Forcément, le fait d’avoir pu puiser à loisir dans l’immense univers de Donjons & Dragons a grandement facilité le travail aux développeurs. Du bestiaire aux races en passant par les Royaumes Oubliés et leurs us et coutumes, Baldur’s Gate 3 s’appuie sur une lore déjà prolifique et bien documenté. Mais si c’est Wizards of the Coast — l’éditeur de Magic the Gathering qui a racheté DnD en 1997 — qui a fourni la peinture, c’est tout de même Larian qui avait la lourde tâche de peindre un tableau à la fois original et respectueux du prestige de cette franchise bien-aimée. Et inutile d’y aller par quatre chemins : le studio belge a accouché d’une véritable toile de maître avec l’univers de Baldur’s Gate 3.
Larian a créé un univers vaste et surtout incroyablement dense avec un souci du détail absolument bluffant. Chaque recoin des superbes panoramas de Faerûn fourmille de personnages charismatiques, très bien écrits et superbement doublés, d’éléments interactifs, et de petits détails qu’il faudrait une vie entière pour passer en revue. Et au fil de l’aventure, la maîtrise du studio devient de plus en plus évidente; on se rend rapidement compte que tout ce matériel est intégré de façon extrêmement cohérente et organique. Un vrai tour de force.
Des histoires à n’en plus finir
Le joueur se réveille à bord d’un nautiloïde, vaisseau organique des terrifiants flagelleurs mentaux. Après une cinématique d’introduction grandiose où l’on apprend que ces engeances ont infecté notre personnage avec un terrifiant parasite, la première partie de l’histoire consiste à trouver de l’aide pour s’en débarrasser.
À l’image de cette première séquence, la trame narrative principale qui sert de colonne vertébrale à l’histoire de Baldur’s Gate 3 est assez convenue et pas particulièrement excitante. Mais le nombre invraisemblable de quêtes alternatives et leur qualité suffisent largement à combler cet écueil. Chaque rencontre débouche sur une nouvelle aventure, un nouveau mystère à résoudre, une nouvelle cause à défendre… La quantité de contenu est assez stupéfiante.
Cela peut être un mal comme un bien. Les adeptes d’une narration plus linéaire qui apprécient d’être guidés seront probablement déboussolés par cette foultitude d’objectifs secondaires. Mais ceux qui sont avant tout là pour vivre leurs propres histoires seront sans doute séduits par ce déluge de contenu parallèle, et auront de quoi s’occuper pendant un très, très long moment.
Un jeu de rôle au sens le plus littéral du terme
C’est d’autant plus vrai pour les amateurs de jeux de rôles à l’ancienne, et on sent que Larian a vraiment cherché à dorloter cette catégorie de joueurs. Le terme de « jeu de rôle » a été quelque peu malmené par le monde du jeu vidéo ces dernières années. De nombreux studios ont pris de grandes libertés avec le concept, et se contentent d’apposer cette étiquette sur n’importe quel titre qui propose différentes façons de construire et d’équiper son personnage. À ce titre, Baldur’s Gate 3 est une bouffée d’air frais pour les amateurs de la définition originale.
Certes, le jeu pêche un tantinet au niveau de la personnalisation, notamment au niveau du visage ; ceux qui cherchent à créer un personnage à leur image seront probablement déçus. Mais pour tout le reste, il est indiscutable que l’une des priorités du studio était d’offrir autant de liberté que possible à son public.
Cela commence dès l’écran de création. Entre les races, les sous-races, les classes, les différents choix de sorts et de spécialisations, il n’y a que l’embarras du choix pour créer l’avatar de ses rêves. Mais l’une des plus grandes forces de Baldur’s Gate 3, c’est le poids de chaque interaction. Certes, le jeu n’est pas tout à fait au niveau d’un Disco Elyseum sur ce terrain ; mais les décisions prises par les joueurs, que ce soit lors des dialogues ou en dehors, ont (presque) toutes des répercussions à la fois concrètes et diversifiées qui donnent un supplément d’âme à la narration.
Là encore, cela peut générer un certain stress chez les joueurs qui ont du mal à faire des choix tranchés par peur de rater une partie du contenu. La tentation de recharger une sauvegarde pour retenter sa chance lors d’une interaction manquée ou pour explorer toutes les options d’un coup est là, c’est indéniable. Mais nous vous encourageons sincèrement à accepter chaque verdict. Au bout du compte, c’est l’essence même d’un jeu de rôle : ce sont ces choix et leurs conséquences qui permettent d’affirmer la personnalité de notre avatar, qu’il s’agisse d’un malfrat égocentrique ou d’un héros bienveillant.
