à des niveaux comparables à ceux enregistrés en 2015 dans une précédente enquête.
Les hommes de moins de 35 ans ont tendance à le faire légèrement plus (46%) que les femmes de la même tranche d’âge (44%), mais ces dernières continuent de manière plus assidue après 35 ans (24% contre 17%).
Les plus jeunes scrutent avant tout les réseaux sociaux
Lorsqu’ils espionnent leur partenaire, les Français dans leur ensemble s’attachent en premier lieu à consulter ses messages privés via différentes sources. Mais chez les plus jeunes, et notamment chez les femmes, c’est d’abord la vie de l’autre sur les réseaux sociaux qui suscite avant tout la curiosité.
Un tiers des femmes (32%) et près d’un quart des hommes (23%) ont déjà consulté les échanges privés de leur conjoint(e) sur son téléphone. Proportions qui montent respectivement à 58% et 46% chez les moins de 25 ans.
Chez ces derniers, l’activité du – ou de la – partenaire sur les réseaux sociaux est particulièrement scrutée : ainsi, 60% des femmes de cette tranche d’âge (contre 42% des hommes) se sont intéressées aux personnes qu’il/elle suit ou qui le/la suivent et plus de la moitié des femmes (55%) ont checké sa présence sur les réseaux sociaux.
Quel qu’en soit l’objet, le détail des recherches entreprises à l’insu de l’autre confirme une pratique très répandue chez les plus jeunes : 78% des femmes et 73% des hommes de moins de 25 ans s’y sont déjà livrés contre respectivement 46% et 39% pour l’ensemble des personnes interrogées.
Quand on cherche, on trouve ?
L’étude de l’IFOP montre que la moitié de celles et ceux qui ont pratiqué le snooping ont appris que leur conjoint(e) leur cachait quelque chose.
En fouillant dans le smartphone de leur partenaire, 35% des répondants se sont rendu compte qu’il/elle leur mentait.
L’infidélité, soupçonnée, interprétée ou avérée, est également au cœur des « trouvailles » : l’espionnage a révélé pour près d’une personne sur trois (29%) des jeux de séduction et, pour une sur cinq, un contact gardé avec un/une ex (21%) ou une infidélité (19%).
Si les femmes découvrent plus fréquemment que les hommes la consultation de sites pornographiques de la part de leur partenaire (22% contre 14%) et la fréquentation de sites de rencontres (18% contre 14%), les hommes constatent plus souvent des dépenses dont ils n’étaient pas au courant (22% contre 13%) et le fait d’être dénigré auprès de proches (16% contre 13%).
Qui dit espions dit espionnés
Code d’accès obtenu à leur insu, géolocalisation dissimulée… Nombreuses sont les personnes en couple qui font l’objet d’un espionnage en règle de la part de leur partenaire. Là encore, les chiffres explosent dans la tranche d’âge 18-25 ans.
Pris dans leur ensemble, 4 Français et Françaises sur 10 (41%) disent avoir déjà été surveillés par leur partenaire par le biais de leur smartphone. Un chiffre qui grimpe à 57% chez les moins de 25 ans, avec une nette différence entre les hommes (66% l’ont déjà été) et les femmes (52%).
Si la consultation du téléphone à son insu est la forme de snooping la plus courante (30%), un quart des sondés (25%) a constaté que son/sa partenaire écoutait des conversations et un autre quart (24%) qu’il/elle possédait les codes d’accès en cachette. Les plus déterminés n’hésitent pas à employer les grands moyens : un Français sur 10 s’est rendu compte de l’installation d’un système de géolocalisation sur son appareil. Face à ces intrusions, les antivirus ou les VPN n’y peuvent rien.
Quand son partenaire l’exige
C’est toujours de l’espionnage, mais la forme est plus directe et contrainte : 26% des répondants ont déjà subi les exigences de leur partenaire pour accéder aux informations contenues sur leur portable. Cette pratique est, là aussi, beaucoup plus répandue chez les jeunes : 56% des moins de 25 ans disant avoir déjà vécu de telles situations.
