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[Dossier] Power Rangers : Des collants fluo au blockbuster

Alors qu’un film relançant complètement l’univers des Power Rangers s’apprête à voir le jour sur grand écran (le 5 avril), nous nous sommes dit qu’il pourrait…

Alors qu’un film relançant complètement l’univers des Power Rangers s’apprête à voir le jour sur grand écran (le 5 avril), nous nous sommes dit qu’il pourrait être intéressant de revenir sur les origines d’une franchise unique en son genre, et qui a marqué toute une génération. À l’instar de notre double dossier sur les tortues ninja (partie 1 et partie 2), voici tout ce qu’il faut savoir sur les Mighty Morphin Power Rangers !

Si vous êtes un habitué du Journal du Geek, c’est que vous avez logiquement des centres d’intérêt assez spécifiques. Et il y a de grandes chances que vous connaissiez les Power Rangers. Mais savez-vous comment cette franchise a vu le jour ? Qu’il s’agit de morceaux d’autres séries (japonaises) remontées avec des séquences reshootées par un casting américain ? Qu’il y a eu, au début des années 2000, une bataille pour les droits d’exploitation ? Que l’auteur du générique mythique et percutant n’est autre que Brian Patrick Carroll, plus connu sous le sobriquet de Buckethead ? Non ? C’est pas grave, nous allons immédiatement rattraper ces lacunes, parce qu’après tout, un geek qui n’y connaîtrait rien en matière de Power Rangers, c’est pas vraiment un geek (ce troll vous est offert par le Journal du Geek).

Power Rangers est une des franchises pour enfants les plus productives de l’histoire, avec actuellement 19 séries totalisant 23 saisons. C’est pas encore Doctor Who, mais ça met à l’amende la grande majorité des séries pour kids, toutes époques confondues. C’est le 28 août 1993 que débute l’aventure, outre-Atlantique, sur la chaîne Fox Kids. Très vite, Mighty Morphin Power Rangers va atteindre des sommets d’audience et générer des millions de dollars de bénéfices, à l’aide de jouets et de tout un tas d’autres produits dérivés. Autant dire qu’on parle d’un concept particulièrement prolifique. Cinq ados qui ont la capacité de se transformer en héros costumés, à l’aide d’appareils extraterrestres qu’ils portent au poignet, confiés par une entité mystérieuse qui semble vivre dans une éprouvette géante. Ah, et ils ont un repaire secret dans lequel les attend un robot, mais aussi et surtout, il y a les Zords. Machines gigantesques et transformables, les premiers Zords ont des formes de dinosaures et peuvent se combiner en un seul robot géant, quand les ennemis se font trop imposants. Les Power Rangers unissent alors leurs forces et bottent systématiquement l’arrière-train de leur ennemi du jour, qu’il se trouve dans son dos, ou sur son front (oui, les extraterrestre ont des formes et des mœurs bizarres…).

Le concept fonctionne immédiatement, mais ce n’est pas réellement une surprise. En effet, cela fait alors des années qu’il cartonne au Japon et dans d’autres pays du monde, avec les séries de sentaï. Si vous avez dans les quarante ans, vous en avez très certainement vu, enfant, chez nous. Bioman, ça vous dit quelque chose ?

Mais alors, qu’est-ce qui est différent, cette fois ?

[nextpage title=”America, F… yeah !”]

