Confier la licence aux maîtres du beat’em up à la japonaise Platinum Games est la meilleure chose qui pouvait arriver à la licence NieR. Rien de tel pour attirer les adeptes de Bayonetta et de Metal Gear Rising vers un jeu sur lequel ils n’auraient peut-être pas posé les yeux autrement. D’ailleurs pour être tout à fait franc, c’est bien pour cette raison que ce jeu m’intéressait autant à la base : pour son univers frais, ses personnages clinquants et son gameplay qui me rappelait les meilleures heures passées avec la sorcière aux pistolets.
Dans un futur très lointain, vers l’année 10 000 quelque chose, la Terre est dévastée suite à une invasion extraterrestre, à la tête d’un armée de robots. Seuls restent les vestiges de ce qui fut la civilisation humaine : barres d’immeubles, bretelles d’autoroute et autres environnements urbains envahis par la végétation et quelques animaux. Une poignée d’hommes qui ont trouvé refuge sur la Lune tentent de lutter contre la menace mécanique de leur planète d’origine grâce à une armée d’androïdes à leur image. Si certains sont envoyés à la surface pour organiser la résistance, une unité d’élite de combattants, le groupe YoHRa, s’organise depuis une base orbitale et procède régulièrement à des missions et autres raids pour accomplir différents objectifs dans l’espoir de reprendre le contrôle de la planète. Le joueur est invité à suivre un duo d’androïdes issu de cette unité, 2B et 9S, qui passeront le plus clair de leur temps à la surface pour remplir différentes missions dictées par la base.
Roboto ergo sum
Voilà ce qu’on peut révéler du scénario de NieR : Automata sans en dévoiler trop sur les différentes révélations qui seront égrenées tout le long de l’aventure qui dure une vingtaine d’heures. Ce qu’on peut dire en tout cas, c’est qu’un vrai travail a été fait sur le rythme des péripéties. On en apprend régulièrement sur les implications de nos actions et les informations sont savamment distillées pour conserver un intérêt narratif intact à tous les instants. Notre curiosité, déjà bouillonnante devant cet univers baroque et déprimant, est sans cesse titillée par une nouvelle situation, une nouvelle bizarrerie, un truchement dont les implications peuvent remettre en cause tous les fondements de ce qu’on savait déjà du monde dans lequel on évolue.
Le résultat est sans appel, on ne cherche pas à avancer pour faire progresser une barre d’expérience, ou pour un morceau d’équipement puissant que l’on cherche à obtenir, mais bien pour savoir ce qui va arriver à la froide 2B et au candide 9S. Les deux, avec le temps, finissent par développer une relation face à laquelle il est très difficile de rester de marbre. Les deux combattants se quittent rarement, et quand ils sont séparés, c’est uniquement dans des moments où ils essayent désespérément de se retrouver. Du point de vue du joueur, cette intimité compliquée parait comme une bouée de sauvetage pour ces deux combattants perdus dans un monde qui ne semble plus avoir aucune forme de sens. Un monde où on croise des robots aux formes grossières, possédant la psyché d’enfants de 5 ans, qui forniquent ensemble, qui s’inventent des rois imaginaires et qui développent même des cultes qui les poussent au suicide.
Il y a une folie latente dans NieR: Automata à laquelle il est impossible d’échapper. Les humains ne sont plus là depuis des millénaires, mais ces formes de vies mécaniques essayent à tout prix de les imiter, au point qu’il soit dérangeant de les regarder faire. Chaque situation à laquelle sont confrontés 2B et 9S ne sont finalement que de gauches mascarades créant un malaise puissant chez le joueur. Elles posent une multitude de questions fortes comme celle de la nature de la conscience, du libre arbitre, de l’obéissance, de la société et, mises bout à bout, de l’humanité. NieR: Automata a une appétence puissante pour montrer un monde qui évolue sans les hommes et le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est diablement efficace.
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Une symbiose entre scénario et jeu
Que vous reste-t-il à maîtriser quand toutes les forces vives de votre jeu concordent pour servir qu’un seul objectif : une narration poignante ? La réponse est la réduction de la dissonance ludo-narrative. Ce concept décrit la façon dont les mécaniques de jeu peuvent interférer avec l’expérience narrative du joueur. Minimiser cette dissonance n’est pas obligatoire et n’est pas une fin en soi, mais quand c’est bien fait comme dans un Undertale ou un Spec Ops : The Line, l’effet émotionnel sur le joueur est démultiplié. NieR: Automata est de ces jeux. Je dirais même que c’est un des jeux qui le fait le mieux.
