Si le jeu accuse un downgrade technique certes scandaleux (la version PC reste de loin la pire par son instabilité), le studio Hangar 13 sait se faire pardonner par la minutie qu’il apporte à son portrait de l’Amérique de la fin des années 60, sa fièvre communautaire et citoyenne, tout comme son ébullition créative, que vient parfaitement habiller une BO riche en classiques de tous genres, du blues cajun au funk balbutiant. Immersion d’autant plus réussie qu’elle se voit portée par un héros, Lincoln Clay, remarquablement écrit et charismatique, qui embrase chaque cinématique d’une tension jouissive, à la hauteur de ses envies de vengeance. Malheureusement, la douche froide qui suit est à la hauteur de l’euphorie initiale.
Car la vengeance de Lincoln va devoir attendre. Comprenez, il a quand même un open world urbain à rentabiliser, quitte à se vautrer dans la répétitivité la plus crasse pour gonfler son expérience en dizaines d’heures de jeu. Certes, New Bordeaux est grande, immense même, et ses panoramas de jour comme de nuit, valent souvent la contemplation. Mais sa vacuité est à la mesure de sa superficie. Une fois qu’il cesse de rouler des muscles avec ses cinématiques, Mafia III perd toute prestance dès qu’on lui demande d’être un jeu. La plupart de ses activités se limitent à vider un quartier de ses criminels, piquer suffisamment de pognon ou abîmer suffisamment de biens appartenant à un gang pour ensuite affronter son boss, et lui piquer son turf. Méthode qui, à la longue, se fait par l’expédition punitive et bourrine, tant les mécaniques d’infiltration sont d’une rare indigence.
Le plus scandaleux reste la nature des zones ennemies, d’une uniformité déprimante. Combien de fois tombe-t-on sur des bâtiments entièrement dupliqués, d’un racket à l’autre ? Combien de fois avons-nous parcouru ces hangars jusqu’à connaître leur level design cloné par cœur ? Ce genre de pratique, qui frôle l’indécence, n’est pas seulement récurrente : elle en devient exponentielle à mesure qu’on débloque de nouveaux quartiers, jusqu’à l’overdose. Du précieux concentré initial, qui maniait si bien les références au cinéma de gangsters (Scorsese notamment) accouche une expérience diluée et interminable comme une telenovela, qui passe complètement à côté de son sujet. Car la plus grande victime de Mafia III reste Lincoln, son héros, relégué à un voyou automate qui répète ad nauseam les mêmes gestes, et perd peu à peu sa flamboyance tragique.
On comprend bien l’idée d’Hangar 13 de reproduire le quotidien d’un gangster au jour le jour, quotidien qui semble se réduire ici à du matraquage de mâchoire et du mitraillage de concurrent. Là où les deux premiers Mafia réussissaient modestement une odyssée déjà vu mais concise, ce troisième épisode fait l’effet d’un long coma à qui on refuserait l’euthanasie. Plutôt que de tout mettre son budget dans les droits musicaux et la motion capture de cinématique, Hangar 13 aurait dû investir dans un vrai game design.
Mafia III, disponible sur PC, Xbox One et PS4 (testé sur PC)
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