La différence majeure entre les séries de Sentaï et les Power Rangers tient à un élément central : le casting est ici composé d’américains. Autre différence notable, les Power Rangers sont des ados et/ou de jeunes adultes, là ou pendant très longtemps les Sentaï étaient composés d’adultes. Les éléments dramatiques (comme la mort de membres de l’équipe, assez fréquente chez les Sentaï), est ici remplacée par des passages comiques et des personnages secondaires bien souvent ridicules, mais au delà de ça, c’est virtuellement la même chose. À chaque épisode, un nouveau streum arrive, terrorise des gens dans un centre commercial/une rue/une école/une plateforme pétrolière, les Rangers arrivent en civil, affrontent une horde de clones aux capacités offensives d’un chiot de deux mois, se font secouer par le méchant monstre, se transforment et démontent le monstre après moult cabrioles, sauts de trampolines hors champ et autres tirs de rayons laser. Puis le vilain monstre est ressuscité par un des grands méchants, qui en profite pour lui donner une taille gigantesque. Les Rangers font alors appel à leurs Zords, qu’ils combinent en un robot tout aussi gigantesque, à la puissance de feu d’environ douze fois la Corée du Nord. S’ensuit un combat titanesque entre les deux entités, qui se projettent contre des immeubles en polystyrène. Puis le méchant se prend une super attaque de la mort qui tue, et rentre en pleurant chez sa mère (ou explose. Généralement il explose). Pour finir, les Rangers vont se prendre un milk shake au bar du coin, en se marrant comme des baleines. Fin de l’épisode, CTRL+C/CTRL+V et on est repartis pour un nouvel épisode. Et y’a des gens qui kiffent ? Bah un peu, mon n’veu !

[nextpage title=”Une oeuvre multi-générationnelle”]

Dans un prochain dossier, nous allons analyser ce qui fait que les Power Rangers puissent plaire à d’autres publics que les kids à qui cette franchise est initialement destinée. Afin de ne pas faire de redite, nous nous concentrerons donc aujourd’hui sur l’historique de cette saga, en commençant par celui avec qui tout a débuté. Non, pas le barbu qui habite dans les nuages, mais bien Haim Saban. Autocrédité créateur de la série, Saban est en fait un producteur visionnaire, un homme capable de voir les sacs de billets que représente tel ou tel concept. Producteur entre autres des génériques d’Ulysse 31, M.A.S.K. ou encore Inspecteur Gadget, Haim Saban parle six langues, a la double nationalité (Israëlien et Américain) et pèse lourd, très lourd. Connu pour être un peu le Midas du divertissement pour enfants (pas le pro du pot, l’autre), Saban est responsable de moult souvenirs de plusieurs générations de petits monstres collés devant leur télé le mercredi après-midi.

Et l’idée de génie derrière les Power Rangers, c’est lui. Toujours à l’affut d’un concept qui pourrait cartonner et lui permettre d’ajouter des toilettes en or dans chacune des pièces de sa villa, Haim Saban découvre dans les années 80, lors d’un voyage au Japon, les Super Sentai. Franchise hyper célèbre au Japon, véritable pan de la culture nippone, dans laquelle des adultes à-priori ordinaires revêtent des tenues en spandex colorés pour combattre les forces du mal venues de l’espace, les Super Sentai tapent directement dans l’œil (et dans le portefeuille) de Saban.

Seulement, selon lui, le concept est un poil trop Japonisant pour être exporté comme tel. Il fait donc un pari de folie : racheter les droits d’exploitation et une licence lui permettant de filmer du contenu original dans le même univers, avec les mêmes costumes et de tout remixer en une toute nouvelle série. Il monte un pilote un peu fou dans lequel il se moque de lui-même, et part en quête d’un diffuseur. Quête qui va lui durer huit années durant lesquelles il va lutter comme un forcené pour faire accepter son concept. Jusqu’au jour où la Fox accepte de lui commander une saison de ce qui va devenir un élément important de la pop culture des années 90. C’est ainsi qu’il va transformer Super Sentai Zyuranger en Mighty Morphin Power Rangers.

[nextpage title=”Tu montes, chéri ?”]

