Sebastian Castellanos est un enquêteur qui sent le cuir jauni et la poudre, jamais rasé de près ni très loquace, bref, le type même de mec maudit à qui il arrive des bricoles. Ici, pas de deals mal gérés, de descente des stups négociée, mais une plongée traumatisante dans les travers d’un univers virtuel dérangé. Ce bon Seb est trop vieux pour ces conneries, c’est évident, sauf quand il est question de sa propre fille. Enlevée par l’organisation déjà responsable des événements du premier épisode, Lily est à la fois le cœur du STEM et la proie de plusieurs personnages avides de pouvoir. Balancé dans la ville fictive d’Union, nouvelle bourgade générée par la machine, sans qu’on lui demande plus que ça son avis, Sebastian va se heurter encore aux délires macabres d’un tueur maniéré.
Artiste aux goûts discutables qui pourrait sans nul doute devenir la coqueluche de vernissages parisiens concernés, il teinte cet univers de sa folie créatrice. Les cadavres démembrés côtoient les carrées de glaïeuls dans les pelouses, mais chaque zone modifiée par ce bad-guy photographe prend des allures d’installation sauvage, à la fois glauque et fascinante. Bien plus proches des expérimentations visuelles de Ninja Theory que des choix esthétiques de son prédécesseur, les environnements piochent dans les délires de Beksinski, les griffures de Bacon, bourrés de reliquats suintants et d’une sobriété dérangeante parce que paradoxale. Chaos et beauté glacée se triturent pour donner de cet échange contre-nature un monde conforme à ce que peuvent être les fulgurances d’un esprit malade, sans se complaire dans la seule horreur. Une belle réussite de Keita Sakai, qui est l’une des principales ancres d’un jeu accrocheur avant tout sur son immersion et ses cassures de rythme.
[nextpage title=”Survival Hodor”]
Rien de nouveau, mais ces éléments amènent un effet de surprise bienvenu qui relance une progression sans génie. Soumise à un scénario qui se contente d’enchaîner des rebondissements et des dialogues si téléphonés que certains opérateurs téléphoniques planifient une OPA hostile, elle retrouve un brin de jeunesse dès que le joueur sort des sentiers rebattus. Créatures increvables à la Némésis qui apparaissent sans prévenir, sauvetages in extremis de commandos qui ont dû sécher la formation, ces petites activités dynamisent un monde qui a tendance à rester cloîtrer dans un certain immobilisme et justifient son ouverture.
L’augmentation des possibilités touche dans la foulée la gestion de la survie en terrain hostile. Cette dernière a eu le droit à un bonus, via un système de couverture qui parle au petit traître planqué en chacun. Problème, la souplesse n’a pas été invitée et les sorties de cachette sont assez laborieuses, même si cette idée a orienté le gameplay vers une certaine prudence qui oblige à observer. Le jeu gagne d’ailleurs à être joué dans les modes de difficulté élevés : la version « détente » ne fait que diminuer encore davantage le manque de sel de l’ensemble.
L’évolution de Sebastian et de ses armes se voit aussi agrémentée de quelques ornements dépolis, au travers d’un système d’arbre de compétences un tantinet plus complexe qui offre le choix de privilégier telle ou telle amélioration selon sa façon d’appréhender l’aventure. Là non plus, l’enthousiasme n’atteint pas des sommets, et à l’image du jeu dans son entier, se contente de suivre gentiment un plan limpide. Le savoir-faire de Tango cimente l’expérience et tout roule, mais sans pilote. N’importe quel joueur ayant déjà joué à un Survival-Horror pourra, comme Sebastian improvisé régisseur dans les coulisses de cet espace virtuel, voir toutes les ficelles qui tiennent ce petit théâtre de marionnettes macabres.
The Evil Within 2, sortie le 13 octobre sur PC, PS4 et XBO (testé sur PC)
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.