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Test de Frostpunk : Le jeu de gestion qui jette un froid

Après This War of Mine, le studio polonais 11 bit repart de plus belle dans le jeu de gestion basée sur l’éthique politique et le dilemme déchirant. Un blizzard permanent, une communauté de survivants gelés, des conditions de plus en plus précaires, des dizaines de solutions plus ou moins altruistes : secouez tout ça, et vous obtenez le cocktail glaçant, mais hypnotique, de Frostpunk.

Dans un 19e siècle alternatif, l’Apocalypse a pris la forme d’une tempête de neige éternelle. Au beau milieu d’une Angleterre balayée par le blizzard, une poche de survivants a trouvé refuge au milieu d’un cratère, et installé une chaudière géante, qui va lui permettre de tenir quelques heures pour s’organiser. Et c’est là que le jeu nous cède les commandes avec un seul maitre mot : tenir, vaille que vaille.

Les premiers jours se résument à envoyer sa main-d’œuvre ramasser le minimum vital dans les gisements alentours : du charbon pour alimenter le fourneau, du bois pour construire quelques abris, une cahute de chasseur pour nourrir les ventres affamés ou une tente médicale pour les premiers enrhumés, un atelier pour obtenir de nouvelles technologies. Parce que le froid va devenir notre pire ennemi, il va falloir sciemment placer chaque bâtiment autour de notre foyer, et veiller à ce qu’il soit constamment alimenté pour que la chaleur puisse se diffuser, sous peine de voir tous ses travailleurs cloués au lit, voire gelés dans leur sommeil.

La haine et les glaçons

Puis viendront des radiateurs de fortune, des extracteurs de minerais, des maisons mieux isolées, et même des bars pour raviver le cœur de nos malheureux. Et enfin : la possibilité d’envoyer des éclaireurs au-delà de notre cratère, qui tenteront de looter les régions environnantes, voire d’escorter des réfugiés à l’abandon vers notre base, nourrissant ainsi l’espoir de refonder une civilisation, tout en charriant son lot de nouveaux problèmes (surnombre,famine, etc.) à gérer en contrepartie. Car, et c’est un euphémisme de le dire, le jeu n’est pas là pour nous ménager.

Il peut même être épuisant (dans le bon sens du terme) pour les nerfs. Tous les deux-trois jours, la température baisse d’une dizaine de degrés, et c’est une guerre qui s’installe pour maintenir le chauffage au rendement maximum, sans que le fourneau nous claque dans les pattes. Pour ne rien arranger, le moral des troupes fait l’effet d’un véritable ascenseur émotionnel, qu’il faut sans cesse équilibrer, en caressant (ou pas) nos ouailles dans le sens du poil. Pour cela, il est possible de voter, toutes les 18 heures, une nouvelle loi, qui modifiera en profondeur la vie du camp. Ces lois sont variées (bien que limitées en nombre, malheureusement), et passent souvent par un choix duel, entre altruisme ou pragmatisme aveugle, voire tyrannique. Faut-il ajouter de la sciure aux repas, pour augmenter le poids des rations ? Faut-il laisser les enfants jouer en paix, ou les faire travailler avec les adultes pour accélérer la production ? Faut-il fermer les yeux sur l’installation d’une milice armée qui maintiendra les rangs, quitte à fracasser quelques jambes récalcitrantes ? A chaque tournant narratif, le jeu raffermit toujours plus sa difficulté, multipliant ainsi les choix, qui sont autant de faux-pas potentiels pour torpiller notre autorité.

Winter has come

Frostpunk est un jeu exceptionnel au sens premier du terme : il vient de nulle part, et peu se sont aventurés là où ils posent le pied. Sa grande force tient à sa façon d’installer une tension, en liant la question climatique à celle de l’éthique personnelle. Le froid est utilisé ici comme un ressort dramatique (tragique même), qui réussit souvent à nous à tenter le pire pour limiter la casse. Après This War of Mine, 11 bit confirme être un studio qui aime à faire de ses jeux le support d’un discours inédit sur la survie, la politique, et nos capacités à franchir la ligne rouge pour venir à bout d’un challenge.