Des Super Sentai originaux, il ne conserve alors que les séquences de combat, les streums en plastique avec fermeture éclair dans le dos, et quelques séquences durant lesquelles les grands méchants tapent du pied dans leur repère secret. Tout le reste est produit en studio, par des équipes américaines, canadiennes, australiennes, néo-zélandaises ou anglaises (selon les époques). Pour des raisons de logique de continuité, il fait appel à des cascadeurs pour tourner quelques séquences de baston. Et pour des raisons de coût, il fait venir des réalisateurs japonais qui, en plus de connaître l’univers du Sentai et du coup de tatane sur trampoline avec explosion au second plan, sont payés beaucoup moins cher que les autres. Le résultat ? Un univers bien plus enfantin que les séries parfois sombres des Super Sentai, que Saban considère plus facilement vendable au monde entier. Et dans l’idée, il n’a pas tort, puisque le phénomène des Power Rangers va exploser, dès ses débuts en 1993, et continuer jusqu’à aujourd’hui.

Alors bien entendu, le fait de traficoter du matériel original pour en changer la saveur et même parfois le sens, ne se fait pas sans accrocs. Il n’est pas rare de constater par exemple des différences physiques entre les protagonistes et leurs versions Rangers en costume. C’est le cas notamment du Ranger jaune de la première série, qui dans la version Super Sentai est un homme, ce qui explique d’ailleurs son absence de jupette et de poitrine, alors qu’il s’agit d’une jeune femme (avec de la poitrine, elle, et surtout asiatique, histoire de pousser le cliché du Ranger Jaune…) dans la version Saban. Les incohérences physiques sont nombreuses si l’on regarde sur l’intégralité de la saga, et visiblement toutes les écoles du monde de Saban se trouvent à proximité d’un chantier de sable et de machines forer le sol. Malgré tout, la version américanisée fonctionne et plait. Sûr qu’il est plus facile pour un enfant de s’identifier à un héros quand le casting fait penser à une pub pour Benetton que lorsqu’il s’agit d’un casting exclusivement japonais. Pour le respect de l’œuvre, par contre, on repassera.

[nextpage title=”Ranger argenté”]

La popularité de la première série Power Rangers est telle que Saban épuise assez rapidement le stock d’images de Zyuranger qu’il a achetées et il a donc l’idée de contacter directement la Toei (producteur de la série originale) et Rainbow Productions (concepteurs des costumes et des monstres) pour commander de nouveaux épisodes. Il obtient alors la création de 25 monstres inédits et la réalisation de nouvelles scènes de combat de Rangers et de Zords. Comme quoi, quand on a des valises pleines de liasses de billets, on peut même faire plier les plus territoriales des boites de production japonaises.

Du côté des jouets, Bandai gérant déjà la licence Super Sentai, il n’a fallu que quelques coups de peinture par-ci par là, quelques adaptations d’accessoires pour coller aux normes hors Japon et des boites estampillées Power Rangers, pour inonder le marché international de figurines et autres robots transformables. Saban a eu le nez fin, et le retour sur investissement va être l’un des meilleurs de sa carrière. La machine Power Rangers sera l’une des plus productives et des plus rentables de toute l’histoire de la série télé pour kids. Et tant pis si la majorité des adultes, Saban compris, trouvent ça complètement débile ; le cœur de cible adore et en redemande. Du coup, les séries vont se succéder, réutilisant chaque fois le même concept de découpage/transformation/remontage des séries Super Sentai de l’année précédente, pour le plus grand bonheur des fans.

Deux films sortiront même au cinéma, respectivement en 1995 puis en 1997, qui remporteront un succès mitigé auprès des critiques, mais rapporteront beaucoup d’argent à Saban.
Il conservera un contrôle créatif quasi total sur sa franchise, jusqu’en 2001, lorsque Walt Disney va la racheter lors d’une acquisition massive.

