Retour en 1980. Vous avez cinq ans et dormez à l’arrière de la R5 familiale, ceinture détachée, la bouche entrouverte, un filet de bave au coin des lèvres. Votre parent, cigarette vissée aux lèvres, vous extirpe de ce lit d’appoint improvisé. Vous chouinez : la banquette en tissu était un cocon douillet, et voilà que le vent glacial vous gifle le visage. Les jours passent, la voiture recueille tour à tour vos rires et vos larmes.
Quarante-cinq ans plus tard, vous voilà au volant de son héritière. Toujours appelée R5, mais désormais électrique. Elle s’imprègne des relents de son aînée, tente de raviver la flamme… mais soyons honnêtes : la R5, elle a changé !
Modèle essayé
Notre modèle d’essai est une Iconic 5, la finition haut de gamme, équipée d’un moteur de 150 ch et d’une batterie de 52 kWh. Le couple atteint 240 Nm. (À titre de comparaison, la version 120 ch embarque une batterie de 40 kWh et développe 225 Nm de couple.)
Côté esthétique, notre modèle arbore un coloris Jaune contrasté par un toit noir au liseré rouge (option à 1 250 €). Parmi les équipements optionnels, on retrouve le pack hiver (400 €), le pack Advanced Driving Assist (1 000 €) et les pneus toutes saisons (200 €).
L’addition s’élève donc à 34 340 €. En location longue durée (LLD) sur 37 mois, avec un apport de 2 000 €, il faudra compter 456 €/mois pour 37 500 km autorisés… sans assurance.
Caractéristiques
- Moteur : synchrone à rotor bobiné
- Puissance : 150 ch (240 kW)
- Batterie : 52 kWh de chimie NMC
- Accélération 0 – 100 km/h : 8 secondes
- Vitesse max : 150 km/h
- Longueur : 3 922 mm
- Largeur : 2 020 mm (rétroviseurs inclus)
- Hauteur : 1 498 mm
- Empattement : 2 540 mm
- Poids total à vide : 1 410 kg
- Temps de charge 20% – 80 % : 35 minutes à chaud et environ 50 minutes à froid
- Autonomie annoncée : 410 km WLTP
- Autonomie réelle mesurée : 157 km
- Consommation moyenne : 22,7 kWh / 100 km
- Consommation mesurée cycle péri-urbain : 19,5 kWh / 100 km
- Consommation mesurée cycle mixte : 25 kWh / 100 km
Design extérieur
La R5 est presque unique : à son passage, les têtes se tournent inévitablement. Les passants brandissent le pouce parfois, saluent de la main souvent, et sourient toujours. La R5 est belle. Ce n’est pas une opinion, c’est un fait.
Le trompe-l’œil du bas de caisse noir atténue l’aspect massif et dissimule habilement le pack de batteries. Musclée, la R5 arbore des galbes inspirés de son ancêtre en version Turbo, avec des proportions idéales.
Au-delà de son allure séduisante, la petite française joue sur les détails : des coqs subtilement dissimulés rappellent son ADN tricolore, tandis que quelques easter eggs parsèment son design, ajoutant une touche ludique.
Sur le capot, la grille intègre des LED qui, en tandem avec le logo R5, font office d’indicateurs de charge. À l’arrière, les feux en relief imitent des aérations, un hommage évident à la mythique R5 Turbo. Et puisqu’on parle de clins d’œil, sachez que la petite française vous en adresse un à chaque fois que vous la quittez.
Les phares intègrent des inserts holographiques, accentuant le relief et la profondeur du regard. Peu importe l’angle, la R5 en jette. Ses proportions sont parfaitement équilibrées, et ses roues repoussées aux extrémités viennent tasser visuellement l’ensemble, renforçant son assise.
Le coup de crayon est un coup de maître, et ce n’est pas du chauvinisme de dire que ça fait du bien. Dans un univers automobile en pleine mutation, la R5 prouve que le style reprend enfin le volant.
La finition extérieure est excellente. La R5 inspire la robustesse, aussi bien visuellement qu’au toucher. L’insert rouge entourant les fenêtres de cette édition Iconic, la peinture de très bonne facture, ainsi que le soin apporté aux éclairages et détails stylistiques, témoignent d’un vrai souci de qualité. La finition extérieure est au top.
Design intérieur : un cocon bien gris
À l’intérieur, ce n’est pas la même limonade. Les couleurs acidulées et les formes joyeuses de l’extérieur laissent place à un habitacle sombre, étriqué, presque étouffant. Le toit gris n’est pas le seul responsable de cette ambiance peu lumineuse : les surfaces vitrées dignes d’un tank et la ceinture de caisse trop haute renforcent cette impression oppressante. Mieux vaut ne pas être claustrophobe.
La surface du pare-brise paraît minuscule. On est aux antipodes d’une Mini Cooper E, bien plus généreuse de ce côté-là. D’autant que la R5 ne propose aucun toit ouvrant, même en option.
Côté confort, c’est très bon. Les sièges offrent un excellent maintien, et l’assise, plus longue que la moyenne, permet de soulager les cuisses.
