Tout comme Unravel, Little Nightmares a pour lui un univers marqué. On y incarne un enfant emmitouflé dans son anorak jaune évoluant dans un monde cauchemardesque. Dans un style rappelant les films d’animation de Tim Burton, tout semble déformé. Les développeurs présents nous parlent des angoisses que peuvent ressentir les enfants. Où chaque élément qui paraît trivial pour un adulte paraît démesuré et inquiétant. L’endroit en lui-même porte un nom : « The Maw ». Ce qui signifie, « La Gueule » ou « Le Gouffre », mais on va plutôt opter pour la première option tant notre malheureux protagoniste semble se faire engloutir par les ténèbres. « The Maw » est un grand bâtiment, principalement situé sous le niveau de la mer, compartimenté en différents cauchemars, comme autant de terreurs thématisées.
Cauchemars à la carte
Dans la démo à laquelle j’ai pu m’essayer, le petit personnage se retrouvait enfermé dans une cuisine géante… en compagnie du chef. « The Chef », il n’a d’ailleurs pas d’autre nom. Il se révèle évidemment très grand, hideux, recouvert de bourrelets, et il peut nous saisir tout entier avec sa main potelée. Il vaut donc mieux ne pas se faire repérer sous peine de finir à la casserole. L’avantage d’être petit comme une souris, c’est de pouvoir se cacher sous les meubles. C’est ce qu’il faudra d’ailleurs faire quand ce grand obsédé de la viande se détournera de ses carcasses pour venir s’intéresser à la vôtre.
On observe chaque scène comme dans une maison de poupée et votre personnage peut se déplacer en 3 dimensions. Cela permet de rendre les parties de cache-cache un peu plus intéressantes, c’est vrai. Toutefois, la caméra latérale ne permet pas de déplacer son personnage avec une précision chirurgicale et surtout quand il s’agit de gérer la profondeur. On se retrouve ainsi régulièrement à rater une bouche d’aération au moment d’un saut crucial… Et malheureusement, il n’y a pas vraiment de solution. Aucun jeu (sauf peut-être Super Mario 3D Land et sa 3D stéréoscopique qui aidait un peu) n’a vraiment réussi à régler le problème de l’imprécision des mouvements dans un jeu 3D à caméra fixe.
Little Nightmares est condamné à proposer, au choix : des sauts assistés, un level design simplifié ou… la frustration de se prendre des murs ou de rater des plateformes au moment où il ne faudra pas. Ce n’est pas forcément rédhibitoire, notez. Simplement, il ne faudra pas attendre énormément de l’aspect plateforme du titre.
[nextpage title=”Maudits pains de viande !”]
Voici un exemple, vous allez comprendre. Après s’être fait courser un moment par notre ami « Le Chef », on parvient à lui échapper en passant par un petit conduit d’aération. On arrive dans la salle suivante avec notre poursuivant qui cherche à forcer la porte, heureusement verrouillée. Devant le bruit sourd de la porte qui résiste à l’assaut ennemi, on se dit que notre temps est limité pour déguerpir d’ici et que la serrure finira par céder. Un ascenseur grillagé nous saute aux yeux, l’interrupteur qui ouvre les grilles aussi. On se dépêche d’actionner le levier (ça prend un peu de temps, je vous rappelle que le protagoniste est tout petit) et on file dans l’ascenseur qui se referme et nous emmène à l’étage au-dessus. Ouf. Sauvé.
Jusqu’ici, tout va bien. Sauf que dans cette nouvelle salle, on ne sait plus trop ce qu’on nous demande. Le jeu a toujours été en ligne droite jusqu’ici. Donc on se dit qu’il faut trouver un moyen d’ouvrir une des deux lourdes portes qui se dressent devant nous. Il y a une sorte de plaque en métal tordue sur le sol aussi, presque comme une trappe. On se dit qu’il faut ouvrir la trappe. Alors on met tout ce qu’on peut trouver dessus, en l’occurrence, des pains de viande disséminés partout dans cette petite salle.
Toute la barbaque est maintenant sur la plaque qui ne bouge pas d’un pouce. Et il ne se passe toujours rien. Je ne suis même pas sûr que c’est ce que le jeu me demande. Que faire, que faire ? Je fouille la pièce : rien. J’essaye de me balancer de crochet en crochet pour atteindre une étagère, mais ce n’est pas prévu par le jeu. Un peu désespéré, je regarde mes collègues journalistes autour de moi : pas de bol, la plupart d’entre eux sont coincés au même endroit et fouillent la pièce de fond en comble. Pourquoi tout le monde est coincé au même endroit ? C’est fou !
J’étais à deux doigts de demander de l’aide à un développeur avant d’avoir le déclic. Je savais où ça coinçait. Il fallait bel et bien redescendre à l’étage en dessous pour actionner une poignée qui, elle, activait la fameuse trappe, faisait tomber les pains de viande dans une machine, transformant la chair en chaîne de saucisse qu’il est possible d’utiliser comme d’une échelle pour s’échapper.
La frustration
Où est le problème ici ? La mise en scène un peu stressante et le level design linéaire réveillent chez le joueur un instinct qu’il ne perçoit pas forcément, mais qui est pourtant bien présent : la sensation que, pour avancer, il ne faut SURTOUT pas revenir en arrière. Revenir en arrière est inutile (on ne me l’a jamais demandé jusque-là) et dangereux (« Le Chef » pourrait m’y attendre). Manque de bol, cette énigme-là demande JUSTEMENT de retourner en arrière.
Après, il faut remettre les choses dans leur contexte. Il s’agit d’une présentation qui concerne un segment du jeu. Il peut s’agir d’un exemple malheureux qui ne reflète pas le reste de l’aventure. Il est également possible que, démo oblige, il m’ait manqué les processus d’apprentissage invisibles que tout bon jeu propose normalement en introduction.
Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que ce problème ne serait pas arrivé si les personnes qui se sont occupées des très charmants décors s’étaient dit « et si on montrait un petit bout de l’étage du dessous pour donner un indice au joueur ? » Ils auraient aussi pu se dire « on devrait faire bouger un peu la trappe quand on monte dessus pour faire comprendre au joueur qu’il est sur la bonne voie », ça aurait également fait l’affaire.
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