[nextpage title=”C’est la bataille, c’est la bataille”]

En 2001, Saban voit en effet son empire ébranlé lorsque Disney récupère les droits des Power Rangers. La série continue, mais sans Saban aux commandes. Et la différence se ressent assez rapidement. Si le concept reste le même, on sent qu’il manque la patte de l’équipe Saban, et, assez rapidement, l’intérêt pour les Power Rangers décroît. Disney ne semble pas comprendre ce qui a fait le succès de leur récente acquisition et n’y voit qu’une manne financière importante, qu’ils ne parviennent pas à exploiter réellement. Lorsque Power Rangers Wild Force (la série qui marque les dix ans de la franchise) prend fin, Disney déplace le tournage et la production en Nouvelle Zélande, ce qui sonne le glas pour bon nombre des membres de l’équipe originale de production. Le show est alors baladé de chaîne en chaîne du network, et plusieurs chaînes du câble refusent de continuer à diffuser les Power Rangers, dû à un manque d’application de certaines règles du FCC (le CSA américain). Nos Power Rangers sont alors en pleine traversée du désert et le prochain point d’eau n’est pas en vue.

Puis la frappe tombe en 2009, quand Disney annonce la fin du programme, au terme de Power Rangers RPM (excellente série, au passage). C’en est trop pour Haim Saban qui, plus décidé que jamais à récupérer sa poule aux œufs d’or, allonge 43 millions de dollars pour récupérer les droits des Power Rangers, relancer directement la production d’une dix-huitième série (Power Rangers Samurai, diffusée sur Nickelodeon) et annoncer la production d’un troisième film. Ça fait quand même beaucoup d’argent pour une poule amaigrie et déplumée, mais l’homme qui a laissé passer les Pokemon se dit qu’on ne lui fera pas le coup deux fois. La série repart de plus belle et Saban fête les 20 ans de Power Rangers avec un épisode anniversaire, réunissant quasiment tous les anciens Rangers. Un fantasme absolu pour tous les fans, et une bonne manière de célébrer un événement qui n’était pas gagné d’avance. La série étant actuellement signée jusqu’en 2018, il n’y a pas trop de mauvais sang à se faire quand à son avenir. D’autant que dans ça va bientôt morpher au ciné !

[nextpage title=”Tchi tchaa !”]

Voici à peu près ce que l’on sait du film qui sortira bientôt : il s’agira du premier film en vingt ans, mais bien du troisième de la franchise (après Power Rangers Le Film et Turbo Power Rangers). Il reprendra l’histoire de la première série, c’est à dire l’arrivée sur terre de la méchante Rita et la création des Power Rangers pour protéger la planète. Au niveau des tenues, elles sont cette fois censées être composés d’une sorte de liquide extraterrestre translucide qui viendra se cristalliser autour des Rangers, formant ainsi une combinaison organique, non sans rappeler celle du Guyver. C’est tout de suite autre chose que les tenues en spandex avec la fermeture éclair dans le dos et les casques avec les attaches sur les côtés, qui disparaissent bizarrement pendant les scènes de baston.

Les rumeurs vont bon train, et certaines ont été confirmées par l’équipe lors du dernier SDCC. On sait par exemple, pour en avoir vu des morceaux sur des posters promotionnels, que les Zords seront bien présents dans le film et qu’il va donc falloir s’attendre à un combat tout en images de synthèse qu’on espère épique. Par ailleurs, lorsque le tournage a pris fin le 6 juin dernier, il a été révélé que Zordon serait interprété par nul autre que Brian Cranston. Des tenues qui se cristallisent, données à des ados par un extraterrestre anciennement chimiste et dealer de meth… On sait rigoler, à Hollywood.

Niveau références, et peut-être pour rassurer les plus sceptiques, les producteurs citent tout de même les Spider-Man de Sam Raimi, mais surtout le Breakfast Club de John Hughes (énorme film culte pour toute une génération de quadras). Alors autant Spider-Man, on peut s’y attendre et on comprend aisément, autant, citer Breakfast Club, faut soit être très courageux, soit complètement fou. Mais Michael Bay n’est pas de la partie, donc tout espoir est encore possible. Et si le dernier trailer en date a bien divisé Internet, une chose est certaine, les producteurs et le réal’ savent ce qu’ils font et assument complètement l’univers et la mythologie des Power Rangers. Si l’on est a des années lumières d’un film de Super Sentai, les fans de Power Rangers, eux, pourraient bien y trouver leur compte. Et c’est tout ce qui… compte, justement.

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