Les demandes en question concernent notamment la consultation de photos (19% et 41% chez les moins de 25 ans), la volonté que la relation soit affichée sur les réseaux sociaux (13% et 28%) ou encore l’obtention des codes d’accès au téléphone (12% et 29%). Plus inquiétant encore : 7% se sont vu confisquer leur portable, mesure de rétorsion qui concerne trois fois plus les hommes de moins de 25 ans (21% y ont déjà été confrontés).
Ces entorses à l’intimité numérique ne sont pas sans conséquences et entraînent leur lot de tensions. Ainsi, près d’1 jeune de moins de 25 ans sur 3 (31%) s’est déjà disputé parce que son/sa partenaire avait fouiné dans son smartphone à son insu, et 15% des répondants de cette tranche d’âge ont déjà rompu une relation pour cette raison. Plus globalement, un peu plus d’1 Français sur 5 dit avoir vécu des disputes dans ce cadre.
Le symptôme de situations inquiétantes
L’étude de l’IFOP montre que les personnes ayant été victimes de manipulation, d’isolement ou de violences physiques de la part de leur partenaire sont également celles qui subissent le plus les entorses à leur intimité numérique. En l’espèce, le smartphone est un enjeu de pouvoir et un moyen de rétorsion.
Plus de la moitié (52%) des personnes ayant subi à plusieurs reprises des violences physiques de leur partenaire disent qu’il/elle a déjà regardé dans leur téléphone portable à leur insu. C’est le double de celles et ceux qui n’ont jamais été victimes de tels agissements (27%).
Les écarts sont bien plus importants lorsque le ou la conjoint(e) va jusqu’à confisquer le smartphone : cette mesure de rétorsion est arrivée à plus du tiers (35%) des personnes victimes de violences physiques contre 4% auxquelles cela n’est jamais arrivé.
De même, les victimes d’isolement de la part de leurs proches ou de leurs partenaires sont 47% à faire état de leur crainte d’être régulièrement espionnées contre 12% qui n’ont jamais vécu ce type de situations.
Le point de vue de Louise Jussian, chargée d’études senior au pôle Politique/Actualités de l’IFOP
“La consultation du téléphone portable à l’insu de sa ou son partenaire – 4 Français sur 10 l’ont déjà fait – est une pratique qui est à la fois courante chez les jeunes et très genrée. En effet, près de 7 jeunes femmes sur 10 âgées de moins de 35 ans disent avoir déjà été dans ce cas. Il apparait clairement que le snooping est un phénomène générationnel intimement lié à l’importance qu’ont pris les smartphones dans la vie quotidienne des jeunes, outil de communication indispensable qui contient l’essentiel – photos, messages, réseaux sociaux… – de leur vie intime. Les messages privés sont ainsi ceux qui sont les plus regardés à l’insu de l’autre. C’est une pratique qui est corrélée au type de relation : les personnes en couple qui ne cohabitent pas sont plus nombreuses à chercher par ce biais l’éventuelle confirmation que leur partenaire leur cache quelque chose. Cet espionnage donne d’ailleurs des résultats : la moitié de celles et ceux qui s’y sont livrés disent avoir découvert que leur partenaire leur mentait ou les avait trompés.”
“Mais au-delà de ces données générales pointe une réalité plus inquiétante. Comme le montre cette étude, les entorses à l’intimité numérique peuvent aussi être symptomatiques d’une violence ou d’une emprise au sein des couples. On constate que les personnes ayant été victimes de violences physiques et/ou psychologiques de la part de leur partenaire sont également beaucoup plus nombreuses à avoir subi une intrusion à leur insu dans leur téléphone, de même que celui-ci a pu leur être confisqué. On voit bien que le smartphone de l’autre est non seulement un objet de curiosité et de suspicion, mais aussi un moyen de chantage et d’isolement.”
Étude IFOP pour Le Journal Du Geek réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 13 au 17 avril 2024 auprès d’un échantillon de 2 006 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, dont 1376 personnes en couple.