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[Critique] Les Animaux Fantastiques – SPA mal du tout

L’idée même de prolonger l’univers cinématographique d’Harry Potter pouvait sembler quelque peu extravagante. Après huit films inégaux, on était en droit de se dire qu’on avait fait le tour de la question. C’était sans compter sur l’abnégation de David Yates (réalisateur des quatre derniers films) et de J. K. Rowling en personne au scénario pour prolonger encore un peu plus le plaisir.

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Quatre amis…

Les Animaux Fantastiques, spin-off qui se déroule bien avant les péripéties des livres, décrit un New York du début du 20e siècle confronté à une menace magique, un peu comme une créature puissante et invisible qui détruit tout sur son passage, des bâtiments aux rues. En parallèle, le jeune et timide sorcier anglais expert en animaux magiques Norbert Dragonneau (interprété par Eddie Redmayne, Oscar du meilleur acteur pour son interprétation de Stephen Hawking dans Une merveilleuse histoire du temps), débarque en ville équipé de sa valise sans fond dans laquelle semble se cacher plus d’une créature. Par un malencontreux hasard, son bagage sera échangé avec celui de Jacob Kowalski (Dan Fogler), un « non-mage », forme politiquement correcte d’appeler les moldus aux États-Unis. Cela est problématique dans la mesure où dans ce pays, le monde magique et le monde des non-mages vivent complètement séparés. La loi impose que toute interaction surnaturelle entre un sorcier et une personne normale doit se conclure par un sort d’oubliette, le fameux sortilège d’amnésie. Les autorités administratives des sorciers ont en effet peur des conséquences que pourrait avoir leur exposition au monde, le pire scénario étant, sans mauvais jeux de mots, une chasse aux sorcières, voire une guerre.

Toute la structure narrative sera basée sur la tension qui existe entre ces deux communautés… Et aussi sur le fait qu’une partie du bestiaire de la valise se soit échappé dans New York. Le jeune Norbert, peu habitué à se faire discret lorsqu’il tente d’attraper une créature qui peut parfois faire dix fois sa taille, le découvrira à ses dépens alors qu’il se fera interpeller par la jeune et fougueuse inspectrice Porpentina Goldstein (ou « Tina », jouée par Katherine Waterston). Lourdée par sa hiérarchie trop occupée à régler le chaos déjà présent en ville, elle se voit dans l’obligation de cacher Norbert et Jacob chez elle, où ils rencontreront sa sœur au caractère lunaire, Queenie (Alison Sudol).

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Ce quatuor improbable est le noyau central du film. Chacun à leur manière, ils dégagent un charisme et une sensibilité particulière ce qui est suffisamment rare pour être noté dans ce genre de superproduction. La timidité et les obsessions de Norbert qui tiennent presque de l’autisme sont parfaitement expliquées par l’amour qu’il porte à ses drôles de créatures, ce qui le rend particulièrement attachant. Jacob est quant à lui en permanence perplexe et bien souvent la victime burlesque de la nonchalance de Norbert qui ne se soucie pas toujours de ce que ses animaux peuvent lui faire subir. Jacob fait toutefois preuve d’un détachement de façade désopilant face à ces situations, ce masque craque toutefois régulièrement pour laisser sortir un rire nerveux devant l’improbabilité de ce qui se joue devant ses yeux. Cette relation de clown blanc/auguste fonctionne très bien et peut s’appliquer de manière complexe dans ce groupe de quatre amis d’infortune. Tina s’impatientera régulièrement devant l’insouciance de Norbert et Queenie, Queenie sera fascinée par la simplicité et la gentillesse de Jacob, Jacob qui n’est pas indifférent aux charmes de Queenie se passionnera par la ménagerie que cache Norbert dans sa valise magique. En un peu plus de deux heures de film, Rowling parvient à créer des relations complexes, faites de petites frustrations et d’attention au quotidien entre un nombre restreint de personnes. On savait qu’elle était capable de créer un tel attachement en plusieurs centaines de pages entre le lecteur et un groupe d’amis, mais le réussir aussi bien sur un seul métrage, est un petit tour de force.

