C’était sans compter sur l’abnégation de la communauté Zero Escape américaine, qui s’est mobilisée pendant des années pour que Spike Chunsoft, l’éditeur, autorise le développement de ce troisième épisode. En 2015, durant une conférence tenue par Aksys Games à Anime Expo, Uchikoshi délivre son public en annonçant l’arrivée de Zero Escape 3 après des semaines de teasing sur internet.
Bref, autant vous dire que ce jeu-là était attendu au tournant. Il est attendu au tournant, car il est censé répondre aux très nombreuses questions laissées en suspens à la fin de Virtue’s Last Reward. L’intérêt de cette saga vient principalement de son histoire unique, de la manière dont le scénario manipule le joueur, de ce mélange incroyable entre fantastique et sciences, mais aussi des questionnements perturbants qu’il suscite. Les deux premiers Zero Escape étaient des jeux qui faisaient réfléchir tant sur les escape room dont il fallait sortir que sur des principes philosophiques profonds. La barre est extrêmement haute et autant vous le dire immédiatement, même si Zero Time Dilemma n’est pas aussi parfait que son prédécesseur, il n’en est vraiment pas si loin que cela.
Mais avant le test, j’ai une question pour vous. Avez-vous au moins joué à Virtue’s Last Reward ? Si ce n’est pas le cas, ce n’est même pas la peine d’envisager de jouer à Zero Time Dilemma. Vous passeriez à côté du plaisir de ce troisième opus tout en vous gâchant certains éléments scénaristiques de l’épisode précédent. Je vous épargne 999, car il a certainement moins bien vieilli (même si je vous le recommande chaudement), mais faites au moins Virtue’s Last Reward si vous comptez vous attaquer à Zero Time Dilemma.
[nextpage title=”Sortir, choisir, mourir”]
Les équipes sont réparties dans trois secteurs du bâtiment qui ne communiquent pas entre elles. Elles ne peuvent ainsi jamais se rencontrer. Seul moyen de communication, un chien, Gab, qui peut se faufiler dans les conduits d’aération et convoyer des messages. Si cela n’était pas assez troublant, toutes les 90 minutes, les bracelets que tous les personnages ont au poignet leur injectent un tranquillisant doublé d’un sérum d’amnésie qui leur fait oublier toutes les actions qu’ils auront faites durant leur phase de réveil.
Les personnages seront donc en constant questionnement. Où sont-ils ? Les équipes se réveillent souvent dans une salle fermée dont ils doivent s’échapper. Combien de fois se sont-ils réveillés depuis le début du jeu ? Où sont les autres membres de l’équipe ? Parfois, un membre manque à l’appel et même s’ils ont assisté à sa mort plus tôt dans l’histoire, les personnages ne s’en souviendront pas. Il arrivera même qu’ils commencent à s’accuser les uns les autres pour le meurtre de leur compagnon. Le thriller psychologique est réel et de nombreux personnages craqueront durant l’histoire.
Durant l’histoire ai-je dit ? Durant LES histoires devrais-je dire. Car le fil des événements se sépare régulièrement en de nombreux chemins bien indiqués. Voici un bouton, devez-vous appuyer dessus ou vous en abstenir ? Autre exemple, toute votre équipe a été empoisonnée. Quel antidote allez-vous boire ? Dernier exemple, tous les membres de votre équipe se menacent les uns les autres d’une arme à feu. Sur qui allez-vous tirer ? Chaque choix que vous ferez marquera un embranchement sur un arbre scénaristique qui résume toute l’histoire. Vous pouvez revenir à tout moment à chaque étape de l’histoire à laquelle vous avez déjà assisté, ce qui vous permet de revivre un choix pour voir ce qu’il se serait passé si vous en aviez décidé autrement. Notez également que les conséquences d’une décision dépendront parfois entièrement de la chance, comme le lancer d’une pièce ou un jeu de roulette russe.
Ce système tranche avec celui de VLR qui était un peu plus simple à aborder. Votre personnage évoluait le long de l’arborescence pour accéder à certains embranchements, il fallait tout simplement faire les choix en conséquence. Il était ainsi plus facile de garder le fil de l’histoire où on se situait. Ici, à l’instar des personnages, on est un peu perdu. On ne sait pas trop où on atterrit, on ne se souvient plus trop qui est mort et qui ne l’est pas et quels sont les enjeux de cette ligne temporelle. Il est ainsi moins facile pour le joueur de conserver une idée globale de ce qu’il se passe, ce qui peut mener à une certaine forme de frustration. Cependant, peut-être que c’était justement l’objectif ? Si c’est le cas, c’est réussi. Mais on ne peut s’empêcher de regretter la simplicité et l’immédiateté de VLR à cet égard.
[nextpage title=”Et ça continue, en-gore et en-gore”]
Et pourtant, malgré une rigueur scientifique avérée, le jeu parvient encore à vous faire avaler des éléments de fantastique. Certaines choses restent inexpliquées ou un peu trop grosses pour être avalées telles quelles. Mais elles sont toujours intégrées lentement, doucement et sans jamais bouleverser sa suspension consentie de l’incrédulité. De cette manière, Kotaro Uchikoshi ouvre le champ des possibles et étire son scénario à l’envi vers des truchements incroyables auxquels le joueur ne peut pas s’attendre. Ce numéro d’équilibriste qui dure depuis 999 est parfaitement préservé dans Zero Time Dilemma, même si certains concepts subtilement énoncés auparavant sont plus démonstratifs et semblent enfoncer quelques portes ouvertes. Il y a fort à parier que le titre cherche également à séduire un public qui n’aura joué à aucun des jeux précédents.
Finalement, le seul point peu maîtrisé de ce point d’orgue magnifique viendra de la réalisation perfectible. Disons que le manque de moyens derrière ce troisième épisode sorti dans la douleur se fait sentir. Les animations des personnages sont rudimentaires, pour rester poli, et se contentent du strict minimum. La direction artistique est intéressante dans les artworks et les illustrations de travail, mais laisse vraiment à désirer une fois retranscrite dans le moteur 3D. Sur portable 3DS ou PS Vita, le jeu rame beaucoup et il ne faudra surtout pas compter sur un framerate constant. Sauf si la portabilité du titre est une condition sine qua non, il est recommandé de jouer sur PC où le jeu tourne sans aucune difficulté.
Toutefois, Zero Time Dilemma a l’avantage de passer après Virtue’s Last Reward qui n’était pas non plus une claque technique. Les amateurs et les nouveaux venus savent de toute façon que la substantifique moelle du titre ne se trouve pas là. Elle se trouve dans le propos, dans le scénario, dans les doublages qui sortent leur épingle du jeu, dans l’expérience globale et dans les heures et les heures de réflexions qui découleront de ce troisième épisode qui se situe dans la directe et vertueuse lignée de son prédécesseur.
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