Difficile d’expliquer le concept d’Everything, alors autant raconter de manière descriptive ce qu’on fait quand on lance le jeu. Quand vous commencez à jouer à Everything, vous incarnez un cheval. Parce qu’un cheval, c’est quelque chose. C’est quelque chose parmi de très nombreux autres “quelque chose” qu’Everything vous permet d’incarner. D’ailleurs vous pouvez être plein d’autres choses au début de votre partie, c’est décidé au hasard. Mais voilà, arbitraire ultime, j’ai incarné un cheval. Alors on se déplace, on va à droite et à gauche dans ce qui semble être une prairie avec des collines, des arbres, d’autres animaux. La nature quoi. Bon, mon cheval, raide comme un balai, se déplace de la manière la moins naturelle qui soit, mais passons. Ce n’est qu’un détail dans cette grande théorie du tout.
Alors, vous explorez. Vous explorez et vous discutez. Avec tout, car tout le monde a quelque chose à dire. Le singe là-bas ? Il a une pensée, un petit truc dans un coin de sa tête. Et puis, ce caillou-là ? Également. Représenté par des petites bulles de bande dessinée, on finit par collecter toutes ces bribes de pensée qui finissent par créer un tout philosophique, représenté sur une sorte de murs des réflexions, par le biais d’un menu.
On passe du tout au tout
Tout cela est bien beau, mais on se demande encore ce qu’on fait là. Jusqu’au moment (scripté, après qu’un certain temps se soit écoulé) où une icône encore inédite apparaît au-dessus d’une des choses autour de vous. En allant parler au buisson/lapin/loup/galet qui semble en être à l’origine, il vous octroiera une possibilité nouvelle de jeu. C’est comme cela que vous pourrez… pousser des cris pour attirer l’attention sur vous ! Chouette ! Dans le cas de notre cheval, un hennissement qui fera que tous les regards des choses alentours se poseront sur lui. Et puis, au bout d’un moment, une autre icone, une autre de ces choses, nous apprendra à former un groupe avec d’autres chevaux. Puis à se séparer un par un des membres qui le compose. Eh ! Après tout, un troupeau, c’est autant une chose… qu’autre chose.
Mais le grand jeu du tout ne démarre vraiment qu’à partir du moment où on vous permet d’intégrer d’autres choses. Toutes les choses. Pour peu qu’elles soient suffisamment proches de vous. De cheval je suis passé à biche. Puis de biche à rocher. De rocher à ours.
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Vous pouvez ainsi vous glisser dans la peau de choses assez inédites dans un jeu vidéo. Un grain de pollen ? C’est parti. Une bactérie unicellulaire ? Aucun problème. Une molécule ? Un concept géométrique ? Une longueur de Planck ? Faites-vous plaisir. À l’inverse, si vous optez pour la folie des grandeurs, vous pouvez aller jusqu’à contrôler un continent, une planète, une étoile, une nébuleuse, une galaxie ou un amas galactique. La limite est littéralement dans les étoiles. Même si en réalité, il est toujours possible de voir plus grand. Qu’est-ce qu’il y a de plus grand que l’infiniment grand me demanderez-vous ? Le jeu répond par l’infiniment petit, dans une sorte de boucle spatiale dans lequel les mondes sont imbriqués les uns dans les autres et où la notion d’échelle se retrouve bien relative.
Comme lors d’un cours magistral, il y a toujours le risque de s’endormir
Qu’est-ce qu’Everything, alors ? Au mieux, il invite à des pistes de réflexions philosophiques à la limite du religieux sur la nature de notre monde, de la conscience et même de la vie. Cela est même particulièrement flagrant quand le titre, de manière régulière, lance des extraits audio de conférences du philosophe britannique Alan Watts, dont la pensée très inspirée des religions orientales viennent appuyer le concept même du jeu, voulant que l’individualité n’existe pas, que l’univers forme un tout et que la limite entre ce qui sépare une chose d’une autre chose est bien plus ténue qu’on veut bien le croire. Ces réflexions restent évidemment très intéressantes, mais autant que vous soyez prévenus dès le départ à quoi vous vous exposez.
Le vrai problème, c’est que l’expérience peut paraître parfois assez vaine. Evidemment, il y a toujours un plaisir de collectionneur à trouver, quand on incarne pour la première fois une voiture, ou un hangar, voire une plante extraterrestre. Chaque incarnation est soigneusement consignée dans un compendium affichant un pourcentage de complétion. De plus, Everything, en bon unfolding game, vous donnera au fil de la partie de plus en plus d’options et d’outils pour vous rendre la tâche de plus en plus facile.
Il n’en reste pas moins un sentiment de vacuité. Certes le jeu vous propose une sorte de fil rouge à suivre et il y a bien une fin au jeu. Mais à plusieurs reprises, une fois la perplexité et la découverte de cet étrange concept passées, j’ai eu une envie assez forte de quitter la partie et faire autre chose. Difficile de conserver un intérêt sur plusieurs heures quand le concept de jeu en lui-même n’est pas non plus d’une grande complexité pour le joueur. Incarner des choses et en découvrir d’autres, c’est bien, mais ça ne peut en aucun cas faire office d’intérêt sincère pour continuer à jouer. Il manque soit un scénario, soit une physique organique du moteur permettant de faire de l’expérimentation, soit une vraie sensation de jouissance lié aux mécaniques de jeu pour qu’on puisse vraiment avoir envie de continuer à jouer et aller au bout de l’expérience. Comme quoi, même quand on pense tout avoir, on se rend vite compte qu’il nous manque quelque chose. Cependant, dites-vous que même si la manette venait à vous tomber des mains, le jeu reprendra le contrôle, comme s’il se dotait lui-même d’une conscience et se mettra à jouer à votre place. On peut au moins reconnaître à Everything un certain sens de la cohérence.
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