Terrassé par la modernité et un monde bien trop sérieux, Steven Seagal n’est plus qu’une ombre qui a abusé de cassoulet, gros prince du high-kick enfermé dans du « direct to dvd ». Une place de destructeur de mâchoire que s’est empressée de reprendre Rico Rodriguez, cliché ambulant qui a pour seule compétence professionnelle le renversement de dictature bronzée. Comme son modèle, il se contente d’obéir aux ordres, de tataner du malandrin tout en ayant au fond de l’œil cette haine du vilain à moustache. Lui, ce qu’il aime, c’est un verre d’essence au petit matin et sentir l’odeur de la mitraille. Il ne faut pas s’attendre à de la tendresse et du verbe, Just Cause 3 n’est pas un jeu animé par un scénario ou une vague histoire. Derrière ses explosions et les rares moments où il envisage d’essayer de développer un personnage, il se prend les pieds dans un tapis bien trop lourd pour lui. Ici, il n’est question que de libérer l’archipel Medici du joug velu de Di Ravello, par la levée d’une armée révolutionnaire dont la méthode d’action est… de tout faire péter. On sent une ligne directrice se profiler. Rico continue donc de faire ce qu’il a toujours fait, se charger les épaules de tout ce qui peut tirer et/ou exploser et aplanir le relief. Véritable terrassier moderne, il n’en apprécie pas moins les hauteurs, dans lesquelles il parcourt des kilomètres accrochés à un bout de ficelle. Gimmick de la série d’Avalanche, le grappin est encore une fois au centre du gameplay, bénéficiant cette fois-ci du soutien de la wingsuit.
Dispositif permettant également de se déguiser en écureuil volant, il apparaît bien plus volontiers dans le domaine des sports extrêmes et consiste en une membrane tendue entre les bras et le corps, afin de planer. Venant améliorer la vitesse de déplacement, ce principe élargit le spectre des mouvements aériens de Rico. Il allège une progression parfois lourdingue dans l’épisode précédent, qui obligeait à alterner uniquement le grappin et un parachute pantouflard si le joueur avait des velléités d’exploration. Désormais, et même sans aucun véhicule, Rico couvre rapidement de longues distances sans poser le pied à terre. Mais davantage qu’un aspect pratique, la wingsuit cache dans ses replis de cuir une liberté grisante, poussant à frôler le sol, à raser les courts buissons des falaises avec le sourire. Elle ajoute du fun dans le voyage et devient du même coup la feature jumelle du grappin.
Dans Just Cause 2, la gestion et le feeling de ce dernier avaient imposé un style, ce que fait ici cette wingsuit, bien différente de la cape des Batman Arkham notamment, plus proche d’un outil ludique. La contrepartie étant que les véhicules deviennent quasiment inutiles, mis à part les hélicoptères et les avions nécessaires pour accéder à des zones reculées dénuées de voyage rapide. Leur présence est seulement légitimée par une surabondance de défis à base de sauts uniques, d’explosions de cibles, de courses, etc. Jamais vraiment originaux, ils font office de bouchées d’apéritif, un peu trop cuites, indéfinissables, mais dont il faut bien se contenter quand le repas tarde. Ce qui est plus gênant face à la maîtresse/au maître de maison, c’est quand justement le dîner a la même dégaine.
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Les armes, variées bien que classiques, lorgnent souvent vers du surplus militaire et les véhicules d’assaut peuvent rapidement causer un décor de fond signé du maître Michael Bay. Les approches sont nombreuses, et la trouvaille géniale du filin à accrocher à plusieurs objets/personnages en même temps afin de les rassembler autorise les mariages les plus subtils. Comme celui, émouvant, d’un chef d’escouade avec une bonbonne de gaz, consommé à 15 mètres du sol. Le rire vient naturellement, l’envie de tout essayer surgit à chaque truc qui peut potentiellement prendre feu, mais tout s’estompe très rapidement. Just Cause 3 est une parenthèse, un moment de débilité jouissive qui tourne malheureusement vite en rond au bout d’une heure. Construit comme un Assassin’s Creed vieille école, avec ses zones à libérer via des objectifs à détruire pour débloquer soit le scénario soit des véhicules/activités, il bégaye comme un jeune premier. Libérer une ville, puis libérer un camp, puis libérer une ville, puis libérer un camp en fonction de conditions quasiment similaires à chaque fois, lassent tout autant que les apparitions du cousin Mario.
Terriblement redondant, Just Cause 3 attend sagement dans un coin que le joueur s’implique de lui-même. Mais il faut davantage qu’un monde ouvert et un programme alléchant, encore faut-il qu’il distille ses effets, qu’ils tiennent sur le long terme en titillant sans cesse la curiosité. Ou simplement qu’il donne une impression de progression. Le jeu d’Avalanche, malgré sa science du gros délire est un peu sec. Trop similaire à un Just Cause 2 qui méritait déjà des ajustements dans sa formule, Just Cause 3 ne bénéficie plus du tout de la surprise de son prédécesseur. Reste un jeu qui court comme un dératé en hissant haut la bannière du divertissement et qui se vit justement comme un coup de folie, mais qui se délaisse, sans aucun regret, avec la même rapidité. L’espoir vit dans la communauté PC qui saura peut-être concevoir un mode en ligne aussi fabuleusement crétin que pour Just Cause 2, élément qui a donné une seconde vie au jeu. Dommage qu’Avalanche Studios ne soit pas au courant.
Just Cause 3, testé sur PS4 mais disponible sur PC et Xbox One
Les visuels qui illustrent ce test sont des visuels éditeurs
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