L’une des récentes mutations ayant bouleversé notre société a débuté au 20ème siècle avec l’invention de l’informatique et un certain protocole TCP/IP plus connu sous le nom d’internet. Il y a eu plusieurs pionniers à l’origine de ces fantastiques révolutions comme Alan Turing considéré comme l’ancêtre de l’ordinateur ou Djon Atanasov et son ABC. Ces précurseurs ont grandement inspiré les constructeurs d’ordinateurs modernes et ont enclenché une première mutation qu’on appellera « l’ère des constructeurs ». Cette révolution va rapidement dépasser les frontières de l’informatique, elle touchera l’ensemble du hardware (le hardware représentant les différentes pièces qui composent un appareil électronique) et va être au cœur des problématiques de toutes les entreprises novatrices de l’époque.
On estime que cette ère des constructeurs va durer une trentaine d’années, de 1960 à 1990. Selon Alain Lefebvre, célèbre informaticien et écrivain français (qui publiera un dossier complet sur le sujet), cette période débute en 1960 car c’est le moment où l’industrie prend vraiment forme avec des logiques de constructions en série et la notion de famille d’ordinateurs compatibles. Elle prend fin en 1990 avec la sortie de Windows 3.0.
1990, c’est un premier virage de la révolution technologique puisque cette année marque également la fin du règne d’IBM qui avait considérablement dominé cette période en étant la première capitalisation boursière au monde durant les années 1970 et 1980. La sortie du fameux Windows 3.0 va propulser Microsoft et Bill Gates sur le devant de la scène. A ce moment, sans le savoir, nous allons tourner notre regard vers un nouveau type de produit duplicable, livrable instantanément aux quatre coins du monde et sans problématique de stockage : le logiciel.
L’ère des constructeurs prend donc fin pour laisser place à celle qu’on pourrait logiquement dénommer « l’ère des éditeurs » de logiciels. Seuls quelques grands constructeurs comme IBM et HP vont parvenir à s’adapter à cette transformation, mais loin de leur succès passé.
Cette évolution s’explique par plusieurs raisons, bien que les principales soient stratégiques et économiques (comme ce sera souvent le cas dans les mutations technologiques). Le hardware a l’inconvénient d’être très onéreux : les innovations, la production, le stockage,…etc. représentent des couts importants pour l’entreprise alors que le déploiement d’un logiciel entraîne moins de contraintes. Le logiciel n’a néanmoins d’intérêt que s’il est couplé au hardware et c’est ainsi que les couples Apple/IBM et Microsoft/Intel vont dominer le monde pendant plusieurs années afin de faire la transition entre ces deux ères.
Rapidement, cette dominance va s’atténuer avec l’apparition des logiciels libres et plus tard des SaaS qui vont modifier la relation qui associait le constructeur et l’éditeur. Google est la parfaite illustration de cette nouvelle méthode de fonctionnement, il est à la fois le logiciel libre le plus connu au monde mais aussi depuis quelques années l’un des acteurs importants du SaaS avec les Google Apps.
Apple et Microsoft vont bien s’adapter à ces changements mais de manière différente notamment grâce à la vision de leurs dirigeants respectifs. Apple se distingue par son « hard, soft and service », imité par la suite par Samsung, son homologue coréen. Il consiste à intégrer les trois pièces du puzzle au sein de la même entreprise, Apple conçoit le Hardware (iPhone, mac,…), y associe son logiciel (IOS) et propose en parallèle ses services (itunes). Ce modèle va d’ailleurs donner une tout autre dimension au marché du téléphone portable qui va lui-même muter pour devenir les smartphones que l’on connait aujourd’hui.
Microsoft de son côté devient une référence en termes de logiciel Saas (Software as a Service). Le SaaS est un modèle de distribution de logiciel au sein duquel un fournisseur tiers héberge les applications et les rend disponibles pour ses clients par l’intermédiaire d’internet. Pour les Saas les plus connus, nous pouvons citer justement le pack office de Microsoft ou Salesforce.
L’ère des éditeurs n’est pas encore terminée, selon certains experts, elle a encore plusieurs belles années devant elles notamment sur le marché du SaaS. Les outils sont de plus en plus simples à utiliser, les éditeurs se multiplient et les supports aussi, ordinateur, smartphone, tablettes, objets connectés,… les opportunités ne manquent pas.
Pourtant, une nouvelle ère semble se dessiner depuis quelque temps et a connu une accélération marquée durant l’année 2019, celle du paiement. En réalité, nous pourrions même dire que cette nouvelle ère a déjà débuté. Dès 2008, le groupe Orange s’élançait sur ce marché en territoire africain avec Orange Money. Ce service séduira plus de 40 millions de clients et 17 pays d’Afrique en 10 ans. Les géants de la tech adresseront ce marché quelques années plus tard, en 2014 pour Apple (Apple Pay) et en 2015 pour Samsung (Samsung Pay).
La fin de la première décennie du 21ème siècle marquerait donc le début de l’ère du paiement ? Cette hypothèse n’est pas si absurde, d’autant que cette période correspond également à la crise des Subprimes et l’invention d’une nouvelle technologie : la Blockchain.
10 ans plus tard, Orange Money connait un franc succès et en parallèle, la technologie Blockchain et les cryptomonnaies ont parcouru un long chemin et se présente aujourd’hui comme le potentiel facteur déclencheur de cette ère du paiement. En 2018, Mark Zuckeberg, fondateur de Facebook dévoile la création d’une division dédiée au domaine de la blockchain. Il choisit David Marcus, ancien président de Paypal et ex-responsable de Facebook Messenger, pour la diriger. Moins d’un an plus tard, Facebook lance une bombe sur l’économie mondiale en annonçant officiellement Libra, également surnommé Facebook Coin, la cryptomonnaie de Facebook.
Le potentiel de Libra est immense, Facebook pourrait devenir la plus grande banque du monde en l’espace de quelques mois et modifier considérablement le monde actuel. Évidemment, le projet a suscité beaucoup réaction de la part des grandes institutions et a ouvert la discussion sur de nouveaux sujets autour des monnaies numériques. C’est une évidence, une nouvelle mutation est en train de se produire. Demain, le plus important ne sera pas de savoir ce que vous voulez acheter, mais où se trouve votre argent quand il dort et comment les acteurs économiques pourront gérer votre portefeuille.
L’histoire est faite de mutation, l’être humain ne stagne pas, il évolue, innove et se réinvente chaque jour. Il dispose d’outils de plus en plus perfectionnés qui lui permettent d’aller plus vite et plus loin. J’ai la sensation que nous sommes en plein cœur de la prochaine mutation et je trouve cela palpitant de pouvoir l’observer au quotidien.
« Hier, les grandes entreprises vous disaient quoi acheter. Aujourd’hui, elles vous disent où l’acheter. Demain, elles vous diront comment l’acheter. »
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