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Test de Shadow of the Tomb Raider : l’Inca décolle

Lara Croft est polémique. D’un côté, elle est détestée par les différentes civilisations et cultures dont elle pille allègrement les tombes comme un Pascal Nègre à couettes. De l’autre, elle est adorée par les compagnies aériennes qu’elle enrichit régulièrement avec des vols long-courriers. Côté joueurs, l’amour fluctue aussi, entre impressions de légère paresse et d’aventure solide au fil des pérégrinations de l’Anglaise. Dans ce nouvel épisode, c’est l’Amérique du Sud qui s’offre aux coups de piolet de miss Croft. Peut-être enfin le moment de trouver de la nouveauté dans les antiquités.

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Le Pérou libre

La pauvre petite Lara avait été laissée il y a 3 ans face à l’horrible vérité de la mort de son papounet dans un cliffhanger de circonstance, compte tenu de ses capacités en escalade. Plus que jamais avide de vengeance et de tombes à piller pour l’amour de l’archéologie de cinéma – c’est-à-dire bousiller toute trace utilisable d’une civilisation – elle rejoint pour cet épisode l’Amérique du Sud. Terres fertiles en cités perdues, en trésors mystiques et en films de Werner Herzog, elles sont le cadre parfait pour une jeune femme en quête de transcendance. Ce contexte est un renvoi à tout un pan de la culture de l’aventure nimbée de mystère, abreuvé par un véritable panthéon composé des Aventuriers de l’Arche Perdue, de Tintin et le Temple du Soleil, The Lost City of Z, des Mystérieuses Cités d’Or et bien d’autres oeuvres placées sous les larges branches des forêts tropicales.

Les premiers pas effectués sous la canopée contiennent déjà cette sensation de s’enfoncer dans les ramifications de légendes tenaces, versions idéalisées d’une histoire précolombienne bien plus complexe que quelques temples et des salles remplies de pièges en bois. Shadow of the Tomb Raider prend évidemment le chemin de l’ésotérisme en milieu forestier et parvient à en retranscrire avec talent l’essence, entre paradis perdu, course à la découverte et prophétie. Malgré la réutilisation d’un découpage en petites zones comme autant d’arènes vaguement ouvertes, le jeu donne pourtant le sentiment de s’enfoncer dans la jungle, de pénétrer dans des friches inexplorées depuis des siècles. Une conséquence du travail réalisé sur les environnements traversés, instantanés de carnets de voyage qui plus est présentés au sein de panoramas sublimes, ainsi que de celui opéré sur toute la partie sonore.

Les compositions de Brian D’Oliveira, monsieur LittleBigPlanet 3 et Tearaway, sans receler des thèmes mélodiques forts, habillent avec subtilité la progression par des ambiances tribales aux instruments originaux. De même pour un sound-design dans le haut du panier, qui s’autorise quand même quelques coups de génie, en particulier lors d’un évènement de traque dans des grottes bien trop habitées où les cris environnants plongent dans une tension constante. Un trip à la The Descent, instant mémorable des rares moments d’éclat d’une production qui descend une piste toute droite sans les mains.

Ellipse totale

Passé sous la direction d’Eidos Montreal avec Crystal Dynamics en soutien, Shadow of the Tomb Raider n’a pas connu de révolution avec ce changement. Les recettes marchent, les AAA ne s’embarrassent pas. Comme Spider Man ou le Beaujolais, le Tomb Raider nouveau n’apporte pas de grande différence de goût, voire un fond d’amertume. C’est le souci lorsque l’on réutilise les mêmes fûts un peu altérés encore et encore. Évolution timide de Rise of the Tomb Raider, le jeu fonctionne sur les mêmes mécaniques, que ce soit dans l’omniprésence du crafting, l’acquisition de compétences réparties sur 3 profils (chercheur/guerrier/pilleur) ou le duo action/infiltration. Dans tous les cas, rien n’a été repensé, dans un culte de l’automatisme qui touche à la fascination.