Les amateurs d’optimisation et de theorycraft seront forcément tentés de chercher la combinaison idéale pour créer un personnage surpuissant. Mais ce qui fait le sel de Baldur’s Gate 3, c’est d’incarner un avatar limité dans ses possibilités. De plus, rater une interaction n’est pas la fin du monde. Ces échecs font partie intégrante de l’expérience, et contribuent à écrire sa propre histoire de la première à la dernière ligne, paragraphe par paragraphe, sur le parchemin vierge mais magnifiquement décoré que Larian place face à nous.
Une lettre d’amour aux amateurs du genre
En ce qui concerne le gameplay en lui-même, Baldur’s Gate est une pure déclinaison vidéoludique des jeux de rôle plateau, avec tout ce que cela implique. La formule ne fera décidément pas l’unanimité, notamment en termes de rythme. Ceux qui cherchent une expérience intense et explosive risquent rapidement de s’ennuyer. C’est un fait : le jeu est lent, très lent. Et parfois pas pour les bonnes raisons.
Un exemple : on se retrouve régulièrement confronté à des microcinématiques pas toujours indispensables dont certaines auraient probablement pu être évitées. L’idée est évidemment de mettre le joueur au centre de la narration. C’est tout à l’honneur du studio qui reste droit dans ses bottes et fidèle à son concept. Mais si l’intention est louable, cette avalanche de petites interactions sans conséquences n’a pas toujours l’effet escompté. Elles auraient peut-être pu être intégrées de façon plus spontanée et organique, car elles nuisent parfois à l’immersion et à la fluidité de la partie en rallongeant inutilement des séquences à l’importance très limitée. Cela peut devenir pesant lors de longues sessions, en particulier quand tous les membres de l’équipe ne lisent pas à la même vitesse. Mais là encore, pour les amateurs de roleplay pur et dur qui sont le public visé par le jeu, il s’agit d’une mine de contenu pratiquement inépuisable.
On retrouve également cette dualité lors des combats. Fatalement, la formule au tour par tour fait que certaines batailles peuvent traîner en longueur, surtout en coop lorsqu’un des membres de l’équipe se retrouve face à un choix difficile. Mais il faut tout de même saluer le travail de fond déployé par Larian pour fluidifier le processus au maximum. Grâce à une foule de petits détails discrets mais efficaces, le jeu en multijoueur est nettement moins lent que dans Divinity : Original Sin 2, par exemple.Une fois que l’on accepte ce rythme très particulier, on peut aisément en tirer parti pour imaginer des combinaisons audacieuses et des stratégies originales qui rendent chaque affrontement à la fois unique et satisfaisant.
Mais pour y parvenir, il va falloir apprendre à composer avec un élément omniprésent dans ce jeu : le dé, qui est véritablement le cœur battant de Baldur’s Gate 3. Dans les Terres Oubliées, les nombres sont rois, et Larian vous le rappelle à chaque instant. Tous les aspects du jeu, des niveaux aux distances de déplacement en passant par les caractéristiques des personnages, le résultat des coups portés, les interactions et ainsi de suite, passent immanquablement par des chiffres. Il ne s’agit évidemment pas que de hasard. Le succès de chaque situation est dicté par le dé, mais il est aussi influencé par les caractéristiques intrinsèques du personnage, l’environnement… Un parti-pris décidément clivant, mais Larian assume son concept à fond.
Ce système fera le bonheur des amateurs de jeux de rôle sur table rompus à l’exercice. Il est indéniable que cela multiplie les possibilités de façon exponentielle; et les habitués navigueront avec grand plaisir dans cet océan de complexité numérique et conceptuelle. Par contre, les autres risquent d’être frustrés de crouler sous les chiffres et les termes abstraits sans forcément comprendre comment influencer l’impitoyable verdict des dés. En résumé : soit on adhère, soit on déteste, et l’expérience finale dépend énormément de l’appétence du joueur pour cette dynamique. En ce qui nous concerne, nous avons été plus que séduits; Larian est décidément un excellent maître du jeu.
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Bonjour,
Merci pour cet article. Quand vous dites “très bien écrits”, c’est en VF, ou uniquement en VO ? (Pour les doublages, il n’y a pas de doute possible, a priori, vu qu’ils n’existent qu’en VO).
Je n’y ai pas encore joué mais j’ai pu suivre quelques streamers.
Le jeu est beau, il y a tellement de possibilités, et l’intégration du type “histoire dont tu es le héros” avec les choix scénariques rendent le jeu très intéressant.
Cependant, cette complexité semble à double tranchant, avec une prise en main très difficile.
Qu’en pensent les joueurs ?
Et qu’en est-il du mode multijoueur / co-op ?
seul l’audio est en anglais tous les dialogues sont en français
Sur ce site, j’ai trouvé des renseignements pertinentes qui renforcent ma compréhension du sujet.