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Voici à quoi ressemblera le sextoy du futur

La sextech est en plein boom. Les prix des jouets pour adultes s’envolent, et chaque nouveau modèle se targue d’avoir réussi à compiler le meilleur de l’innovation au service du plaisir. Vraiment ?

Longtemps tabou, le sexe est en train de devenir un produit marketing presque comme les autres. Depuis quelques années, la sextech côtoie désormais les rayonnages des supermarchés et des salons technologiques. Il n’est plus rare de voir les love-shops placarder leurs publicités dans les couloirs du métro parisien. Pour explorer son plaisir, entretenir la flamme, diminuer son stress ou simplement mieux dormir, l’orgasme est devenu le nouveau remède miracle aux maux du quotidien. De quoi compenser la baisse de libido observée ces dernières années chez la jeune génération, rapportait il y a peu une étude IFOP pour le compte du constructeur Lelo.

Depuis la révolution Womanizer en 2014, les innovations technologiques liées au marché de la sextech se suivent, mais ne se ressemblent pas. Si la stimulation clitoridienne à air pulsé reste indétrônable chez les personnes à vulve, les fabricants voient de plus en plus loin en matière de stimulation. Sextoys gonflants, stimulation par tapotement des bulbes clitoridiens internes, tige flexible à oscillation ou caméras embarquées… toutes les idées ne sont pas concluantes — certaines ont d’ailleurs rapidement été abandonnées — mais l’essentiel est là : la sextech n’a jamais été aussi créative.

Reste que si Womanizer a marqué l’industrie il y a tout juste 20 ans, le marché de la sextech a commencé doucement, mais sûrement à s’essouffler sur la question de la stimulation pure. En 2025, on sait comment provoquer des orgasmes en quelques secondes, et sans aucune période réfractaire. Difficile donc de faire mieux à ce niveau-là : certains jouets pour adultes confinent parfois à la démonstration technologique. Et si le futur des sextoys était ailleurs ?

Il faut des sextoys plus inclusifs

Depuis les premiers phallus réalistes jusqu’aux stimulateurs clitoridiens, les sextoys sont de plus en plus inclusifs. Leur design a changé, autant que leur technologie embarquée. Les masseurs prostatiques et les masturbateurs péniens sont de plus en plus nombreux sur le marché, et les jouets pour adultes ambitionnent désormais de s’adresser à un public de plus en plus large. Certains s’attèlent même à brouiller les distinctions entre les genres, pour s’adresser à toutes les physiologies.

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© MidJourney

En 2025, la sextech aura tout à gagner à passer à la vitesse supérieure en matière d’inclusivité. Le plaisir ne s’arrête ni au genre, ni à l’âge, encore moins au handicap. Le sextoy du futur doit élargir sa cible, pour parler au plus grand nombre. Ce changement passe par d’abord le design : il faut des jouets plus souples, aux boutons repensés et à l’ergonomie améliorée. Les jouets sexuels savent provoquer des orgasmes en quelques minutes, ils doivent maintenant répondre aux besoins des populations invisibilisées.

L’écologie, pour de vrai

Autre point fondamental sur lequel les jouets sexuels doivent évoluer : l’écologie. Le chargeur unique a oublié la sextech, et en attendant de rêver d’une fabrication française pour les jouets motorisés, on peut espérer que le marché se dirige doucement, mais sûrement vers un peu plus de conscience environnementale. 

Le Womanizer Eco Premium a été le premier du genre à secouer le marché. En 2021, la marque leader de la sextech lance un stimulateur clitoridien haut de gamme, entièrement fabriqué en Biolene, un polymère biosourcé fabriqué à partir d’amidon de maïs. L’initiative ne s’arrête pas là : le produit peut être entièrement démonté, et les accessoires (câble, emballages, pochette de transport) sont repensés pour réduire leur empreinte carbone. “Ça a été un projet super excitant, très cher à développer”, confie Johannes Plettenberg, CEO de Lovehoney Group. 

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© MidJourney

Problème : si tout le monde s’accorde à dire que l’écologie, c’est bien jusque sous la couette, le Womanizer Premium Eco et ses promesses de sexualité verte ne se vend pas. “Il existe sans doute plusieurs raisons à cela”, concède Johannes Plettenberg, “mais ma conviction personnelle, c’est que les consommateurs ne sont pas prêts à faire des sacrifices ou des compromis. Le Premium Eco a toutes les caractéristiques du Premium 2, si ce n’est qu’il n’est pas étanche, et que ses matériaux sont différents. Le fait est que pour le même prix, les consommateurs préfèrent acheter un modèle en silicone, même s’il est moins éco-friendly”. 