Pire, si les précédents épisodes essayaient un minimum de distiller l’expérience de jeu tout au long de l’aventure avec des ajouts réguliers, des nouvelles situations par strates, Shadow of the Tomb Raider semble en avoir marre. Arrivée à la moitié de sa quête de vengeance, Lara est soumise à des redites de moments de jeu qui plaquent à la hauteur de la gorge le moindre sursaut de montée en puissance. Pourtant, une scène précise est écrite comme un déclic, une fuite vers l’avant sans retour possible, un appel à la violence inconsidérée. Ce qui n’empêche pas, qu’encore une fois, le jeu remette ses pantoufles et bégaye son game-design au coin d’un feu trop confortable.

Rien n’est mauvais, les tombes annexes à explorer dévoilent des puzzles réussis qui enrichissent les heures mornes du dernier tiers ; mais l’ensemble manque d’idées. La trame suit cet exemple par sa faculté admirable à créer de l’incohérence dans les ultimes heures, machine à utiliser ellipses, raccourcis et téléportations “gameofthronesques” pour justifier les bornes obligatoires de son scénar. Le malheur dans tout ça, c’est que le potentiel est sous-jacent, en particulier dans la construction des personnages. Toute une réflexion intéressante découle des motivations de l’antagoniste principal, adversaire de Lara non seulement du point de vue de l’opposition classique de la vengeance, mais aussi sur l’aspect moral.

Quels sont les dangers de la médiatisation d’enclos immaculés d’une culture collective en train de mourir ? Que chercher dans une quête obsessionnelle du passé ? Des interrogations qui nourrissent les protagonistes sans jamais trouver de réponse. Ils restent donc exsangues, privés de cette densité qui aurait pu renverser sans aucun problème les défauts structurels de la narration. Non, Shadow of the Tomb Raider s’englue dans une difficulté évidente à savoir quoi dire et quoi faire. Le plaisir est présent et l’aventure se laisse aborder avec le sourire, grâce, encore une fois, à tout le travail d’immersion, mais sorti des bases d’un jeu à gros budget, SottR s’enlise. Et pas dit qu’un QTE vienne le sortir de là.

 

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Notre avis

Dernier volet d’une trilogie qui aura tenté de donner à Lara les nouvelles bases d’un futur potentiel, Shadow of the Tomb Raider est la dernière marche piégée de l’autel planqué dans une pyramide Maya. Alors que les premières heures donnent l’impression, positive, d’une volonté de se servir de la maîtrise accumulée sur les deux précédents épisodes pour une conclusion qui en impose, la réalité rattrape le joueur plus vite qu’un jaguar. Le jeu d’Eidos et Crystal Dynamics se dégonfle à la moitié de l’aventure, perdu dans ses grosses ficelles. Scénario rushé à la hussarde dans les dernières heures, game-design qui n’évolue plus jamais après une limite bien visible, la déception s’étend mollement jusqu’à la conclusion. Pourtant, les mécaniques principales fonctionnent, les tombeaux annexes restent malins, mais rien ne vient élever Shadow of the Tomb Raider au-dessus d’un copycat fatigué à l’enrobage envoûtant. Dommage.
Note : 6  /  10

Les plus

  • DA toujours aussi réussie
  • Le contexte des cités incas/mayas perdues
  • Un sound-design de grande qualité
  • Quelques fulgurances (les grottes)
  • Les tombeaux annexes, une vraie plus-value
  • Les mécaniques de gameplay qui fonctionnent dans le fond
  • Un travail à gros potentiel sur Lara et son antagoniste...

Les moins

  • … mais qui est abandonné sur la fin
  • L’IA des ennemis, surtout en infiltration
  • Les dernières heures du scénario rentrées au chausse-pied
  • Un doublage français fluctuant
  • Très peu de nouvelles idées
  • La montée en puissance tuée dans l’oeuf
  • Le game-design qui tourne en rond à la moitié du jeu
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