Le titre a pourtant connu moult péripéties financières. L’échec commercial relatif de Tetrobot and Co. avait quelque peu douché les ambitions du studio qui craignait de devoir mettre la clef sous la porte avant de pouvoir terminer Seasons After Fall. Heureusement, début 2015, l’éditeur français Focus Home Interactive s’intéresse de près au projet et décide d’y apporter son soutien.
Voilà donc un jeu que nous autres, journalistes français, suivons d’assez près depuis un bon bout de temps. Je pense pouvoir affirmer sans trop m’avancer qu’on avait tous envie de voir William David (principal game designer du studio) parvenir à ses fins et finir le jeu dont il a toujours eu envie. Cependant, maintenant que le plus dur est passé, il est l’heure de faire le travail ingrat d’inspecteur des travaux finis.
Et qu’est-ce que j’aurais aimé ne rien avoir à redire à Seasons After Fall ! Qu’est-ce que j’aurais aimé crier au chef d’œuvre devant la poésie qu’offre le jeu et devant l’intelligence de son design ! Malheureusement, si tous les aspects concernant la direction artistique sont assez irréprochables, je ne peux pas en dire autant de sa conception. Voyons maintenant tout ce qui va dans Seasons After Fall, mais aussi tout ce qui ne va pas.
[nextpage title=”Techniquement imparfait, mais résolument charmant”]
Sur l’injonction d’une voix de jeune fille qui semble mieux savoir que nous ce qu’il se passe dans cette forêt, on est envoyé aux quatre coins de la carte pour aller faire nôtres les quatre saisons en commençant par l’hiver. On se promène ainsi gaiement dans les décors sylvestres, à moitié enfouis dans les hautes herbes, à la quête des « gardiens », colossaux animaux totémiques qui protègent les pouvoirs saisonniers.
Ce système des saisons est d’ailleurs plutôt intelligent et bien exécuté. D’une simple pression de la gâchette, votre renard se retrouvera en apesanteur et vous aurez la possibilité de changer la saison qui a cours dans la forêt d’un coup de stick. En été, la plupart des plantes et des bourgeons seront actifs, formant ponts et tremplins. Durant l’automne, les vents souffleront et les champignons seront suffisamment solides pour que l’on puisse sauter dessus. En hiver, le froid gèle les lacs et les chutes d’eau, les rendant praticables. Enfin, au printemps, la pluie tombe dru, augmentant le débit des cours d’eau. Chaque saison apporte une ambiance et des couleurs particulières, ajoutant un peu plus d’impact aux changements de level design.
On passe beaucoup de temps à courir dans Seasons After Fall. L’occasion d’admirer les décors réalisés à la façon speed painting qui donne une véritable patte « arty » au jeu. On a l’impression d’un jeu artisanal, dont les décors auraient d’abord été pensés pour figurer dans un livre pour enfants. Ce procédé a également permis au jeu de proposer une quantité impressionnante de décors pour un titre de ce calibre. Le tout est également servi par une parallaxe bien maîtrisée donnant de la profondeur aux environnements ainsi que de jolis effets de lumières et de particules qui rendent le tout assez vivant. On n’est certes pas au niveau d’Ori and the Blind Forest, mais on est malgré tout devant quelque chose de beau.
Il faut également parler des musiques ! Discrètes, il s’agit le plus souvent de violons s’adaptant à merveille aux aventures du joueur. De la petite ritournelle pizzicato durant la découverte de nouvelles zones, aux mélopées plus langoureuses quand l’ambiance est mélancolique, la bande originale sait également mettre l’emphase sur les quelques moments un peu plus dramatiques du jeu. Le doublage français est également de très bonne facture, ce qui est suffisamment rare pour être noté.
Seules quelques errances techniques sont à signaler. Que ça soit la queue du goupil qui se met à faire des mouvements erratiques à quelques occasions, certains éléments de décors qui apparaissent un peu trop tard ou des erreurs de superposition (éléments d’arrière-plan qui se retrouvent devant), on n’est jamais réellement gêné. Je veux dire, ce n’est pas comme si le renard était passé à travers le sol au moment d’un atterrissage… Bon très bien, c’est arrivé. Mais une seule fois durant toute l’aventure. J’estime que c’est encore acceptable.
[nextpage title=”Le level design est un roux carnage”]
L’homogénéité des décors est d’ailleurs un véritable problème dans Seasons After Fall. La carte n’est pourtant pas grande, et constituée de 4 grandes zones finalement assez linéaires, mais on parvient quand même à s’y perdre ! Dans les jeux de ce genre, quand il n’y a pas de carte (ce qui est le cas ici), on essaye de se repérer à l’ambiance ou aux archétypes des lieux, comme le monde de la glace, ou le monde de la lave. C’est classique, c’est vu et revu, mais il y a une bonne raison : ça marche. Malheureusement, les ambiances, c’est le joueur qui les déclenche d’un coup de gâchette et de changement de saison. Hormis en intérieur, l’hiver est blanc partout, l’été est verdoyant partout, l’automne est crépusculaire partout et le printemps est pluvieux partout. Au final, tous les endroits du monde finissent par se ressembler. Parfois, le jeu vous montrera un endroit où vous rendre, mais vous serez bien incapable de savoir si le lieu indiqué est devant ou derrière vous. Dans un jeu qui vous demandera de rallier de nombreux points de rendez-vous, c’est quand même ennuyeux.
Les distances sont également un vrai problème. Sans aucun moyen de se téléporter aux lieux remarquables de la carte, toutes les distances devront être couvertes à pattes et cela est loin d’être l’aspect le plus passionnant du jeu. Pire ! On vous demandera de retourner à ces endroits ! Vous vous surprendrez à de nombreuses reprises à traverser nonchalamment des environnements dont vous aurez déjà évacué toutes les difficultés. Malgré tout, cela vous prendra quelques minutes durant lesquelles vous garderez obstinément votre stick penché, en sautant de temps à autre.
Par moment, je me demandais même si le jeu ne se moquait pas de moi. Arrivé à mon objectif, tout au bout d’une zone, après une longue exploration, une cinématique me téléporte dans le hub central. Pas de problème me direz-vous, sauf que le jeu me demande dans la foulée d’y retourner. C’est quand même formidable ! Pourquoi m’avoir ramené au centre si c’est pour me demander de me refaire tout le chemin ? Je pense que le jeu aurait gagné à mettre en place un système de voyage rapide efficace, quitte à réduire la durée de vie totale du soft. Mieux vaut s’amuser pendant deux heures que s’ennuyer durant quatre.
Car malheureusement, les puzzles sont trop peu nombreux et rarement très compliqués. Encore une fois, la difficulté se trouve dans le tri de ce qui fait partie du puzzle ou ce qui fait partie du décor. Le jeu aurait gagné à limiter l’exploration (d’autant que la maniabilité du renard n’est pas irréprochable), à mieux baliser l’espace de jeu et à proposer des énigmes un peu plus fouillées qui prennent davantage parti du système des saisons, pourtant plein de potentiel. C’est vraiment dommage qu’on passe le plus clair du temps à courir sans savoir où aller, plutôt qu’à se creuser la tête.
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