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[Chronique] L’univers de Star Wars est-il cohérent ? Petit état des lieux

Star Wars est un univers immense et complexe aux créatures et planètes uniques. Mais au milieu de ce foisonnement, est-ce que tout fonctionne de manière cohérente…

Star Wars est un univers immense et complexe aux créatures et planètes uniques. Mais au milieu de ce foisonnement, est-ce que tout fonctionne de manière cohérente ? Plongée dans les bouges et les forêts de la série de Lucas.

La première chose qui frappe lors d’un visionnage d’un épisode de Star Wars n’est pas forcément la vision d’un sabre laser, d’un vaisseau spatial ou de deux soleils à l’horizon. Non, ce qui chahute le petit cœur d’aventurier de mondes inconnus est la variété des extraterrestres et des créatures, qui rampent, marchent, volent sur ces terres exotiques. La série de films prend dans l’ensemble soin de proposer des bestioles en adéquation avec leur biotope, à quelques exceptions près. Même si la découverte du tardigrade a changé la donne sur la survie dans le vide spatial, l’exogorth (ver géant) tout droit sorti de Dune qui tente de gober le Faucon Millénium doit avoir des conditions de vie contraignantes. Se nourrissant uniquement de débris mécaniques, ce monstre de plus d’1 km de long n’a pas vraiment choisi la meilleure manière de se sustenter, devant attendre que des vaisseaux arrivent à sa portée. Mais dans la majorité des cas, les longs-métrages savent mettre en situation des créatures parfaitement adaptées à leur milieu, comme les tauntaun, aux capacités de résistance au froid exceptionnelles. Assez similaires à des animaux du quotidien, tout du moins visibles sur Terre, ces tauntaun ressemblent à de gros kangourous qui auraient vécu en plein Antarctique. Même destin pour le ronto, brontosaure stylisé ou encore le bantha, gros yak aux cornes surdéveloppées.

En revanche d’autres se montrent plus exotiques comme le mynock, gros parasite avide de câbles et surtout le sarlacc, immense gueule béante dans le désert qui aspire ses proies comme un fourmilion. Toutes ces formes de vie répondent pourtant aux mêmes impératifs basiques de fonctionnement connus dans les limites de l’intelligence humaine. Dans la fabrication optimale d’un corps, d’une structure, la symétrie semble être fondamentale. Elle permet comme le souligne Samir Merabet, chef d’équipe à l’Institut de Génomique Fonctionnelle de Lyon : « D’organiser les plans du corps autour d’un ou plusieurs axes, soit bilatéral (droite / gauche) soit radial (circulaire, comme chez les étoiles de mer par exemple). La présence d’axes permet de distribuer des coordonnées spatiales de manière variée, un peu comme une carte sur laquelle on place des points. » Une répartition qui facilite la croissance en gaspillant le moins d’énergie possible. Il semble donc légitime que même dans les tréfonds d’une autre galaxie, les espèces soient soumises à ces règles évolutives. Tout comme les « créatures » les plus intelligentes de ces planètes plus ou moins sauvages, incluant les personnages humains : Ewoks, Géonosiens, Gungans, Ithoriens, des peuples aux divers niveaux de progrès technologiques, aux capacités, formes et langues uniques.

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Comme l’explique très bien le critique américain Roger Ebert dans le Chicago Sun-Times : « La scène la plus fascinante pour moi était celle qui se passait dans une sorte de saloon bizarre sur la planète Tatooine. Devant la manière dont cette incroyable collection d’extraterrestres alcooliques et de buveurs de Martini aux yeux globuleux était accoudée au bar, et comment Lucas les laissait malicieusement exprimer des comportements qui sont universellement humains, j’ai ressenti un mélange d’admiration et de joie ». Et c’est typiquement ce qui complète cette vision très terrienne de Star Wars, mythologie s’étendant au-delà du système solaire, mais ancré dans l’être humain. Malgré les modes de communication d’une immense variété proposés dans la série de films, accompagnés des têtes et des physiques les plus improbables, les réactions des extraterrestres restent axées sur des rapports assez anthropocentristes. Pour la plupart équipés de jambes et de bras, ainsi que d’un langage construit – pas de plages de sons à l’image des cétacés – ils n’utilisent pas non plus de liens télépathiques ou simplement d’échanges chimiques.

