Le format épisodique a plus que réussi à Life is Strange. En 2015, les fins d’épisodes excitantes ne donnaient qu’une envie : dévorer le prochain morceau de l’histoire de Don’t Nod. La branche montréalaise du studio s’inspire de cette structure avec Lost Records : Bloom & Rage. La Tape 1 nommée Bloom (la première partie du jeu), pas exempt de défauts, s’est achevée sur un cliffhanger intriguant.
La Tape 2 intitulée Rage promet un rythme bien plus soutenu et des événements à même d’ébranler le groupe de copines formé par Swann, Autumn, Nora et Kat. Malheureusement, cette seconde partie de l’aventure narrative de Don’t Nod nous refroidit en plein été 1995.
Attention, ce test comprend quelques spoilers sur Bloom, la première partie de Lost Records.
Un groupe qui ne vit plus très bien
Rage reprend rapidement après la fin de Bloom. Swann et ses copines sont chamboulées par l’état de santé de Kat tandis que dans le présent, les adultes se remémorent les événements de ce dramatique été 95. Le scénario progresse bien plus rapidement dans cette Tape 2, aussi bien dans le présent que dans le passé. Le jeu pose enfin une ambiance plus sombre. Malheureusement, l’histoire est loin de briller par sa cohérence et sa structure.
En effet, Lost Records ne parvient toujours pas à poser de véritables enjeux dans Rage. Dans un premier temps, difficile de comprendre où le jeu souhaite nous emmener puisqu’il se contente d’enchaîner les scènes dans lesquelles on constate les remords du groupe et que Kat manque à Swann, Autumn et Nora.
Ensuite, les quelques passages plus tendus en milieu et fin d’aventure tombent un peu comme un cheveu sur la soupe, sans aucun fil conducteur. Surtout, ils reposent sur bien peu de choses hormis l’envie du groupe de rendre la pareille à un Corey certes toxique, mais sur lequel le jeu ne s’attarde clairement pas assez pour nous impliquer davantage émotionnellement.
Par ailleurs, les scènes de tension se comptent sur les doigts d’une main dans cette seconde partie étant donné qu’elle arrive très rapidement à son dénouement. Cela n’aurait rien d’un écueil si le suspense était palpable et les situations réellement enthousiasmantes, ce qui n’est pas le cas ici.
En outre, la mise en scène des phases « d’action » jure beaucoup par rapport aux séquences de dialogue tant l’ensemble manque de dynamisme. Les personnages semblent empreints d’une certaine lourdeur dans leurs mouvements et certaines phases tirent vraiment en longueur.
Une trame narrative errante
Les incohérences viennent également des décisions prises par le groupe en 1995… et sur lesquelles vous ne pouvez pas influer. Le jeu insiste pourtant bel et bien sur la volonté des filles de mettre de l’eau dans leur vin au début de Rage afin de préserver Kat.
Étonnement, après de longues palabres (ce qui occupe une bonne heure) concernant leurs regrets d’avoir mis leur amie en danger, les adolescentes se livrent dans la foulée à des actes répréhensibles au péril de leur intégrité physique. À aucun moment, vous pouvez décider de ne pas participer à ce que tout bon citoyen considérerait comme un méfait.
Être placé dans des situations moralement et éthiquement très discutables sans pouvoir agir s’avère particulièrement frustrant. D’autant plus que le titre nous demande ensuite de faire des choix mineurs durant ces mêmes séquences, comme un véritable pied-de-nez.
Dommage, car les personnages attachants que Don’t Nod avait réussi à dépeindre dans Bloom, surtout Swann, deviennent ainsi bien plus difficiles à cerner. Où sont passés les remords et la volonté de repentance de l’adolescente d’une scène à l’autre ? Oui, la personnalité humaine est complexe et celle d’une fille de son âge encore davantage. Est-ce que cela justifie tant de contradictions ? Voilà pourquoi juger un titre narratif s’avère si périlleux : chacun se fera son avis en fonction de sa sensibilité.
Des amies… ou bien plus que ça ?
Ajoutons à cela que des questions cruciales restent sans réponse (le fameux « TGCM » est bien de la partie) et les ingrédients d’un dernier acte bien plus frustrant qu’excitant sont réunis. Alors oui, garder une part de mystère peut fonctionner dans une œuvre, mais ici, rien n’est expliqué ou même suggéré afin de donner quelques pistes au joueur et le faire réfléchir. Ainsi, la décision de Don’t Nod de livrer une fin ouverte grâce à un dernier cliffhanger n’émeut pas vraiment.
Au moins, l’évolution des relations entre les adolescentes est agréable à suivre. Les discussions entre Swann, Autumn et Nora dans le bar permettent de façonner les relations qu’elles entretiennent. Sont-elles toujours aussi liées ? Arrivent-elles encore à se comprendre malgré cet été 1995 dramatique ? Vos choix durant les dialogues déterminent tout cela.
Au présent, les circonvolutions sont donc moins nombreuses que dans Bloom étant donné que les discussions tournent avant tout autour de leur amitié, de Kat et de ce fameux colis. La longueur de ces séquences peut tout de même finir par agacer étant donné que ce sont essentiellement les événements de l’été 1995 qui nous intéressent.
Dans le passé, vos décisions influent aussi grandement sur les relations entretenues par les adolescentes. Kat, Autumn et Nora peuvent rester de simples potes pour Swann, devenir de véritables amies et il est évidemment possible de nouer une relation amoureuse avec l’une d’entre elles en prenant les bonnes décisions. Vous devez faire preuve d’une réelle subtilité pour réussir à déceler les bons choix à faire afin de toucher l’heureuse élue en plein cœur.
Il peut parfois être surprenant de constater qu’une de vos interventions ne plaît pas particulièrement à votre interlocutrice. Heureusement, le jeu parvient à nous faire comprendre pourquoi le choix n’était pas le bon tout simplement grâce à une écriture juste et cohérente… qu’on aurait aimé retrouver tout du long.
Lost Records s’essaye aux phases plus ludiques sans grande réussite
Les phases plus ludiques n’éclipsent pas non plus les errances scénaristiques de Rage. Les quelques puzzles ou phases d’infiltration incluses par Don’t Nod se révèlent d’un grand classicisme. Swann peut toujours utiliser son caméscope afin d’immortaliser certains moments, mais l’envie de sortir l’appareil se fait rarement sentir.
Le jeu nous y oblige tout de même lors de quelques séquences (moins que dans Bloom, toutefois), ce qui a tendance à casser le rythme. Au moins, les enregistrements captés durant l’aventure sont habilement utilisés dans Rage, sans que cela crée une véritable excitation non plus.
Cette ambiance toujours enivrante et une bande-son de qualité (mention spéciale au morceau final de Ruth Radelet) viennent tout de même apaiser notre peine. Certainement pas de quoi empêcher les fans de thrillers à la Life is Strange ou de drames à la Life is Strange 2 de traverser le titre de Don’t Nod Montréal avec un peu d’amertume.
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