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[Test] Final Fantasy VII Remake : jeu, sept et match

Il est habituel de voir la cryptozoologie comme un enchevêtrement de croyances et de rumeurs qui n’aboutissent qu’à une seule chose, le rêve de la découverte. Et pourtant, parfois, une de ces créatures mythiques est découverte, preuve que ce qui apparaissait comme irréel s’est intégré dans le quotidien. En ce sens, Final Fantasy VII Remake est le calamar géant du jeu vidéo dont les traces encore effacées il y a peu aboutissent aujourd’hui à une sacrée bestiole.

FINAL FANTASY VII REMAKE

Si la genèse de ce remake de Final Fantasy VII est une haie d’honneur où les salutations se transformeraient en croche-pieds, matraquée par des limites techniques, des plans contrariés et des changements de studios, c’est avant tout l’exercice même du remake qui est une science risquée. Surtout avec un jeu qui reste pour une partie de trentenaires-quarantenaires l’un des jeux phares de leur adolescence, voire un moteur. Conserver les mécaniques de 1997 pour étirer le goût de la nostalgie ? Replacer un bidon à l’endroit exact où il était dans tel décor ? Le clin d’oeil, tout autant que la fidélité restent un sous-texte, des rappels presque amoureux à une oeuvre qui existe encore, mais désormais un peu plus loin. Cette maîtrise du “re-faire”, Final Fantasy VII Remake en est – non pas la parfaite – mais une fort belle incarnation. La majeure partie des éléments qui le composent déconstruit sa forme originale pour y intégrer la maturation parfois maladroite d’un genre, entamée il y a quelques années. Le meilleur exemple s’avère le système de combat, détournement brillant du principe de l’ATB (Active Time Battle) : à savoir une jauge d’action se remplissant avec le temps qui, une fois pleine, permet de rentrer une commande. Dans son mode normal, Final Fantasy VII Remake ne se contente pas de remplacer ce principe vieillot par un ersatz des styles de jeu davantage orientés action des récents Final Fantasy XV ou Kingdom Hearts III. Le coup de génie de Square est d’avoir su comment occuper le temps durant les phases d’attente. C’est ici que s’insère le gameplay dynamique, où le joueur dirige directement les personnages pour attaquer l’ennemi, à l’image d’un beat’em up. Jusqu’à ce que ladite jauge d’ATB soit remplie, moment où il peut alors accéder aux objets, aux magies ou aux compétences. Le fond reste donc identique, mais la forme offre une intensité bien supérieure, sans jamais rogner sur la stratégie d’un système d’époque laissant plus de latitude à la réflexion. La stratégie est ici toujours essentielle, tant certains adversaires peuvent vider une barre de vie à la vitesse d’un demi un soir d’été.

FINAL FANTASY VII REMAKE

Mako moulage

Bien décidés à ne pas se laisser dominer par un blondinet à épis, nombre d’ennemis demandent désormais à être mis à terre au préalable avant de laisser leur barre de vie ouverte à un déchaînement de coups jouissif. Pour cela, il est nécessaire de profiter des faiblesses inhérentes à chacun, qu’elles soient élémentaires ou dépendantes de certaines conditions (bouclier à détruire, cumuler plusieurs types d’attaques, etc.). Le changement de personnage prend alors tout son sens afin de trouver le plus vite possible le meilleur moyen de prendre l’ascendant. L’interface en combat, claire et affichant toutes les informations essentielles, permet d’un seul coup d’oeil de connaître l’état d’avancement des jauges ATB de chaque combattant afin de savoir quand faire tourner son équipe. L’important est de rester dans le rythme de l’affrontement dans le but de ne pas se retrouver avec trois personnages sans autres possibilités d’action que leurs attaques de base. En particulier contre les boss, murs d’apprentissages, dont l’agressivité oblige à gérer au mieux les transitions. En résulte souvent une chorégraphie haletante où tout est prétexte à la récompense : clouer un adversaire sur place avant de se jeter sur lui sans pitié s’accompagne d’effets sonores et visuels diffusant cette impression de choc, de véritable déferlement de puissance. Final Fantasy VII apporte non seulement un nouveau souffle dans les combats de J-RPG, mais aussi un manque de respiration. Difficile de trouver actuellement un équivalent à la tension, l’apnée que représentent certains duels où les héros, tout comme le joueur, terminent à genoux. En soi, Final Fantasy VII Remake ne réinvente pas l’évolution de l’ATB, mais lui donne une fluidité agressive. Bien plus que l’a fait FFXV en son temps, haché et pesant. Là où ce remake se détache aussi de son modèle tout en le suivant de près c’est dans gestion d’équipement, en particulier des matérias. Au centre d’un génial système de customisation à la carte dans le FFVII original, ces dernières reviennent avec autant de liberté laissée au joueur. Ces petites gemmes infusées de pouvoirs peuvent toujours être à la fois utilisées seules ou liées avec une seconde afin de cumuler des actions. Par exemple, une matéria feu mise en commun avec une autre labélisée “élément” sur une arme confère à celle-ci des attaques infligeant des dégâts de flammes. Trouver les associations optimales devient vite un challenge à part entière et ce même s’il n’est plus possible de jouer au stakhanoviste de la montée de stats étant donné que les matérias ne se dupliquent plus une fois le niveau maximal de maîtrise atteint. Efficace et ludique, ce système trouve tout de même ses limites dans le nombre de ces cristaux disponibles et le manque de gemmes de “conditions” (opposition magie ou commande maître notamment), parmi les plus amusantes à exploiter. La déception majeure allant à la matéria autorisant l’apprentissage d’attaques ennemies, limitée à 4-5 capacités. Peu étonnant du fait de la limitation de la zone de jeu à la ville de Midgard, mais tout de même frustrant.