Dans la version Iconic 5, la planche de bord côté passager et la console centrale s’éclairent aux couleurs du mode de conduite choisi.
L’accoudoir est un poil court, mais assez large pour deux. À l’arrière, le confort est là, mais l’espace, lui, est réduit au minimum syndical. Oubliez les sièges auto pivotants, à moins de vouloir condamner la place avant. Pour les adultes, c’est pire : l’espace aux jambes est réduit à peau de chagrin, et la largeur aux épaules ne fait pas mieux. Seule la garde au toit reste correcte. On pourrait mettre ça sur le compte des nouvelles normes de sécurité passive, mais on verra très bientôt sur le site que Hyundai a fait bien mieux avec l’Inster, pourtant plus étroite et plus courte.
Pourtant, le volume est bien présent et en rabattant les sièges, il est possible de loger une grande trottinette électrique ou un ensemble de cartons.
La finition intérieure n’est clairement pas de haut niveau. Les plastiques durs et rugueux de la console centrale rappellent que nous sommes dans un véhicule “abordable”. Même constat pour les commandes, du bouton de démarrage au gros commodo. Le volant, lui, s’en sort bien. Mais à 33 000 €, on était en droit d’attendre bien mieux, disons… au-delà de la partie matelassée de la planche de bord passager.
Justement, le volant vient rattraper un peu l’ensemble. Il est épais, agréable en mains et bien dessiné. Ses commandes non tactiles et en relief permettent d’activer toutes les fonctions presque à l’aveugle. Un vrai plus. Le piano black, en revanche, est clairement passé de mode.
La climatisation se contrôle par des boutons, et c’est un très bon point.
Des choix ergonomiques étranges
Renault a fait des choix ergonomiques surprenants. Outre Android Automotive, sur lequel nous reviendrons plus tard, cette électrique cherche à imiter les thermiques, parfois au point de dérouter. Exemple : il faut appuyer sur le bouton marche pour allumer la voiture, puis le maintenir trois secondes pour réellement la démarrer. Autre choix curieux : l’énorme levier de vitesse est dépourvu de position “Parking”. Pour immobiliser la voiture, il faut soit ouvrir la porte (ce qui active le frein), soit tirer le frein de parking, placé en bas de la console centrale.
Accessoirement, le passage de la marche avant à la marche arrière oblige à être totalement à l’arrêt, ce qui n’est pas le cas de toute la concurrence. C’est un détail, certes. Mais le diable, les détails, le marché compliqué…
Android Automotive : il va falloir faire mieux
Renault a confié son système à Google Automotive, une version spécifique d’Android Auto capable d’accéder aux données critiques de la voiture (état de la batterie, suivi des recharges, etc.). Sur le papier, l’idée est bonne : Google propose une interface familière, une cartographie riche, et une liste exhaustive des bornes de recharge.
Sur les 442 km parcourus, avec des recharges exclusivement effectuées sur bornes publiques, le système ne s’est trompé qu’une seule fois en indiquant une borne inexistante – rien de dramatique.
L’interface, en revanche, manque de lisibilité, notamment pour la recherche de destinations. Le menu est un peu vide et mal organisé, et si l’interface reste intuitive pour les fonctions principales, elle aurait mérité un travail plus abouti.
Impossible également d’avoir Android Automotive Maps d’un côté (sur l’écran conducteur) et Waze (ou toute autre application de navigation) de l’autre (tablette centrale). Dommage.
Autre problème : la luminosité des écrans, impossible à baisser convenablement, est trop puissante et gênante. La nuit, c’est un enfer. À croire que Renault a compté sur ses écrans pour éclairer l’habitacle. La preuve que la voiture n’a pas été suffisamment essayée la nuit. Je ne vois pas d’autres réponses.
La majorité de ces points peuvent être corrigés par une mise à jour logicielle. C’est ce qui est rassurant. Reste à voir si Renault le fera.
Comportement routier : c’est classique, c’est doux, c’est bien
Bien campée sur ses roues repoussées aux quatre coins, la R5 joue les malignes en ville. Son rayon de braquage réduit permet de faire demi-tour dans un mouchoir de poche. L’accélération franche facilite les insertions, que ce soit dans un rond-point ou sur une voie rapide. Déconcertant de facilité, et surtout rassurant.
Sur sol sec, la R5 tient le pavé. Son châssis et ses suspensions privilégient clairement le confort au détriment du dynamisme. Tant mieux pour les lombaires, un peu moins pour le léger roulis en virage.
Le volant remonte quelques informations, plus que sur bon nombre de VE, mais pas encore assez pour rivaliser avec une thermique.
Les choses se compliquent quelque peu sur sol mouillé. La petite Française patine. Mais le rotor bobiné envoie le couple aux roues avec modération. La R5 a un comportement sain et, par conséquent, pas joueur. Ce n’est pas ce qui lui est demandé, donc ce n’est pas un souci.
