Bon, je reconnais qu’aux premiers abords, le concept d’un runner moche dans lequel vous incarnez un poney est plutôt indigeste. Mais très vite, on se rend compte que quelque chose ne va pas. Derrière ses aspects insipides, Pony Island est en réalité un puzzle game sous couverture.
Déjà, au lancement du jeu, on se doute que quelque chose ne tourne pas rond. L’option « jouer » ne fonctionne pas. Vous devrez trouver un moyen de « réparer » le menu. Et puis, Pony Island commence. Après deux ou trois niveaux, le jeu va commencer à agir étrangement et va vous inciter passer en coulisse.
Le joueur se retrouve ainsi embarqué dans une histoire qu’il n’aurait pas pu anticiper. Avec des âmes piégées dans des fichiers informatiques, des démons qui apparaissent à vous sous la forme de .exe et un Satan en développeur de jeu qui vous torturera avec de très mauvais game design. Voilà ce qui vous attend en réalité dans Pony Island : l’enfer sous la forme d’une borne d’arcade.
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Et puisqu’on aborde le sujet des puzzles, voici comme ils fonctionnent : une clef descend le long d’une colonne à gauche de l’écran et vous devez faire en sorte qu’elle arrive à bon port dans une serrure. Cependant, certaines étapes de son chemin sont obstruées ou manquantes. À vous de déplacer des icônes qui auront une influence sur le chemin de la clef. Une icône [flèche verte qui va vers le bas] la laissera passer alors qu’une icône [flèche horizontale vers la droite] la fera changer de colonne. Ce qui est intéressant, c’est que tant qu’une case est vide, la clef ne bougera pas. De ce fait, il est possible d’utiliser une icône, attendre que la clef passe, et la réutiliser plus loin afin de bénéficier de ses effets deux fois en un seul passage.
Certaines étapes du parcours de la clef auront également une influence sur certaines variables affichées clairement à l’écran. D’autres seront carrément des portes qui ne vous laisseront passer que si certaines conditions sont réunies. Il peut s’agir d’une variable qui doit se trouver au-dessus d’une certaine valeur par exemple.
Cette vision « gamifiée » du hacking est plutôt intelligente et parvient à se diversifier suffisamment avec le temps pour ne pas être lassante. Dans d’autres titres, on vous demande de jouer à un mini-jeu d’adresse ou de timing. Je trouve cela dommage, car ces petites épreuves ne testent pas les bonnes capacités du joueur. Au contraire, dans Pony Island, ces puzzles font preuve d’une certaine logique (qui lui est propre, certes) et l’esprit réflexif inhérent est respecté tout en restant amusant. En somme, il s’agit d’un très bon système pour un jeu de ce calibre.
Et puis, il y a les séquences de runners qui représenteront l’autre grande moitié des phases de jeu. De la même manière que pour les phases en puzzle, la difficulté s’accroît, ainsi que les capacités qui seront octroyées à votre poney. Au début, votre quadrupède ne pourra que sauter. Puis, il pourra tirer un laser, voire même planer encore plus tard dans le jeu.
Toutefois, le poney arrêtera assez rapidement sa montée en puissance. Je ne vous révèle pas la surprise, mais le jeu, comme en musique classique, fera des variations autour du thème du runner. En le transformant carrément en jeu d’aventure, voire en aventure textuelle (!), le runner se joue à toutes les sauces et se cuisine de toutes les façons. L’enfer.
Cet univers complétement méta qui, à l’instar d’un Undertale, joue avec brio avec les codes du genre, manque cependant de réelle consistance. Ainsi, si on est constamment intrigué ou amusé par le nombre impressionnant d’idées dont regorge le jeu, il est également assez difficile de s’impliquer plus que ça. Les vaines tentatives de développement du lore qui se dévoilent en marge de l’intrigue principale auraient pu être intéressantes (notamment sur la réelle identité du joueur), mais elles paraissent vraiment hors sujet.
L’univers peut ainsi paraître un peu idiot, un peu inconséquent. On l’impression de jouer à « esprit es-tu là ? » autour d’un ouija avec des adolescents qui se bidonnent. Le jeu ne cherche même pas (et c’est tout à son honneur) à nous faire peur avec de bêtes jumpscares. Cependant, l’ambiance qu’il cherche à mettre en place ne parvient pas à trouver sa place au milieu des petites phrases amusantes ou des aberrations volontaires de design que le joueur croisera au fil de l’histoire.
Toutefois, cela n’a pas réellement d’importance, car le jeu fait preuve d’une liberté insolente. Y compris dans les tout derniers instants. Avec Pony Island, on signe une sorte de contrat qui le libère de toute contrainte tant qu’il parvient à nous amuser, tant qu’il parvient à maintenir cet effet d’ébahissement permanent. Une forme de complicité qui permet au titre de faire tout et n’importe quoi, tout en restant crédible, cohérent et amusant.
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