FINAL FANTASY VII REMAKE

Fracture du Cloud

Ce conditionnement est la source de la plus grande admiration vis-à-vis du travail d’adaptation forcée opéré par Square Enix, mais aussi la faiblesse évidente du jeu. Étendre une grosse dizaine d’heures de jeu en quarante en un seul endroit ne pouvait pas se passer sans heurts et si le numéro d’équilibriste du jeu fonctionne la plupart du temps, certains passages utilisent des stratagèmes grillés même en plein brouillard. En particulier l’astuce du personnage qui chute au fond d’une zone et doit remonter au sommet, ainsi que la célèbre entourloupe du “on avait la clé, mais il faut désormais la récupérer à l’autre bout de la carte en passant par un boss”. Des archaïsmes que l’on pourrait presque qualifier d’épuisements tant le rythme général de l’aventure conserve son efficacité le reste du temps. Une sacré gageure dont la réussite tient à deux éléments, l’écriture et l’ambiance. Plutôt que de simplement rajouter du contenu artificiel – même si certaines quêtes annexes le sont – FFVII Remake développe ses intervenants et, en bonne oeuvre cyberpunk, augmente son histoire d’implants narratifs. Le risque était de noyer le casting dans du blabla de soucis quotidiens pour gagner de la densité. Pas de ça pour l’équipe de scénaristes qui est parvenu à abattre un travail monumental sur la nouvelle forme prise par les personnages. Malgré une glissade possible possible vers le crime de lèse-majesté, cette nouvelle version de Final Fantasy VII a gagné au change. Jessie vole le coeur des joueurs et la vedette à Tifa, confinant à la tragédie, tandis que Biggs et Wedge deviennent des figures importantes de cet univers, entités ancrées dans le scénario et non plus faire-valoir incrustés dans le décor. Cette montée en gamme ne s’arrête pas aux anciens seconds couteaux, touchant aussi le groupe de héros avec non seulement des personnalités à la subtilité accrue, mais un apport fondamental du geste. La mise en scène joue en effet un rôle central dans le non-dit et tous ces regards, ces légers mouvements de la main ou des lèvres racontent des histoires. Humaines, profondes. Traumas qui ressortent au grand jour sans mots. D’évolution, FFVII Remake devient modèle.

