Revenu dans l’actualité avec The Last Guardian fin 2016, le game-designer Fumito Ueda a poursuivi son travail fascinant sur le lien interactif unique entre le joueur et le jeu entamé par ICO et poursuivi par Shadow of the Colossus. Un jeu qui reste dans l’esprit de beaucoup de joueurs comme l’un de ses plus aboutis, grâce à un mélange parfait de sobriété et de sentiment épique. Pour resituer, il raconte l’histoire de Wanda, un jeune homme qui quitte son village dans l’espoir de redonner la vie à sa compagne. Il se rend pour cela dans un territoire interdit, berceau d’une ancienne divinité qui pourrait soi-disant rendre leur âme aux défunts. Mais comme elle le signale au jeune garçon, il y aura un prix à payer : abattre 16 colosses immémoriaux. Avec son petit mètre 65, son épée et son arc un peu miteux, Wanda n’a pas la confiance des parieurs sur l’issue du combat, et c’est bien là l’intérêt.
Le choc des titans
Chaque rencontre avec un des titans commence de manière similaire, par un sentiment étrange, mélange de respect et de crainte. Devant ces silhouettes implacables, le joueur se dit que la tâche n’est pas à sa portée, qu’il va se faire punir en quelques secondes par ces êtres semblables à des dieux. Et pourtant aucun ne l’attaque de front, ils ne sont là que pour se défendre des agressions de Wanda. Une réflexion centrale dans un jeu qui n’est pas un simple enchaînement de boss, mais une véritable mise en perspective du rôle du joueur.
Et pourtant, il va bien falloir poursuivre sa quête et mettre au sol ces colosses. Pour cela, plusieurs approches sont possibles, en fonction de la nature de la créature. C’est l’une des grandes forces du jeu, faire de chaque “monstre” un niveau à part entière qu’il faut déchiffrer et comprendre avant de se lancer à corps perdu dans une bataille, qui sera dans tous les cas épique. Un sens de la démesure glorifié par le travail de titan réalisé par Bluepoint qui amplifie encore la majesté des colosses, évoluant sereins dans une nature magnifique.
Le plus gros changement, outre l’aspect technique qui n’a pas à rougir dans la production à gros budget actuelle, reste la gestion de la lumière. Si certains peuvent regretter l’aspect laiteux des précédentes versions, qui donnait un côté onirique aux paysages, le rendu de ce remake est à couper le souffle. Certains plans donnent le sentiment de s’être perdus dans des landes d’Irlande ou d’Écosse tant le ciel crépusculaire crée une ambiance unique.
Bien entendu le jeu se révèle fluide, avec son petit 30 FPS quasi constant sur PS4 et 60 FPS sur PS4 Pro avec un réglage privilégiant cette fluidité à un aspect plus qualitatif. En revanche, tous ceux qui hurlaient contre la prise en main “flottante” de l’original ne risquent pas de revenir avec le sourire. Si le tout s’avère un peu plus souple, le gameplay n’as pas subi de refonte. Rien de grave en soi, mais cet aspect a laissé un certain nombre de joueurs sur le bord du chemin lors des précédentes sorties du jeu. Ce qui ne change pas le fond du titre.
Le golem un peu, beaucoup, à la folie
Fable dramatique, Shadow of the Colossus est une expérience semblable à nulle autre, qui prend le temps de poser son ambiance avant de la faire éclater au gré des affrontements qui sont tous de nature quasi mythologiques. La bande-son, composée par Kow Otani, participe aussi beaucoup à l’immersion ; elle illustre avec une émotion à fleur de peau la détresse, la peur, le soulagement face au danger latent que représentent les colosses. Des moments mémorables qui restent gravés de longues années après les avoir vécus.
Shadow of the Colossus peut énerver, passer pour une sorte de jeu creux où il n’y aurait soi-disant rien à faire à part buter du titan, ou encore se faire accuser d’être à unique volonté contemplative un peu trop arty. Pourquoi pas. Mais peu importe les sentiments qu’il déclenche, il ne laisse pas indifférent, pas une seule seconde et crée une marche dans le jeu vidéo. Une étape qui a inspiré beaucoup de game-designers et qui reste importante au fil du temps.
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