Comment le studio qui a créé Wolfenstein 3D, Doom et Quake peut-il parvenir à retrouver sa place de Rock Star du FPS ?
En 2015, lorsque l’on parle de FPS, on cite volontiers DICE, Infinity Ward ou Gearbox, soit une poignée de studios qui ont lancé quelques unes des franchises les plus populaires de ces dix dernières années. Mais on a (presque) fini par oublier que les Battlefield, Call of Duty et autres Borderlands doivent énormément à id Software, la société qui a tout simplement posé les bases du simulateur de meurtre à la première personne, qu’il soit solo ou multijoueur. Et pourtant, ces derniers temps, id a perdu de sa superbe, s’appuyant inlassablement sur un passé glorieux sans retrouver le chemin du succès. La question qui nous taraude est donc la suivante : avec le reboot de Doom, id Software peut-il récupérer son statut de roi du genre ?
Avant de répondre à cette brûlante problématique, permettez-moi de vous ramener au début des années 90 : après avoir créé l’un des meilleurs jeux de plateforme du PC (Commander Keen), id Software, alors mené par John Carmack et John Romero, décide d’aller casser du nazi. Une noble tâche qui se traduit à l’écran par Wolfenstein 3D. À l’époque – en 1992 – on n’avait tout simplement jamais vu ça. Un an plus tard, la bande repousse les limites du genre qu’elle a initié, avec le premier Doom. Le jeu est distribué à plus de 15 millions d’exemplaires en version shareware et parvient même à s’écouler à plus de 2 millions en version complète. Bref, id est riche, et ses membres roulent tous en Ferrari. La suite est tout aussi glorieuse : Quake 1, Quake 2, Quake 3, ainsi qu’un savoir-faire technologique incomparable, à tel point que la moitié des FPS du début des années 2000 tourne grâce à un moteur développé par id.
Et puis, la machine s’enraye, tout doucement, sans qu’on s’en rende vraiment compte : en 2004, Doom 3 déçoit. Non pas que le jeu soit mauvais mais son orientation horrifique et son rythme relativement posé l’éloignent quelque peu de la fureur des deux premiers épisodes. Et ne parlons même pas de Quake 4 – dont le développement est confié à Raven Software – qui s’avère, lui, franchement médiocre. En parallèle, le studio subit la concurrence de plus en plus forte d’autres moteurs graphiques, comme l’Unreal Engine d’Epic ou le CryEngine de Crytek. Malgré l’id Tech 5, censé être la vitrine qui devait propulser Rage au firmament du FPS, la dégringolade continue pour id.
En dépit de cette success story qui s’étiole petit à petit, Zenimax (maison mère de Bethesda) décide de racheter le studio en 2011. Une bonne nouvelle pour id, qui va lui permettre de respirer et finir tranquillement Rage. Mais malgré les excellentes critiques et les ventes honnêtes de ce dernier, id semble avoir clairement perdu son image de leader du FPS, d’autant plus que dorénavant, Call of Duty croque tout sur son passage.
[nextpage title=”L’esprit id est-il toujours là ?”]
En conséquence, on aurait eu tendance à dire qu’il n’y avait désormais “plus personne” chez id Software ; c’est faux. Tous les membres fondateurs ont en effet quitté le navire, mais le studio s’appuie sur de nouveaux piliers qui sont tout doucement en train de redorer l’image d’id. On pense notamment à Tim Willits, directeur créatif, ou encore à Marty Stratton, le producteur exécutif de Doom. Des gars avec de la bouteille qui ont bossé aux côtés de Carmack pendant des années et qui incarnent aujourd’hui “l’esprit id”.
Tim Willits, par exemple, rejoint les rangs d’id Software en 1995, après avoir fait ses armes comme moddeur amateur pour Doom. Il est rapidement devenu le bras droit de Carmack, jusqu’à devenir co-dirigeant du studio, place qu’il occupe encore aujourd’hui. C’est lui qui a mené des projets comme Doom 3, Quake Live ou encore Rage, et c’est lui qui remplace désormais Carmack durant la keynote d’ouverture. Ces interventions sont certes moins longues et moins techniques, mais l’enthousiasme du bonhomme, son respect des joueurs et son amour d’id software sont palpables. Lorsqu’il débarque sur scène, c’est une salve d’applaudissements et de cris qui explose dans la salle.
Marty Stratton, arrivé chez id en 1997, a quant à lui un profil davantage orienté “business” : il s’occupe dans un premier temps de développer la compagnie à l’international, puis devient producteur exécutif en 2006. Là encore, il fait partie des têtes pensantes de projets comme Rage ou Quake Live. Difficile, en tout cas, de ne pas être convaincu par son savoir-faire et sa fierté de faire partie de cette aventure. Pour lui, un projet tel que ce reboot de Doom n’est pas vraiment à prendre à la légère : “Quand vous commencez à créer un Doom, c’est un truc énorme, il faut le prendre très au sérieux. Il faut comprendre son ADN et ce qui fait que les gens l’aiment. Personne ne se soucie plus de Doom que nous.” Il définit par ailleurs l’esprit “Doom” avec quelques mots percutants et tout à fait justes : “Des mouvements rapides, des flingues incroyables et des démons. Si vous vous arrêtez de bouger, vous êtes mort”. Simple, efficace.
Bref, après quelques jours passés à la QuakeCon en juillet, le ressenti envers id software est rassurant : certes, le studio a perdu quelques unes de ses figures emblématiques et n’a plus le statut culte qu’il avait il y a quinze ans mais l’esprit est plus que jamais présent, d’autant plus avec le retour de Doom. Reste que le titre a tout intérêt à connaître un véritable succès, car id n’a plus vraiment le droit de se planter. Le studio semble en tout cas avoir plus que jamais conscience de cette situation et, pour le moment, gère brillamment la communication autour du titre. La démo de l’E3 a enthousiasmé beaucoup de monde et le mode multi présenté à la QuakeCon rassure quant à la capacité de la compagnie à nous proposer un FPS ultra nerveux. À l’ancienne, pourrait-on dire. Il flottait d’ailleurs une certaine aura de nostalgie 90’s cette année dans cette QuakeCon 2015, comme si les joueurs avaient décidé de fraguer comme à l’époque des modems RTC et des souris à boule. Doom et ses créateurs y sont sans doute pour quelque chose.
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