Se pouvait-il seulement que BioShock Infinite parvienne à tutoyer le niveau de qualité du tout premier BioShock ? Se pouvait-il que Columbia, ville perchée sur le toit du monde, destitue Rapture du plus somptueux et mystérieux décor de jeu vidéo ? Se pouvait-il que Ken Levine puisse nous étonner encore ? Se pouvait-il ?
Rien ne nous obligeait à comparer ce troisième opus au tout premier ; après tout, celui qui n’a pas essayé BioShock ne sera pas handicapé outre mesure au moment de poser ses valises dans Columbia. Ceux qui ont été durablement marqués par l’expérience en revanche, par sa mythologie, ses idoles, se poseront sans doute la question. Question qui n’est pas cruciale, mais qui est importante.
C’est donc dans cette optique que j’ai débarqué à Columbia, ville volante. Rapture contre Columbia, Columbia contre Rapture, cité ouverte et colorée (a priori) contre clapier oppressant dont les murs suintent la rouille et la mort. Le contraste est saisissant ; les parallèles le seront aussi, par la suite.
En tout cas, Columbia n’a rien à envier à Rapture. Les équipes de Ken Levine ont imaginé une ville incroyable, vivante, pleine de discussions de café, de gamins qui jouent sur les places, de sonorités rétros vous donnant l’impression de développer votre culture musicale (la BO est excellente, comme d’habitude) et de plantes fleuries, beaucoup de plantes fleuries. Peu à peu, vous vous en doutez, le vernis va craquer, et l’envers du décor se révéler : chapelles lugubres, police sauvage, réunions propagandistes improvisées (on parle du « faux-berger » à tous les coins de rues) et omniprésence (sonore et visuelle) du prophète. Ce Columbia qui tombe petit à petit en décrépitude est aussi très touchant. Une immense réussite artistique.
Si le prophète Zachary Comstock est peut-être mieux mis en valeur qu’Andrew Ryan ne l’était dans Rapture, ses acolytes sont en revanche loin de concurrencer le Big Daddy. Le Big Daddy faisait flipper : le character design faisait flipper, la manière dont il se ruait sur vous faisait flipper. Le Big Daddy est l’emblème de la licence, il a éclipsé tous les autres personnages. Les équipes d’Irrational n’ont pas réussi à trouver le Big Daddy de Columbia. Du point de vue du design, le Patriote Motorisé a de la gueule. Le seul problème de cet automate bardé d’impressionnantes ailes, c’’est qu’il est lent comme un pou. Trop lent pour rester dans nos mémoires. L’autre menace, plus ponctuelle, c’est le Handyman, mais en dépit de sa taille et de sa puissance, il n’a jamais réussi à mettre notre trouillomètre à 400. Cela tient sans doute pour beaucoup au level design aéré de Columbia, plus difficile à maîtriser. La tension est autrement plus élevée quand, dans une toute petite pièce, vous devez éviter un personnage de la corpulence du Big Daddy, alors qu’ici, vous pouvez prendre les airs pour contourner tranquillement cette feignasse de Patriote motorisé.
L’histoire, ah, l’histoire ! J’avouerai que les détails du script de BioShock me paraissent un peu nébuleux aujourd’hui. Ce dont je me souviens surtout, c’est que les équipes de Kevin Levine avaient patiemment installé une ambiance pour mieux nous servir la soupe en suivant, chose qui, dans Infinite aussi, est extrêmement bien réalisée. Les quatre premières heures sont sans doute les meilleures. Le studio américain a pris le temps de bien nous plonger dans son univers, idyllique de prime abord, puis de nous montrer, par bribes, presque par hasard, le pire de Columbia (le temple du Corbeau, par exemple). Dans cette première partie, les combats ne sont pas systématiques, certaines scènes tirent même un peu en longueur, mais on sent que la tension monte petit à petit. Le climax est atteint au moment où l’on va délivrer Elizabeth de sa prison dorée, pour assister à la scène la plus impressionnante du périple : une vertigineuse chute dans le vide alors que le monde s’écroule, poursuivis, Elizabeth et vous, par le très réussi Songbird (contre lequel on ne se bat jamais, preseque malheureusement).