Pourtant, la sextech va devoir faire mieux en matière d’environnement : les jouets pour adultes représentent une masse de déchets de plus en plus importante à l’échelle mondiale, et leur recyclabilité est encore balbutiante ; la faute au manque de filières de recyclage et aux tabous persistants. 

Qui des industriels ou des consommateurs sont responsables ? Pas facile de statuer sur le sujet. “Je pense qu’il faut accepter le fait que ce n’est pas notre job de rendre l’écologie plus verte”, estime Johannes Plettenberg. “C’est au consommateur d’accepter de faire des concessions, ou de payer plus cher. Faire plus écolo, pour la même performance et au même prix, c’est irréaliste”. 

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© MidJourney

Reste que côté industrie, nombreux sont les fabricants à produire à outrance, sans se soucier de leur obsolescence programmée, ni de la surconsommation qu’ils encouragent. À l’inverse, de plus en plus de petits fabricants appellent à la décroissance, avec des jouets en bois, en silicone ou en céramique, dépourvus de moteurs, mais emprunts d’une sensorialité exacerbés. Sur un autre créneau, on note aussi l’initiative de Rejouis, première entreprise française à proposer des sextoys reconditionnés. Finalement, le futur de la sextech est peut-être dans un nouveau modèle économique plus vertueux.

L’expérience plutôt que le produit

Si les sextoys intelligents le sont de plus en plus, la course à l’innovation dans la sextech confine parfois à l’absurde. Le marché a vu naître toutes les formes et toutes les tailles, mais rares sont les modèles à réellement s’imposer sur le long terme auprès du grand public.

Faire des objets de plaisir est devenu une formalité. Les technologies se suivent et se ressemblent dans leur finalité orgasmique, battant des records d’efficacité qu’un humain aurait bien du mal à égaler. Et si l’innovation de demain était ailleurs ?

Sextoy Futur
© Grok

Balayons tout de suite l’idée d’un métavers érotique et d’une sexdoll boostée à l’IA, tant les projets semblent balbutiants, et cantonnés à un public de niche. Concentrons-nous davantage sur un domaine que les marques explorent déjà depuis quelques années avec plus ou moins de succès : la connectivité. Certains fabricants, comme Satisfyer, We-Vibe, Svakom et Lovense en ont fait leur marque de fabrique, en développant des applications capables d’enrichir l’expérience utilisateur, en créant de nouvelles expériences. Le chatbot sexuel Replika n’a qu’à bien se tenir, ChatGPT a déjà investi notre sexualité, et certains modèles peuvent être directement contrôlés via un casque de réalité virtuelle.

La cybersécurité des sextoys, l’enjeu de demain

Comme n’importe quel quels autres objets connectés (peut-être même plus tant la nature des données recueillies est sensible), les sextoys soulèvent bon nombre d’interrogations sécuritaires. Les failles ne manquent pas : en 2016, la marque We-Vibe et son fabricant Standard Innovation sont attaqués en justice par deux clientes américaines, qui accusent l’application We-Connect d’avoir collecté et enregistré à leur insu des données personnelles sensibles, allant de la date et l’heure de chaque utilisation aux paramètres de vibration sélectionnés, en passant par des centaines de milliers d’adresses mails non anonymisées.

À l’époque, l’excuse de l’étude de marché avancée par le fabricant ne passe pas. We-Vibe s’en tire avec une compensation à l’amiable de 2,57 millions d’euros en dommages et intérêts. L’affaire se répétera pourtant un an plus tard, cette fois avec Svakom et son Siime Eye, un étrange vibromasseur intégrant une caméra capable de filmer l’intérieur d’un orifice. La mise en application du RGPD quelques mois auparavant ne suffit pas à écarter certaines négligences, et d’importantes failles de sécurité sont mises en avant concernant le produit.

