Une terre isolée au milieu des flots, des animaux anthropomorphes, de la collecte d’échantillons divers, cet Animal Crossing nouveau a tout d’une adaptation parfaite de l’Île du Docteur Moreau. En plus inquiétant. Parce qu’ici règne un monarque implacable, le fric. Plongée dans le capitalisme à la cool.
Animal Crossing a désormais quelques années d’existence. Débutée sur Gamecube, la série était à l’époque un outsider totale, sortie de nulle part et amenant une nouvelle rythmique dans la façon même d’appréhender le jeu vidéo. L’idée était de donner le sentiment du temps qui passe, de l’arrivée des
saisons, de la contemplation simple des modifications quotidiennes. Le jeu se calait donc sur la vie de chacun, et il fallait alors s’adapter, ne plus voir l’activité jeu vidéo comme une liberté totale. Avec le temps, cette approche s’avère moins originale aujourd’hui, mais Animal Crossing New Horizons conserve tout de même cette étrangeté rare. Son souci, c’est de savoir comment se réinventer et sortir d’une vision extérieure parfois biaisée, qui le perçoit comme un Sims avec des bestioles pour enfants. Ce qui n’est, en un sens, pas faux, mais réduit tout de même sa proposition. Le jeu de Nintendo peut se voir davantage comme le destin combiné du joueur et d’un environnement. En tant qu’habitant, puis “créateur”, chacune de nos actions modèle ce qui nous entoure, donne du corps à une île aux multiples possibilités.
Et c’est cette façon d’interagir avec elle qui est au coeur du game design d’Animal Crossing New Horizons, empilement d’activités comme autant de pages tournées dans une vie. C’est à la fois ce qui crée une réelle fascination pour le jeu et forme une barrière infranchissable pour de nombreux joueurs qu’il est important de prendre en compte. Car l’aventure proposée est personnelle, elle demande de se perdre littéralement dans une temporalité unique, aux tâches insignifiantes. Sous son enrobage de bonbon, cet Animal Crossing, comme ses prédécesseurs oblige une implication forte du joueur, parfois plus profonde que dans certains jeux autrement plus punitifs ou abscons. Facile d’y rentrer, parfois difficile d’y rester en somme.
L’île de pattes
Une journée type d’Animal Crossing se compose de plusieurs activités à effectuer en fonction des envies, des besoins, et des impératifs vitaux. Ce dernier cas régit en résumé toute la vie du joueur et s’incarne dans Tom Nook et ses sbires sous la forme d’une notion déjà très présente dans notre vie de tous les jours, l’argent. Même s’il est possible d’obtenir un grand panel d’éléments par de l’artisanat, apport principal du jeu, une grande part de la progression passe par l’économie locale. Acquérir des clochettes, le plus souvent destinées à rembourser les prêts octroyés par ce bon vieux Nook pour bâtir sa maison et l’agrandir notamment, est l’objectif sous-tendant tout le reste. Collecter des insectes se révèle utile pour le musée, ramasser des fruits peut permettre d’acquérir un sursaut d’énergie, pêcher des poissons donne l’opportunité de décorer son intérieur avec un aquarium, certes. Et cette variété d’utilisation de chaque chose est une des forces du jeu. Mais une fois des coquillages déjà ramassés, des fossiles déjà déterrés, chaque exploration a pour but la vente. Chaque journée a donc tendance à se ressembler, scindée entre quelques – nouvelles – découvertes, et une majeure partie de ramassage de tout ce qui traîne pour se faire de l’argent. Occupation vite limitée que Nintendo a tenté de désamorcer par l’intégration d’une sorte d’équivalent de challenges journaliers hérités des “free to play”. Ces missions – collecter x insectes, couper x morceaux de bois, etc – permettent de récolter des Miles, monnaie secondaire utile pour récupérer quelques améliorations intéressantes et un billet d’avion bien utile. Celui-ci vous permet de vous rendre sur une autre île, non habitée par un joueur, et de rencontrer de possibles nouveaux personnages à inviter sur votre îlot ou de glaner quelques bestioles/éléments inédits. De quoi épicer un tantinet le morne quotidien, même si cette dérivation tourne plutôt vite en rond, surtout si vous choisissez de jouer plusieurs heures d’affilées. En effet, le cycle des tâches n’est pas très étendu, et il est aisé de retomber sur la même action à effectuer.
La pelle de la forêt
Débloquée sur le tard, la Terraformation offre un agréable contournement à cette boucle de milieu de jeu, autorisant le joueur à créer non plus quelques cannes à pêche mais son île entière. Les journées se montrent alors plus chargées, c’est un fait, mais surtout de façon plus ludique. Les possibilités explosent via la transformation des terres, et la “collectionnite aigüe” de base tend à prendre un peu moins de place pour favoriser la créativité. Et ce même si cet aspect possède déjà une part importante dans le plaisir de jeu, via la personnalisation de sa maison et la liberté d’organiser le paysage comme bon vous semble en ajoutant des arbres, des bâtiments, des jeux et autres décorations. Et c’est exactement ce qu’est Animal Crossing New Horizons, une autre journée possible. Comme une dimension parallèle dans laquelle les tâches importantes sont remplacées par d’autres plus futiles, et où les heures passent de la même manière, à la fois pénibles ou excitantes. Ce qui rend le jeu difficile à appréhender la majeure partie du temps, mais lui donne ce supplément de vie, ces moments fugaces de beauté, dont il a l’entière exclusivité.
Pas suffisant pour en faire un grand jeu vidéo, mais assez pour lui donner une importance dans le domaine, celle de la patience dans la création. D’autant qu’avec ses placements du personnage imprécis, ses angles de caméra souvent problématiques, et ses multi-confirmations de l’angoisse dans les échanges, il y avait de quoi s’énerver. C’est au contraire le sourire aux lèvres que l’on replonge, par petites sessions, dans ce monde étrange et mignon, version Gulli du capitalisme. Il est sans doute normal de se gausser de cet univers très acidulé au début de sa partie, puis vient le moment où l’on attend avec impatience son nouveau lit. À ce moment, la perte est proche, mais la sanction plutôt douce.
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Chouette petit jeu !
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