À partir de l’épisode du dirigeable et des armées de la Vox Populi, le scénario se délite un peu, perd de sa densité. On enchaîne les phases de combats et les objectifs dits utilitaires (« Va me chercher ça pour que je puisse construire ça, mais non, arf, ça me suffit pas, va me chercher aussi ça… ») se multiplient. Les choses reviennent à la normale dans les dernières heures de jeu, où l’on se recentre sur Booker, Elizabeth et le prophète pour aboutir à de longues phases de combats conclues par une très longue cinématique de fin où les tenants et les aboutissants sortent au grand jour.
Il resterait à comparer les mécaniques de jeu. Celles d’Infinite ne dérogent pas vraiment aux règles posées par ses ainés. Il y a bien la présence des Aérotrams, mais je m’en suis personnellement trop peu souvent servi pour combattre ; il y a aussi ces failles temporelles que peut ouvrir Elizabeth pour invoquer des tourelles, des abris, des munitions ou des trousses de soin, qui dynamisent un peu les combats mais dont on ne peut dire qu’elles apportent quelque chose de vraiment nouveau. En revanche, certains Plasmides… pardon, Toniques, sont bien trouvés, comme la Possession, qui rallie un ennemi à votre cause, la Charge, qui permet de foncer sur un ennemi, même placé en hauteur, ou la nuée de corbeaux, sympathique. C’est propre, c’est précis, c’est carré, c’est agréable, point.
Entendons-nous bien, BioShock Infinite est un petit bijou de FPS AAA. Le travail sur les décors, sur Columbia, son histoire, sa philosophie, ses ambiances aux antipodes, est absolument incroyable, et saurait même pardonner les éventuelles erreurs de gameplay que le jeu n’a même pas. BioShock Infinite ne parvient sans doute pas à égaler le niveau de plaisir éprouvé sur BioShock, parce qu’’il n’a pas su nous étonner, mais est-ce que seulement un jeu l’aurait pu ? Bref, à voir, à faire, à vivre.
Rien ne nous obligeait à comparer ce troisième opus au tout premier ; après tout, celui qui n’a pas essayé BioShock ne sera pas handicapé outre mesure au moment de poser ses valises dans Columbia. Ceux qui ont été durablement marqués par l’expérience en revanche, par sa mythologie, ses idoles, se poseront sans doute la question. Question qui n’est pas cruciale, mais qui est importante.
C’est donc dans cette optique que j’ai débarqué à Columbia, ville volante. Rapture contre Columbia, Columbia contre Rapture, cité ouverte et colorée (a priori) contre clapier oppressant dont les murs suintent la rouille et la mort. Le contraste est saisissant ; les parallèles le seront aussi, par la suite.
En tout cas, Columbia n’a rien à envier à Rapture. Les équipes de Ken Levine ont imaginé une ville incroyable, vivante, pleine de discussions de café, de gamins qui jouent sur les places, de sonorités rétros vous donnant l’impression de développer votre culture musicale (la BO est excellente, comme d’habitude) et de plantes fleuries, beaucoup de plantes fleuries. Peu à peu, vous vous en doutez, le vernis va craquer, et l’envers du décor se révéler : chapelles lugubres, police sauvage, réunions propagandistes improvisées (on parle du « faux-berger » à tous les coins de rues) et omniprésence (sonore et visuelle) du prophète. Ce Columbia qui tombe petit à petit en décrépitude est aussi très touchant. Une immense réussite artistique.
