Version « remaniée » du RPG d’horreur de Capcom Sweet Home sorti en 1989 et déjà bien orienté film frissonnant kitsch via sa jaquette, Resident Evil premier du nom est un hommage. Une réunion d’idées et de petites astuces de cadrage qui viennent tout droit de sa source principale d’inspiration, La Nuit des Morts-Vivants de George Romero. Unité de temps, découverte de la déchéance d’une partie de l’humanité en croisant par hasard un zombie dans un contexte « normal », lenteur et bêtise de ces êtres putrescents, tout dans Resident Evil renvoie à cette contextualisation et à cette vision du mort-vivant.
Un choix qui impacte durablement la série, qui va utiliser cette manière de percevoir le zombie jusque dans son quatrième épisode. Il ne faut pour autant pas oublier que le jeu de Capcom abrite également un bestiaire complètement extérieur au classique film orienté vers les gens qui sortent de leur tombe en beuglant, dans une sorte de folie nanardesque stimulante. Il est donc possible d’y croiser un serpent géant extrait d’un des plus intenses combats de Conan le Barbare (1982) ou de la rencontre inopinée entre singe et reptile du King Kong de 1976, ou encore une plante monstrueuse qui a fait directement le voyage à la fois depuis The Day of the Triffids (1962) et la jungle hostile de Flash Gordon (1980).
Le spectacle ne s’arrête pas là et les arachnophobes sont servis grâce à la présence d’araignées géantes que ne renierait pas Tarantula (1955), sans passer outre les versions aux hormones des hommes-poissons du Continent des Hommes-Poissons (1979) figurés par les Hunters. Mention spéciale aux corbeaux agressifs qui par leur immobilisme dérangeant juste avant l’attaque rappellent Les Oiseaux d’Hitchcock (1963). Un ensemble de codes et d’emprunts au cinéma aisément reconnaissables qui placent Resident Evil dans une logique de déclinaison évidente du long-métrage de genre vers le jeu vidéo de genre.
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Avec son Némésis, force terrifiante que rien ne semble arrêter avant que ses cibles ne jonchent le sol, Resident Evil 3 fait en un sens muter Jason Voorhees en gros musculeux avec un bazooka. Avec Resident Evil 4, Capcom, et surtout Mikami, change de registre. Toujours dans l’incohérence rigolote qui ne tiendrait pas deux secondes dans le cadre d’un film live, ce nouvel épisode de la série s’adapte à son époque. En 2005, les zombies ne sont plus des cadavres ambulants sortis de terres par manigance mystique, extraterrestre ou technologique, mais des infectés. Bien plus dangereux et véloces, ces derniers sont des exagérations de l’humain, tirant parti de toutes ses déviances en les décuplant. Cruels, tenaces, nerveux et sans pitié, ils conservent un corps relativement fonctionnel, créant un décalage moindre et donc une gêne plus prononcée face au massacre. Lorsque les personnages principaux éliminent ces zombies nouvelle génération, le spectateur/joueur voit des hommes s’étriper entre eux. C’est le cas du film 28 jours plus tard (2003) qui participe à la popularisation de ce phénomène, que l’on retrouve dans Resident Evil 4.
Leon Kennedy est en effet lâché dans un no man’s land peuplé d’habitants étranges, qui ne trahissent tout d’abord aucun trouble particulier avant de décider de l’embrocher ou de le tronçonner – rapport là aussi direct à Massacre à la Tronçonneuse. Moins « guindé » dans ses choix de cadrage, le jeu abandonne les plans fixes pour une caméra à l’épaule, accolé au principe de shaky-cam (caméra non stabilisée), théorisé en 1995 par Lars Von Trier et son Dogme 95. Très populaire dans les films d’action des années 2000, voire fin 90, notamment avec la scène marquante du débarquement dans Il Faut Sauver le Soldat Ryan (1998), elle dynamise le point de vue en donnant le sentiment au spectateur de faire partie de la scène de façon viscérale.
Mêlant monstres de l’imaginaire européen, à l’image d’un troll sorti de nulle part et entités filmiques indéfinies issues de nanars comme ces moines entièrement de noir vêtus qui agitent leurs armes comme des spécialistes du close-combat, Resident Evil 4 rompt paradoxalement les codes de ses aînés tout en poursuivant leur vision amoureuse et foutraque du cinéma. Il était logique, devant le succès de la série et ses thématiques, que le monde du long-métrage lui-même s’y intéresse à son tour. La boucle tend à se boucler, mais en se coinçant un bout de peau à l’intérieur.
Car si le tout premier film tiré de la saga, intitulé sans grande passion Resident Evil et réalisé par Paul W. S. Anderson en 2002 se laisse voir grâce à un certain respect du matériau de base, reprenant des angles de vue du jeu originel dans une mise en abîme limite effrayante, ses suites ne sont que déclinaisons sans âme. Quittant l’univers de base et se réfugiant dans les limbes de l’actioner même pas valable un dimanche pluvieux sous la couette, elles se contentent de récupérer le titre de la licence pour le plaisir de l’exploitation et le déplaisir du fan. Malheureusement, comme souvent avec une série aussi portée sur les références cinématographiques, lorsque le cinéma s’y plonge il régurgite sans talent des codes que son propre domaine a fixé bien des années auparavant. Quelqu’un a parlé de Max Payne ?
Resident Evil 7 sortira sur PC, Xbox One et PS4 le 24 janvier 2017
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