Car il ne suffit plus d’être efficace, il faut aussi être capable de proposer de nouvelles expériences ultra-personnalisées. Un objectif qui passe par l’innovation technologique — et pourquoi pas, l’intégration de l’IA — mais pas seulement. La sextech doit suivre les réseaux sociaux européens sur la voie de l’interopérabilité, en proposant des protocoles de connexion universels, qui autoriseront le couplage de n’importe quel jouet avec n’importe quel service ou application, sans se limiter aux logiciels propriétaires. 

C’est en ouvrant leur connectivité à des plateformes tierces que les sextoys pourront s’imposer comme de véritables objets connectés, renforcer leur implication éthique et sécuritaire, mais surtout favoriser les ponts et les innovations entre les entreprises de la tech, et celles de la sexualité.

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© Canva

USB-C, phtalates, silicone : il faut des normes légales

Les progrès exponentiels de l’IA et du numérique le prouvent chaque jour : l’innovation sans encadrement légal équivaut à rouler sans ceinture sur l’autoroute. Pourtant, et malgré la sensibilité du marché en matière de santé et d’éthique, la sextech passent souvent à travers les mailles du filet lorsqu’il s’agit de poser des normes légales claires. La faute à un secteur encore jeune, mais surtout aux tabous qui entourent encore l’industrie de la sexualité.

Comment souvent, c’est de l’industrie elle-même qu’émergent les premières tentatives de normalisation. “Je pense que c’est quelque chose qui nous concerne tous, et que c’est la bonne chose à faire”, assume Johannes Plettenberg. “Il y a des normes pour tout aujourd’hui, mais pas pour des produits qui touchent directement à notre intimité. C’est aux grands noms de l’industrie, et donc à nous aussi, de dessiner tous ensemble la feuille de route de l’avenir de la sextech, puisqu’à l’heure actuelle, les gouvernements sont trop lents pour légiférer sur la question”.

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© Canva

Dans un premier temps, la sextech doit adopter des normes de sécurité strictes en matière de design et de composition. “L’urgence, ce sont les matériaux, les phtalates, la composition du silicone”, analyse le CEO de Lovehoney Group. “Il est logique que nos produits soient soumis aux mêmes normes que les produits alimentaires ou pour les enfants. Il y a aussi les moteurs, il faut s’assurer que les batteries soient de bonne qualité, qu’elles ne prennent pas feu lorsqu’on les laisse branchées… Il faut qu’à l’avenir, les fabricants aient l’obligation de se conformer aux normes ISO existantes pour vendre leurs produits en Europe. Nous savons que la majorité des produits sur le marché ne répondent pas à ces normes”.

Les actions combinées des associations de consommateurs et d’une industrie désireuse de montrer patte blanche auprès du grand public portent leurs fruits. Des normes ISO ont été déployées pour réguler certains aspects sécuritaires des jouets pour adultes (ISO 3533), l’opacité des composition et la présence de phtalates dans les jouets sont régulièrement pointées du doigt. S’il n’y est pas officiellement contraint, le marché commence doucement, mais sûrement à passer à la charge universelle USB-C réclamée par l’Europe sur le reste des produits électroniques. Une simple question de temps, prédit Johannes Plettenberg: “Je suis confiant sur le fait que les normes vont se construire au fur et à mesure, et façonner une industrie plus respectueuse et sécurisée pour les consommateurs”.

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© MidJourney

La révolution, c’est pour quand ?

Quant à savoir à quoi ressemblera la prochaine révolution sextech, c’est une autre histoire. Womanizer a transformé la masturbation clitoridienne avec sa technologie Pleasure Air en 2014. Dix ans plus tard, c’est encore elle qui règne dans le cœur des consommateurs et des consommatrices.

Pour Johannes Plettenberg, la prochaine révolution est déjà en marche. “Si on compare les premières voitures imaginées au XIXe siècle et celles qui sont vendues aujourd’hui, le changement est énorme, parce qu’on compare un point A à un point B. C’est la même chose quand on compare le premier Womanizer W100 avec ceux que nous vendons aujourd’hui. Notre premier modèle était énorme, très bruyant, pas totalement étanche, et il n’embarquait aucune autre technologie que la Pleasure Air. Je suis aussi presque sûr qu’il ne répond plus aux normes actuelles. Ce sont les améliorations continues qui font la révolution, en se basant sur les retours des consommateurs année après année. Un pas après l’autre, une innovation à la fois, nous façonnons le futur de la sextech”.

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