FINAL FANTASY VII REMAKE

Midgard à l’atterrissage

Grande star du jeu, Midgard dévoile enfin toute l’ampleur de ses croisements fous entre Néo-Tokyo, Mad Max et une sorte d’organisme Steam-Punk décadent. Les divers lieux traversés, malgré l’omniprésence de couloirs rugueux et de décharges à ciel ouvert, diffusent tous une aura, une mélancolie de fin de règne. D’autant que contrairement à ses prédécesseurs, Final Fantasy VII Remake est constellé de petits moments de vie. Les passants commentent les informations relayées par le gouvernement auto et technocrate de la Shinra, réagissent aux divers drames et amènent une certaine chaleur à cette mégalopole folle. Rien de spectaculaire, mais de quoi se sentir immergé dans l’existence d’une ville qui n’agit plus uniquement comme décor. Élément parfaitement intégré par Masashi Hamauzu et Mitsuto Suzuki dont la bande-son se dépose avec élégance sur la moindre pierre de cet enchevêtrement urbain. Elle capte avec malice la nostalgie du connaisseur sans à aucun moment oublier, elle aussi, d’être un acteur de la narration. En ce sens, certaines pièces du duo, mélanges de plusieurs thèmes, sont à elles seules un supplément à la compréhension. Supplément magnifique s’entend. Même si cabotinent quelques pistes pas vraiment dans le ton, dont certaines semblant sorties d’un autre jeu, d’une autre série, voire d’une autre dimension. Pas de quoi remettre en cause non plus la majesté de l’une des BO majeures de ces dernières années. Dans ces entrelacs parfois solides parfois lestes entre vieilleries et cure de jouvence, reste tout de même une question ? Est-ce que ce remake parlera à un joueur néophyte ? Oui dans tous les cas, tant le titre semble rechercher le confort du jeu en dépit de ses quelques – longues – phases en manque de tonicité. Pourtant, FFVII Remake a un petit secret, qui parlera à ceux qui ont parcouru la version originale. Car sous son enveloppe d’aventure “classique”, il questionne la notion de modification, de réécriture. Le poids de ce remake s’infuse dans les tréfonds même de l’esprit des scénaristes, qui semblent, tout comme l’équipe de développement, se demander quoi faire de ce leg glorieux tout autant que pesant. Le joueur n’étant alors, comme Cloud, que l’observateur des faits. Cette profondeur termine de donner à Final Fantasy VII Remake le supplément de caractère qui en fait un jeu marquant, différent, qui sait ménager et prendre des risques, quitte à, dans le futur, casser son moule définitivement. Et réécrire sa légende.

 

FINAL FANTASY VII REMAKE

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Notre avis

Final Fantasy VII Remake partait mal. Développement chaotique, limitation à Midgard pour un premier “épisode” jamais vraiment décrit comme tel, peu de visibilité sur l’avenir pour cette série. Et malgré quelques gros étirements inévitables et des hoquets de rythmes, le jeu de Square Enix n’a rien à envier à des Final Fantasy plus “ouverts” et habituels, devenant même le meilleur représentant de la série depuis FFXII il y a… 14 ans. Sublime musicalement et d’une propreté visuelle impressionnante la plupart du temps (au milieu de moments étranges de perte de qualité drastique), FFVII Remake est un J-RPG de grand standing. Un moment presque historique de reprise de confiance dans la qualité de Square Enix de recréer de belles choses avec sa licence. Enfin, plus que tout cela, une lettre sincère et couillue à destination d’un public de vieux briscards et de nouveaux venus unis dans la même barque, celle d’une nouvelle destinée. Autant fidèle qu’apocryphe.
Note : 8  /  10

Les plus

  • Une réalisation au top…
  • Une OST à tomber (la majorité)
  • Midgard plus écrasante que jamais
  • Système de combat bien pensé
  • Les matérias toujours aussi prenantes
  • Le travail sur l’animation
  • Une écriture particulièrement maîtrisée
  • Un gameplay très différent pour chaque personnage
  • L’imbrication entre elles de certaines quêtes
  • Une fin intelligente

Les moins

  • … mis à part quelques moments très en deçà
  • Quelques baisses de rythmes
  • Pas assez de synergies de matérias
  • Des rallonges trop visibles à certains moments
  • Quelques quêtes annexes peu passionnantes
7 commentaires
  1. Oui mais si le premier jeu ne contient que Midgard, ils vont nous vendre combien de jeux ?! À ce rythme on va le continuer sur PS5 et le finir sur PS6 !
    Mon cœur de gamer m’oblige vraiment à acheter ce jeu mais j’me sens déjà arnaqué …

  2. Ravi qu’il n’aura pas fait une Duke Nukem Forever.
    Perso, je vais temporiser et le prendrai plutôt l’année prochaine, sur un meilleur support

  3. Bravo l’auteur, j’ai vraiment apprécié lire ce test. Belle plume, précise et avec des partis pris. Continuez ce que vous faites, vous le faites bien.

Les commentaires sont fermés.

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