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… et 30 millions d’ennemis

Ce souci du détail se retrouve également dans les enjeux politiques et sociétaux que le film essaye, parfois trop succinctement, de faire passer. Quelques questions de communautarisme et de racisme sont évidemment mises en avant pour donner de la crédibilité et du corps à ce contexte américain magique de cette époque. Le film retranscrit ces questionnements par l’« Église de Salem » qui distribue aux enfants pauvres de la soupe en échange d’une promesse de délation s’ils voient le moindre phénomène magique suspect.

Cependant, hormis les extrémismes évidents, il n’y a pas réellement de gentils ou de méchants, du moins, ils ne sont pas identifiés dès le début. De nombreux intérêts se confrontent et le spectateur mettra un certain temps avant de détricoter la pelote et comprendre ce qu’il se passe, d’autant que certains fusils de Tchekhov ne sont pas si évidents que cela à repérer. Un tel enchevêtrement d’enjeux est souvent une bonne chose et prévient d’un manichéisme qui mine parfois les superproductions américaines. Malheureusement, le film s’y prend peut-être un peu trop tard pour expliquer certaines motivations. Percival Graves par exemple qui est joué par ce robot de Colin Farrell qui ne semble pas avoir fait sa mise à jour de palette d’expressions, est un haut cadre des forces de police magiques et ses intentions ne sont pas clairement dépeintes. On se rendra compte assez rapidement qu’il aura un rôle d’antagoniste plus tard dans l’intrigue, mais avant la fin du film, on ne sait pas vraiment pourquoi. C’est dommage, car une petite explication de texte un peu plus précoce sur ses motivations aurait été intéressante, surtout avec ces problématiques sociétales malignes injectées dès le début.

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Label bêtes

Pour le reste, ça pétarade, ça explose, ça détruit, c’est beau, c’est techniquement propre, la réalisation est très correcte et on passe un très bon moment. À l’instar de Jacob qui découvre pour la première fois l’intérieur de la valise de Norbert, on s’émerveille devant la générosité graphique du film et on s’enchante devant la faune étrange qui y est allègrement dépeinte. L’univers du film est un peu plus mature, un peu plus sérieux, mais il bénéficie de la même magie qui animait les films Harry Potter. La découverte des objets, des concepts, de la manière dont ce monde fonctionne donne envie de s’y plonger davantage. Une histoire à tiroir caractéristique de l’œuvre de Rowling qui semble être aussi bien à l’aise dans un livre que dans un scénario.

Pas non plus besoin d’être un crack de l’univers du sorcier binoclard pour apprécier Les Animaux Fantastiques. Au mieux, cela vous évitera quelques déductions rapides dans la manière dont fonctionnent certains sortilèges. Le film de tombe pas non plus dans le travers de chercher à tout expliquer pour ne perdre personne. L’analphabétisme magique de Jacob aurait pourtant été une excuse parfaite pour plomber le film à grands coups d’explications. Quand un sorcier utilise le sort « Alohomora » qui sert à l’ouverture d’une porte déverrouillée, la porte s’ouvre et c’est tout. Le spectateur béotien en tirera les conclusions et c’est bien suffisant. Toutefois, le film ne peut pas s’empêcher de « name drop » certains éléments de l’univers, autant de clins d’œil insistants aux fans, quand bien même lesdits éléments n’ont aucun rôle dans l’intrigue du film.

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Les Animaux Fantastiques devait relever le défi de se détacher du lourd actif Potterien tout en se trouvant une identité propre. Force est de constater que le pari est réussi. Nous voilà devant une superproduction sensible qui sait autant mettre en avant les biscoteaux de ses images de synthèse que le charme de ses personnages principaux. On en ressort tout aussi heureux d’avoir rencontré son bestiaire fabuleux que sa distribution charmante. Magique !

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