Ce discours reste néanmoins à relativiser : parce qu’il se déroule dans un univers uchronique, le jeu n’a rien du manifeste humaniste qu’était This War of Mine par rapport aux victimes civiles de pays en guerre. On peut d’ailleurs s’avouer déçu de la plupart des choix moraux qui, s’ils ont un impact significatif sur le gameplay, n’ont pas la portée émotionnelle qu’ils aimeraient installer. Le jeu est tellement impitoyable dans ses mécaniques qu’on a pas vraiment le temps de réfléchir sur la portée de nos actes, si bien qu’on choisit souvent la méthode la moins contraignante sans états d’âme.

On peut aussi tiquer sur la durée de vie, qui n’excède pas la dizaine d’heures sur la première campagne, ce qui peut paraître léger pour le genre. Ne boudons pas notre plaisir pour autant. D’une part parce que Frostpunk reste saisissant de beauté : le spectacle de cette fourmilière en guerre contre les éléments reste une fascination permanente, dotée d’un style unique. Mais surtout, le jeu, aussi concis soit-il, ne se permet aucun temps mort ni ventre mou. Parce qu’il sait parfaitement doser sa difficulté, jusqu’à lui faire atteindre des sommets de sadisme (surtout dans les campagnes alternatives, riches en crispations), Frostpunk reste un modèle de stratégie spectaculaire, où chaque moment semble avoir été méthodiquement pensé pour devenir mémorable. Et il l’est.

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Notre avis

Les quelques menus défauts de Frostpunk l’empêchent d’être le grand jeu de gestion de l’année. Il n’empêche qu’on tient là une perle du genre, de par l’originalité de ses mécaniques, et par l’ambiance oppressante qu’il réussit à installer en quelques minutes, sans jamais la perdre en cours de route. Si vous aimez la gestion contre la montre, les épreuves sadiques et les coups de théâtre à répétitions, n’hésitez surtout pas : on tient là un champion du genre. Espérons juste que son studio lui apportera du nouveau contenu, comme il l’avait fait avec This War of Mine en son temps.
Note : 8  /  10

Les plus

  • Un concept unique
  • De nombreux choix
  • Des rebondissements nombreux et réussis
  • Difficulté bien gérée
  • Très beau

Les moins

  • Impact moral relatif
  • Un peu court
  • Arbre de lois politiques vite limité
  • On aurait aimé un meilleur niveau de zoom pour apprécier ses détails
8 commentaires
  1. Difficile, c’est vite dit, j’ai réussi la campagne du premier coup (malgré un coup de stress sur le dernier jour), alors soit j’ai eu un énorme coup de bol, et j’ai pris à chaque fois les bonnes décisions sans le savoir, soit la difficulté du jeu est surestimée.

  2. Difficile, c’est vite dit, j’ai réussi la campagne du premier coup (malgré un coup de stress sur le dernier jour), alors soit j’ai eu un énorme coup de bol, et j’ai pris à chaque fois les bonnes décisions sans le savoir, soit la difficulté du jeu est surestimée.

  3. Joue y en difficile et revient poster un message ici. Le jeu possède une difficulté largement abordable pour pouvoir apprécier la narration des scénarios que le jeu propose. On est pas sur du "They are billions" où seul le gameplay/gestion/rng compte.

  4. Jeu difficile, je confirme, la première campagne, j’ai du m’y reprendre à 3 fois avant de comprendre ce à quoi il fallait vraiment faire attention.
    Nouvelles campagnes à venir visiblement, wait and see.
    Très bon jeu en tous cas, j’ai scotché. Comme quoi, des studios sont encore capables de fournir un très bon travail.

  5. Jeu difficile, je confirme, la première campagne, j’ai du m’y reprendre à 3 fois avant de comprendre ce à quoi il fallait vraiment faire attention.
    Nouvelles campagnes à venir visiblement, wait and see.
    Très bon jeu en tous cas, j’ai scotché. Comme quoi, des studios sont encore capables de fournir un très bon travail.

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