Nous sommes dans les années 1870, au fin-fond du Far West américain, où deux silhouettes crapahutent dans la poussière en se soustrayant habilement au regard des quelques pieds-tendres censés surveiller la zone. Soudain, une pièce d’or atterrit près d’un garde dont la seule erreur a été de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Ni une, ni deux, l’aîné expédie sans sommation son couteau dans la trachée du truand distrait; une frappe d’une précision chirurgicale, rapide comme l’éclair et discrète comme un murmure qui ne laisse aucun espoir au pauvre hère. Le ton est donné : James Cooper – c’est son nom – est une implacable machine à tuer, et on imagine aisément que le rejeton qui l’accompagne ne manquera pas d’en prendre de la graine. Une scène d’introduction d’une efficacité scénaristique redoutable, qui se charge de donner le ton. Pour ceux qui n’ont pas encore eu le privilège de faire connaissance avec la famille Cooper, c’est l’occasion de rencontrer l’un des pistoleros les plus futés, flegmatiques, et badass de l’histoire du jeu vidéo. Pour les initiés, la séquence est d’autant plus jubilatoire que ce coup de lame vient mettre fin à treize ans d’absence – une éternité en temps vidéoludique. Nous ne cacherons pas qu’à l’issue de cette bête introduction, nous nous sommes déjà surpris à ronronner de plaisir !
L’histoire se déroule avant les événements de Desperados : Wanted Dead or Alive, le premier opus de la série. Elle nous emmène sur les traces de John Cooper, notre cowboy préféré qui suit lui-même la piste de son père vu dans l’introduction. Plusieurs personnages iconiques sont de retour dans cet opus qui nous présente les origines de la saga : outre John Cooper qu’on ne présente plus, on retrouve aussi d’autres têtes connues comme le sinistre mais tellement jouissif Dr Mc Coy ou encore la flamboyante Kate O’Hara, toujours aussi occupée à envoyer paître les cohortes libidineuses du saloon. Globalement, l’intrigue s’avère plus prenante que jamais, et ce troisième opus passe un cap immense en termes de narration par rapport au précédent. L’écriture est soignée, les dialogues efficaces sans venir interrompre le rythme de la partie. La troupe est plus attachante et vivante que jamais et donne au jeu un vrai aspect western spaghetti sans jamais tomber dans la caricature, notamment grâce à un voice acting de haute volée et à une animation à base de motion capture qui sert parfaitement le style graphique du jeu. Un vrai régal !
Un Desperados pur jus, dans le meilleur sens du terme
Au niveau de la prise en main, les fans de la franchise savent déjà à quoi s’attendre. Fidèle au format de ses aînés, Desperados III est un jeu est un top-down d’infiltration tactique exigeant servi par un gameplay ciselé. La recette imaginée en 2001 arrive clairement à maturité avec cet opus. Pour arriver au bout de chaque tableau, il faut jongler entre les différents personnages qui disposent chacun de différentes compétences uniques et complémentaires. C’est ensuite au joueur qu’il revient de les utiliser comme bon lui semble pour atteindre les objectifs imposés. Sur le papier, le principe est simple comme bonjour : analyser les moindres faits et gestes des ennemis, échafauder un plan, puis le mettre à exécution. Mais dans la pratique, à l’image de ses prédécesseurs, Desperados III n’est pas un jeu facile. Loin de là : la difficulté est sacrément relevée, les ennemis sont impitoyables et le système d’alarme achève de vous faire comprendre que la manière forte ne vous mènera nulle part. Il faudra vous creuser les méninges et échouer pour réussir :résultat, vous mémoriserez très vite l’emplacement de la touche Chargement rapide, qui vous permet d’accéder à votre dernière sauvegarde sans passer par le menu. Et c’est tant mieux, car faites-nous confiance : votre première partie sera jalonnée d’alarmes, de morts et de dommages collatéraux ! Il y a même un chronomètre qui rappelle au joueur qu’il n’a pas sauvegardé depuis un certain temps, et joue selon nous un double rôle. Le premier, c’est d’éviter le syndrome désormais classique et ô combien frustrant de la mort stupide qui vient ruiner une heure de progression non sauvegardée. Et le deuxième, qui relève plus de l’interprétation, c’est que le jeu sait pertinemment que vous allez échouer souvent et prend même un malin plaisir à vous le rappeler ! Une composante die-and-retry qui pourra en rebuter certains, ou tout du moins leur interdire l’accès aux niveaux de difficulté les plus élevés, mais qui fait tout le sel du jeu.