Rien de bien méchant pour la cohérence globale de l’univers, mais il est intéressant de constater que dès lors où des obligations sociales sont en jeu, la créativité s’amoindrit pour revenir vers l’humain. Bref, les créatures intelligentes de Star Wars sont bien moins rafraîchissantes que les bestioles qu’elles croisent. Reste évidemment le problème du langage, mis en lumière par les longues discussions entre Chewbacca et Han Solo. Ce dernier a-t-il appris le Wookie dans sa jeunesse ? Possède-t-il un traducteur intégré ? Des questions qui n’ont pas de réponse et qui n’en ont sans doute pas besoin, mais qui posent tout de même le problème de la gestion réelle de toutes ces planètes, par exemple en ce qui concerne la mise en commun de systèmes entiers sous l’égide de gouvernements d’une taille inimaginable. Il est déjà compliqué de créer des accords entre voisins, pire entre communes, encore davantage entre pays d’une même planète. Parvenir à cimenter des accords entre des peuples aux différences marquées jusque dans la simple manière de ressentir son environnement est une belle utopie. Star Wars a pourtant trouvé la solution, le Sénat Galactique.

Fondé par la République, nommée ainsi en opposition à l’Empire, cet organe politique est parvenu à garder un certain équilibre pendant plusieurs siècles. Avec à sa tête un Chancelier Suprême, qui organisait les débats et écoutait les plaintes de centaines de milliers de représentants issus de divers systèmes solaires, le Sénat donnait à chacun la possibilité de réfléchir à la meilleure manière de soutenir la République. Mais à l’aune de dissensions majeures, de velléités commerciales et justement de différences trop marquées entre certains peuples, les mains du Chancelier ont été de plus en plus liées jusqu’à un coup d’État mené par Palpatine de façon on ne peut plus démocratique. Rarement abordée dans Star Wars, cette notion d’incompréhension mutuelle pouvant aboutir à des scissions fortes, parfaitement brossée dans Premier Contact de Denis Villeneuve, trouve là une illustration parfaite. Les liens personnels et locaux, comme entre les divers pilotes de la Résistance fonctionnent, mais perdent de leur force une fois pris à l’échelle de galaxies entières.

Avec cette chute dans un totalitarisme autant imposé que choisi, la série de Lucas questionne l’Amérique de Nixon puis celle de la fin du XXeme siècle certes, mais également la difficulté de résister aux pressions sociétales. Comme le rappelle l’historien Thomas Snégaroff : « Il y a beaucoup de malentendus sur La Guerre des étoiles mais l’un des principaux est de penser qu’il s’agit d’une défense des Etats-Unis face aux grands totalitarismes du XXe siècle. Pas du tout : ce que George Lucas raconte, c’est comment une nation démocratique et républicaine peut évoluer vers le côté obscur, et, de la même manière, comment une personne peut elle-même basculer du côté obscur. Les deux résonnent […], Anakin serait l’enfance de l’Amérique qui a tous les talents – les Américains pensent toujours que leur nation est exceptionnelle, la meilleure du monde – et qui basculent dans le Mal quand même. Il est l’allégorie de la nation américaine. » Une nation qui doit faire face à sa gestion de ses communautés et de son aspect multiculturel longtemps laissé de côté. Comme ce gouvernement galactique qui comprend les différents langages mais pas forcément les aspirations culturelles. Un yo-yo constant entre facilités de narration, cohérence formelle et incohérence obligatoire, qui fait de Star Wars une étude fascinante sur la conception d’un monde. Un monde qui marche pour qui y croit et c’est bien là le plus important.

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