TellTale Games a une machine bien rodée.
Cette fameuse machine à raconter les histoires comme on vous le disait pour
The Wolf Among Us, permet en effet d’appliquer n’importe quelle narration, n’importe quel univers, n’importe quelle licence à des mécaniques de jeux efficaces, mais systématisées. Le studio décide maintenant de s’attaquer à
Minecraft, la licence avec le moins de lore qui soit.
Ainsi, et peut-être pour la première fois de son existence,
le studio se retrouve devant une page blanche. Pas de contexte post-apocalyptique pour accentuer le danger ou les enjeux humains comme dans
The Walking Dead. Pas d’ambiance de polar noir aux personnages hauts en couleur comme dans
The Wolf Among Us. Pas d’univers foutraque et burlesque comme dans
Borderlands. Pas d’enjeux politiques comme dans
Game of Thrones. Rien de tout ça. Uniquement un univers graphique unique et reconnaissable, ainsi que des règles que tout joueur de
Minecraft connaît.
Des règles comme : un bâton et deux blocs de pierre donnent une épée de pierre. Ou qu’une bonne partie de Minecraft passe forcément par mettre des coups de poing dans des arbres pour en récupérer le bois. Ou qu’il ne faut jamais miner directement sous ou au-dessus soi, car on prend le risque de tomber dans la lave ou de se la faire tomber dessus. Bref, une sorte d’imaginaire naturel qui n’a jamais été écrit directement par des scénaristes, mais bien intégré par les joueurs à force pratique.
Avec une mythologie aussi libre, avec ce boulevard tellement grand, que nous propose alors
TellTale ? Une bête histoire vaguement
heroic fantasy, où le-la protagoniste, d’abord loseur-euse, se retrouve embarqué-e dans une aventure qui va le-la confronter à des circonstances exceptionnelles et le-la transformer en héros-ïne. Bref, une structure narrative d’un classicisme abrutissant, remplie de grosses ficelles qu’il est difficile de ne pas voir.
L’humour y est mignonnet, les personnages se vannent gentiment et les bons sentiments finissent, en général, par l’emporter. On se croirait dans un mauvais Dreamworks en fait. D’ailleurs, les protagonistes passent leur temps à sourire de toutes leurs dents, un peu comme sur les affiches des films Dreamorks. Alors bien sûr, les punchlines sont efficaces, les dialogues sont bien écrits (malgré une traduction souvent à la ramasse) et le doublage de qualité. Mais ça ne suffit pas à rattraper la platitude de tout le reste.
[nextpage title=”Pour qui ? Pourquoi ?”]
Niveau système de jeu, on reste dans du
TellTale Games classique. Temps limité pour le choix des répliques, quelques phases en zones fermées — un peu plus point and click —, quelques embranchements à choisir de temps à autre, des QTE, bref, la formule classique. On pourra noter
quelques phases de combat extrêmement sommaires qui n’apportent, disons-le, pas grand-chose. On peut avancer, reculer, donner un coup et changer de cible. Il est également possible de choisir son arme si on en possède plusieurs, ce qui peut changer à la marge le gameplay.
Le jeu vous invitera également à crafter des objets. Sauf que vous ne pourrez crafter qu’un seul objet, celui utile à la progression du scénario, car vous aurez en main exactement les matériaux nécessaires. On repassera sur la notion de liberté habituellement attribuée à la notion de crafting.
Mais la question que je me pose à l’issue de deux épisodes de
Minecraft : Story Mode, c’est à qui s’adresse ce jeu ? S’adresse-t-il aux plus jeunes, qui, par l’envie de vivre une aventure rocambolesque dans l’univers de
Minecraft qu’ils connaissent bien, décideraient de ne pas en choisir les péripéties ? Quel enfant avec des LEGO, faisant ses propres aventures, ses propres histoires, choisirait de ne plus manipuler les briques et de soumettre, au moins partiellement, l’histoire qui se déroule à quelqu’un d’autre ?
Mais en même temps, quel adulte, qui a davantage l’habitude à ce qu’on lui impose une narration, se sentirait impliqué dans une longue histoire (on semble parti pour au moins 7 heures de jeu) aussi inconséquente ? Surtout si cet adulte a déjà eu l’occasion de jouer à The Walking Dead, qui montre à quel point le système TellTale peut être efficace avec une histoire poignante et des enjeux déchirants ?
Nous verrons si TellTale Games réussit à trouver une dimension insoupçonnée dans l’histoire qu’il est en train d’échafauder avec Minecraft. Mais ce qui est sûr, c’est que des dialogues et des doublages réussis, ne réussiront pas à eux seuls à faire de Minecraft : Story Mode ni un grand TellTale, ni un grand jeu.
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