Si le prophète Zachary Comstock est peut-être mieux mis en valeur qu’Andrew Ryan ne l’était dans Rapture, ses acolytes sont en revanche loin de concurrencer le Big Daddy. Le Big Daddy faisait flipper : le character design faisait flipper, la manière dont il se ruait sur vous faisait flipper. Le Big Daddy est l’emblème de la licence, il a éclipsé tous les autres personnages. Les équipes d’Irrational n’ont pas réussi à trouver le Big Daddy de Columbia. Du point de vue du design, le Patriote Motorisé a de la gueule. Le seul problème de cet automate bardé d’impressionnantes ailes, c’’est qu’il est lent comme un pou. Trop lent pour rester dans nos mémoires. L’autre menace, plus ponctuelle, c’est le Handyman, mais en dépit de sa taille et de sa puissance, il n’a jamais réussi à mettre notre trouillomètre à 400. Cela tient sans doute pour beaucoup au level design aéré de Columbia, plus difficile à maîtriser. La tension est autrement plus élevée quand, dans une toute petite pièce, vous devez éviter un personnage de la corpulence du Big Daddy, alors qu’ici, vous pouvez prendre les airs pour contourner tranquillement cette feignasse de Patriote motorisé.
L’histoire, ah, l’histoire ! J’avouerai que les détails du script de BioShock me paraissent un peu nébuleux aujourd’hui. Ce dont je me souviens surtout, c’est que les équipes de Kevin Levine avaient patiemment installé une ambiance pour mieux nous servir la soupe en suivant, chose qui, dans Infinite aussi, est extrêmement bien réalisée. Les quatre premières heures sont sans doute les meilleures. Le studio américain a pris le temps de bien nous plonger dans son univers, idyllique de prime abord, puis de nous montrer, par bribes, presque par hasard, le pire de Columbia (le temple du Corbeau, par exemple). Dans cette première partie, les combats ne sont pas systématiques, certaines scènes tirent même un peu en longueur, mais on sent que la tension monte petit à petit. Le climax est atteint au moment où l’on va délivrer Elizabeth de sa prison dorée, pour assister à la scène la plus impressionnante du périple : une vertigineuse chute dans le vide alors que le monde s’écroule, poursuivis, Elizabeth et vous, par le très réussi Songbird (contre lequel on ne se bat jamais, preseque malheureusement).
À partir de l’épisode du dirigeable et des armées de la Vox Populi, le scénario se délite un peu, perd de sa densité. On enchaîne les phases de combats et les objectifs dits utilitaires (« Va me chercher ça pour que je puisse construire ça, mais non, arf, ça me suffit pas, va me chercher aussi ça… ») se multiplient. Les choses reviennent à la normale dans les dernières heures de jeu, où l’on se recentre sur Booker, Elizabeth et le prophète pour aboutir à de longues phases de combats conclues par une très longue cinématique de fin où les tenants et les aboutissants sortent au grand jour.
Il resterait à comparer les mécaniques de jeu. Celles d’Infinite ne dérogent pas vraiment aux règles posées par ses ainés. Il y a bien la présence des Aérotrams, mais je m’en suis personnellement trop peu souvent servi pour combattre ; il y a aussi ces failles temporelles que peut ouvrir Elizabeth pour invoquer des tourelles, des abris, des munitions ou des trousses de soin, qui dynamisent un peu les combats mais dont on ne peut dire qu’elles apportent quelque chose de vraiment nouveau. En revanche, certains Plasmides… pardon, Toniques, sont bien trouvés, comme la Possession, qui rallie un ennemi à votre cause, la Charge, qui permet de foncer sur un ennemi, même placé en hauteur, ou la nuée de corbeaux, sympathique. C’est propre, c’est précis, c’est carré, c’est agréable, point.
Entendons-nous bien, BioShock Infinite est un petit bijou de FPS AAA. Le travail sur les décors, sur Columbia, son histoire, sa philosophie, ses ambiances aux antipodes, est absolument incroyable, et saurait même pardonner les éventuelles erreurs de gameplay que le jeu n’a même pas. BioShock Infinite ne parvient sans doute pas à égaler le niveau de plaisir éprouvé sur BioShock, parce qu’’il n’a pas su nous étonner, mais est-ce que seulement un jeu l’aurait pu ? Bref, à voir, à faire, à vivre.
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