Les personnages que vous contrôlez étant des androïdes, vous aurez accès à une foule de paramètres qui auront un impact sur votre style de combat. Parmi eux, vos puces de fonctionnalité en seront certainement la pierre angulaire. Vous pouvez assigner un certain nombre de ces puces à votre mémoire interne (limitée, forcément) afin d’augmenter votre nombre maximal de points de vie ou votre vitesse de déplacement. Mais pas seulement. Le HUD, tous les éléments graphiques artificiels qui se superposent à votre écran et qui vous donnent les informations relatives au jeu (comme les points d’expériences ou les dégâts infligés aux ennemis), sont également générés par des puces que vous équipez. Et voilà que, d’un seul coup, tout ce qui faisait partie du jeu vidéo, tout ce qui faisait partie de la tambouille interne, entre par la grande porte dans le processus narratif. Car oui : il est logique que vos androïdes voient une carte miniature en bas à droite de l’écran si dans le scénario, ils ont été programmés pour. Notez d’ailleurs que si vous voulez faire de la place dans votre mémoire et virer la barre d’expérience au profit d’un bonus d’attaque, c’est tout à fait possible.
NieR : Automata est rempli à de petites choses comme celles-ci. Ces petites idées qu’on a plutôt l’habitude de voir chez un Kojima et qui visent à rendre l’expérience ludique la plus logique et immersive possible. Du début jusqu’à la fin, NieR : Automata parviendra à rester une œuvre entière avec un nombre infinitésimal petit d’éléments qui viendront troubler son cours.
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Malheureusement, si chacun de ces aspects est maîtrisé dans les grandes lignes, ils finissent tous par montrer leurs travers respectifs. Commençons par le combat au corps à corps qui représente malgré tout la grande majorité du jeu. Nous sommes dans un style plus proche d’un Bayonetta que d’un Metal Gear Rising. Comprenez une maniabilité extrêmement souple, des déplacements extrêmement rapides et une esquive qui est au centre de tout. Les robots ennemis qui prendront différentes formes vous attaqueront tous en même temps. À vous d’apprendre à arrêter votre combo au bon moment pour placer une esquive, sorte de pirouette qui vous octroiera une courte période d’invulnérabilité. En général, c’est assez facile, car tous les ennemis émettent un flash rouge et un son caractéristique avant de vous porter une attaque. Si enclenchée au bon moment, cette manœuvre vous permettra également de contre-attaquer, d’emmener un ou plusieurs ennemis dans les airs et de les enchaîner jusqu’à ce que les coups vous manquent.
De la jouissance à la lassitude
Si cette mécanique qui n’est pas sans rappeler le « witch time » de Bayonetta est extrêmement satisfaisante à exécuter, elle finit assez rapidement par être lassante. En pressant l’esquive à répétition, il est de surcroît possible d’éviter tous les coups qui vous sont destinés, même dans la mêlée la plus dense. Vers la fin du jeu, il n’est ainsi pas rare de devoir mettre sept, huit, voire neuf esquives à la suite avant de pouvoir placer une attaque et faire un peu le ménage. La technique la plus efficace restera ainsi le « hit and run », ce qui enlève fatalement de l’intensité au combat. Notez que quatre modes de difficultés existent : facile, normal, difficile et extrême (dans lequel le moindre coup est fatal). Or je me suis personnellement retrouvé dans un entre-deux assez désagréable, où le mode normal était trop facile et ennuyeux, et où le mode difficile était à la limite de la frustration permanente, tant les ennemis qui vous tuent en un coup étaient légion.
Les phases de shoot’em up apparaissent quant à elles de manière ponctuelle et représentent un système de jeu accessoire. Toutefois, elles finiront par prendre une place de plus en plus proéminente au fil de la partie, au point de s’intégrer au sein même des combats rapprochés. D’un point de vue scénaristique, il pourra s’agir de 2B pilotant une sorte d’exosquelette volant contre des escadrons d’ennemis aériens. Mais très vite, il s’agira également de 9S qui est extrêmement faible au corps à corps, mais qui excelle dans l’art du piratage. En plein combat, une fois qu’il se sera concentré suffisamment longtemps, il pourra entrer dans les systèmes informatiques de ses ennemis et les faire exploser à l’issu d’une petite épreuve de shoot à double stick, endommageant par la même occasion tous les ennemis environnants. Ces phases s’enchaînent de manière extrêmement rapide et les développeurs ont fait leur maximum pour qu’elles s’intègrent au mieux en combat, sans qu’on ait l’impression qu’elles les interrompent.
Si l’effort d’apporter de la variété au système de jeu est louable, ces phases sont bien souvent trop longues, pas suffisamment variées et finissent même par susciter de la lassitude. Une lassitude que l’on retrouve dans des mécaniques datées de J-RPG. Certains personnages vous demanderont de faire des quêtes consistant en des allers-retours à répétition pour faire avancer l’histoire ou bien dans des missions de collecte exaspérantes. La gestion de l’équipement et de l’inventaire est si riche qu’il n’est pas rare de se sentir dépassé. On se contentera alors d’une gestion automatique qui est heureusement proposée dans beaucoup de cas. Le système de loot est également inintéressant au possible, représenté par des orbes jaunes sans saveur qui parsèment le monde, qu’il s’agisse de minerai de fer ou de champignons. Le bon point dans tout ça, c’est qu’il s’agit vraiment d’à-côtés et que la narration, à mon sens le point le plus fort de ce NieR : Automata, ne s’en retrouve aucunement terni.
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