Le freinage, en revanche, est à revoir. La pédale spongieuse rend la pression approximative, obligeant à compenser avec le mode Brake (position B) pour un meilleur ressenti.
À noter qu’il n’y a pas de One Pedal : la voiture ne s’arrête pas seule via le freinage magnétique, sauf si la conduite autonome de niveau 2 est activée (nous y reviendrons).
Bon point : les reprises restent vives, même avec une batterie faiblement chargée.
Mauvais point : l’insonorisation est loin d’être exemplaire, avec 67 dB mesurés à 130 km/h – dans le bas du panier pour un véhicule électrique.
À noter : la sono testée est celle de série. Renault propose toutefois une version Harman Kardon en option (600 €), et si vous aimez la musique, foncez. Le système d’origine offre un son métallique, avec des médiums aux abonnés absents et un manque flagrant de rondeur.
Une conduite autonome de qualité remarquable
S’il y a bien un point remarquable sur la R5, c’est sa conduite autonome de niveau 2. Combinant un centrage dans la voie, un régulateur adaptatif et un volant capacitif, cet “autopilote” épouse les courbes sans sourciller, tout en gérant l’accélération et le freinage avec une douceur très appréciable. Que ce soit en ville ou sur autoroute, le résultat est bluffant. La R5 se hisse sans problème au niveau des meilleurs.
Autonomie et recharge : une catastrophe
La R5 est gourmande en électrons. Elle ne les boit pas, elle les gobe. Avec une consommation moyenne de 22,3 kWh/100 km en hiver sur parcours mixtes, des pics à 25 kWh/100 km sur autoroute à 130 km/h, et – plus inquiétant – une conso qui ne descend jamais sous les 19 kWh, même lors d’un trajet plutôt clément, la R5 décroche la palme de la voiture électrique la plus énergivore du marché.
L’autonomie annoncée de 410 km ? Utopique. Vous serez déjà bien heureux d’en parcourir la moitié.
D’ailleurs, parlons de ce fameux trajet “clément”. Un aller-retour de 60 km, au départ du 94 jusqu’à Paris, avec une vitesse oscillant entre 30 et 70 km/h, sans oublier une portion de périphérique désormais limitée à 50 km/h. Un terrain de jeu parfait pour comparer la petite citadine française aux références du marché, comme le Model Y Performance ou la Mini Cooper SE. Car c’est bien sur ce type de trajet que la citadine doit prouver son efficience. Un protocole de test que nous adopterons désormais pour tous nos prochains essais.
Même température extérieure, même température intérieure en clim auto. Verdict : la R5 termine l’exercice à 19,5 kWh/100 km, contre 13,7 kWh/100 km pour la Tesla. La Française consomme 42 % d’énergie en plus, alors qu’elle affiche un poids inférieur de 28,8 % (1 410 kg pour la R5 contre 1 980 kg pour le Model Y Performance). C’est trop !
Quant à la comparaison avec la Mini ? Indécente. La britannique d’origine chinoise se contente de 16,3 kWh/100 km sur le même parcours.
La technologie de rotor bobiné choisie par Renault montre ici ses limites. La R5 échoue là où elle devrait exceller. Certes, ces essais ont été réalisés en hiver, mais une voiture est censée rouler toute l’année, non ?
Le plus gênant dans cette histoire ? La R5 est incapable d’afficher une consommation raisonnable en ville, alors même que c’est son terrain de jeu naturel.
Passons maintenant à la charge. Visiblement, le préchauffage (ou conditionnement) de la batterie n’est pas de la partie. Il en découle une charge en hiver interminable. Plus longue qu’un jour sans pain, la R5 a mis un peu plus d’une heure pour passer de 48 % à 80 %. Le genre de charge qui n’aurait aucun sens si la petite voiture jaune ne consommait pas autant. Les autres fois, il a fallu attendre une quarantaine de minutes pour une charge de 12 % à 80 %.
La charge ne dépassera d’ailleurs jamais les 72 kW durant notre essai, et ce, pendant une poignée de minutes seulement. Autrement dit, sans borne à domicile, la R5 est inenvisageable, plus encore que n’importe quelle autre voiture électrique.
La déception est forte et inscrit la R5 dans la sphère des VE qui ne vous emmèneront pas découvrir le monde. Dommage, car la voiture a un véritable potentiel, qui gagnerait beaucoup à adopter un moteur à aimant permanent et un préconditionnement de la batterie plus efficace (ou au moins, une meilleure gestion thermique de celle-ci).
NDLR : suite aux commentaires, voici quelques précisions. Le préconditionnement de la batterie s’active automatiquement dès lors qu’on utilise le planificateur d’itinéraire et qu’on y sélectionne une borne et cela, sur toutes les voitures qui en sont dotées. Durant l’essai, nous avons utilisé uniquement Google Automotive et donc laissé la R5 gérer sa batterie. Théoriquement, 30 minutes suffisent à la batterie pour passer de 7°C à 30°C. Visiblement, ce n’était pas efficace. Autre chose : lors d’une charge à froid, la batterie se réchauffe petit à petit lors de la charge. Sur la R5 non.
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