Après Stick of Truth, premier épisode qui prouvait que la série culte de Trey Parker et Matt Stone pouvait donner un RPG ingénieux et bien foutu, sans jamais renier son esprit sale gosse, L’Annale du destin vient confirmer l’alliance décidément bénie entre Ubisoft et le show déjanté. Comment ? En misant à nouveau sur une relecture au vitriol des mécaniques rôlesques et de la culture geek : après l’heroic fantasy, c’est donc aux super-héros de passer au broyeur rigolard, au même titre que l’Amérique moderne et ses diverses névroses. Mais concentrons-nous sur le commencement. Dès le premier tableau, celui de la customisation de son avatar, la plume de Trey/Parker jette son pavé dans la mare de la bienséance.
En plus des classiques choix de cosmétique, le joueur est invité à choisir sa difficulté de jeu, qui se traduit par la couleur de peau : plus le personnage est noir, plus le jeu sera un calvaire à finir. Blague imparable, qui confirme la grande forme de ses auteurs à ne prendre aucune pincette avec l’actualité, aussi cruelle soit-elle. Mais, comme toujours chez South Park, l’heure n’est pas à la gravité mais à la bonne gaudriole qui tape sur tout ce qui bouge. Soulés de jouer aux chevaliers errants, les gamins de South Park se rêvent désormais en justiciers des bacs à sable. Mené(e) par Cartman, à fond dans son rôle de The Coon, notre héro(ïne) va devoir à nouveau traverser la bourgade paisible du Colorado (néanmoins peuplée de tordus en tous genres), en quête de célébrité et de quêtes à accomplir. Pour le coup, qu’il s’agisse de l’aspect esthétique (graphismes, interface) comme du gameplay d’exploration (le loot caché un peu partout dans le décor, symbolisé par la couleur jaune), la saga reprend exactement là où l’on l’avait laissée. Pas d’inquiétude pour autant, car les nouveautés ne tardent pas à se faire connaître.
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Cette fois, les affrontements se déroulent sur un damier de différente taille, et non plus sur de simples lignes de combat. Chaque attaque occupe une ou plusieurs cases, du côté ennemi également, ce qui intensifie rapidement la réflexion tactique. Si les premiers combats, en 1v1 s’avèrent faciles, les choses se compliquent vite avec le choix décisif de son premier super pouvoir (vitesse, blindage ou sort de feu à distance) et l’arrivée des combats collectifs, épaulés par d’autres super-héros acolytes, qui exigent des combos de plus en plus réfléchis face à un ennemi souvent en surnombre. Bien plus prenants que dans The Stick of Truth, les combats ont gagné en réflexion et en maturité, ce qui fait vraiment plaisir à voir. Un plaisir aussi réjouissant que celui d’entendre les tonnes de vannes débitées à la minute par les dialogues et les situations du jeu, tous plus cons les uns que les autres.
Sur deux heures, on aura eu le temps de faire, entre autres, un selfie avec une soixantenaire lubrique, fabriquer des tacos avec un Morgan Freeman gérant de fast food, ou encore botter le cul à un duo de prêtres pédophiles. De quoi se faire une idée du potentiel du futur monstre provoc’ (mais souvent lucide) d’Ubisoft qui n’épargne rien ni personne. En quelques heures, le jeu déploie une richesse narrative folle : bien plus étendue, la carte de la ville ressemble à un réservoir gavé d’activités et de situations, qui oscillent entre la quête héroïque et le grand n’importe quoi.
Une fois de plus, Ubisoft ne fait pas de South Park un bête prétexte à déployer un fan service tous azimuts, mais le couple intelligemment à un gameplay solide, qui sait révéler ses subtilités sur la longueur. Si la partie technique reste encore incertaine (pas mal de ralentissements sur PS4), il est fort à parier que L’Annale du destin réussisse son pari : celui d’une suite qui se place autant dans la continuité que l’évolution de ses acquis.
South Park : L’Annale du destin, sortie le 17 octobre sur PS4, Xbox One et PC
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