Les mécaniques qui permettent d’avancer sont dans la continuité des opus précédents. Chaque tableau vous imposera une succession de choix tactiques qui dépendent de multiples facteurs. Pour progresser, le joueur va devoir assommer, traîner, ligoter, tuer, appâter, endormir, séduire, ou tout simplement molester des malfrats à la pelle pour se frayer un chemin vers l’objectif final, si possible sans vous faire repérer. Il faudra pour cela tenir compte des spécificités de chaque personnage allié ou ennemi, de la configuration du terrain… Le Showdown, qui permet d’arrêter le temps pour lancer une action simultanée avec plusieurs personnage, est toujours présent et toujours aussi jouissif. En somme, nous sommes en présence d’une recette relativement sobre, mais toujours aussi efficace et servie par une interface qui représente un vrai cas d’école. Près de quinze ans après, les bonnes idées des premiers opus ont été récupérées et retravaillées et il nous a fallu à peine une petite minute pour retrouver l’intégralité des sensations et des réflexes de jeu hérités de ses prédécesseurs. Les nouveaux joueurs, eux, devront certes prendre le temps de comprendre les diverses mécaniques du jeu comme le bruit, et la visibilité, mais l’interface est si efficace, si claire que même pour un novice, la prise en main s’effectue en moins de temps qu’il n’en faut à John Cooper pour dégainer son Colt.
Sans être transcendant, le style graphique de Desperados III reprend la recette de ses prédécesseurs malgré le changement de studio avec cohérence, sobriété et lisibilité. Mais cet opus bénéficie clairement d’un vraie patte graphique. Les environnements fourmillent de détail, la palette de couleur et l’éclairage sublime. L’ensemble finit par être particulièrement vibrant, et on éprouve un réel plaisir à évoluer de tableau en tableau, qu’il s’agisse d’un train, d’une ville ou du désert.
Une lettre d’amour aux joueurs et au jeu vidéo en général
Avec Desperados III, Mimimi réalise un exercice de funambule de haut niveau : produire une expérience accessible pour une franchise qui a presque eu le temps de tomber dans l’oubli pour ceux qui n’étaient pas des fans inconditionnels, mais qui saura offrir leur dose de flashbacks jouissifs aux joueurs de la première heure. Cet aspect du jeu est vraiment maîtrisé à la perfection jusque dans ses recoins les plus tordus. En premier lieu, le jeu vous prend réellement par la main pour ne pas perdre rapidement les nouveaux joueurs, que la difficulté élevée pourrait rebuter et priver d’un chef d’œuvre.
Mais à chaque instant, le joueur est libre de lâcher cette main rassurante pour se frotter aux challenges les plus sadiques – et faites nous confiance, il y en a ! Quelque soit votre niveau, Desperados aura quelque chose à vous offrir. Mais il ne s’agit pas pour autant d’une volonté de rendre le jeu plus accessible à tout prix, quitte à l’aseptiser. Bien au contraire : les deux facettes cohabitent tellement bien que tous les joueurs, des rêveurs aux forcenés, y trouveront leur compte et ce sans faire la moindre concession à l’autre camp. Un tour de force incroyable, tant il est difficile d’allier difficulté et accessibilité au sein d’un même jeu : la fanbase de jeux pourtant fantastiques comme Sekiro peut en témoigner. Un autre aspect où le jeu frappe dans le mille, c’est dans sa capacité à proposer une expérience complète non seulement pour tous les niveaux, mais aussi pour tous les profils de joueurs. Les plus contemplatifs pourront se délecter d’une histoire bien plus travaillée et nuancée que celles des premiers épisodes. Les complétionnistes les plus acharnés, eux, pourront se frotter aux différentes mécaniques prévues pour booster la rejouabilité du titre. Des multiples objectifs facultatifs aux fameux Challenges du Baron qui vous feront revenir sur des maps déjà nettoyées, les plus motivés en auront pour leur argent avec environ une durée de vie d’une trentaine d’heures de jeu. En difficulté facile et sans les défis optionnels, le jeu peut certainement se terminer en une grosse dizaine d’heures.
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J’aurai bien aimé connaître la jouabilité à la manette ^^
” Le côté “die-and-retry” qui pourra en fruster certains” , ben c’est le style de jeu en fait , ce serait comme mettre un point négatif à Mario Kart en disant “le fait de devoir toujours conduire un véhicule pourra en frustrer certains” :p
Ils expliquent que c’était histoire de trouver des défauts. Ensuite sérieux à la manette ? Dark souls, Salt & Sanctuary ok mais ce genre de jeux n’est clairement pas à faire à la manette. Après chacun ses goûts (et surtout habitude) effectivement. Mais cela en dit tout de même long …