Plusieurs messages sur Twitter accusent des employés d’Ubisoft de s’être rendus coupables de harcèlement et d’agressions sexuelles. L’entreprise a indiqué hier avoir diligenté une enquête (ce qu’elle est tenue de faire). Mais encore une fois, on ne peut s’empêcher de penser que des actions auraient dû être menées plus tôt. Les employeurs ont tendance à penser qu’à moins d’avoir une preuve matérielle des faits (mails explicites, enregistrement de caméra de surveillance), rien ne doit être fait. C’est totalement faux et heureusement, puisque dans de très nombreux cas, la victime ne dispose pas de tels éléments. “Il existe un aménagement de la charge de la preuve. Une personne qui se dit victime de harcèlement sexuel va devoir apporter ce qu’on appelle un commencement de preuve. Ensuite ce sera à l’employeur de démontrer que ce n’est pas du harcèlement sexuel”, précise Vesna Nikolov, juriste chargée de mission à l’Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail.
Pour établir un faisceau d’indices concordants, la personne peut notamment utiliser des éléments relatifs à sa situation médicale (dégradation de l’état de santé, dépression, etc.) ou des témoignages indirects (proches ayant recueilli les confidences de la victime, collègues ayant été victimes d’agissements similaires, etc.). L’employeur, quant à lui, ne doit en aucun cas attendre d’avoir une preuve de la situation ou que la victime porte plainte pour agir. Il a en effet l’obligation légale de protéger ses salariés. “Dès qu’il y a une rumeur, il doit impérativement la vérifier. Soit c’est vrai, soit c’est faux et cela signifie que quelqu’un se livre à des dénonciations calomnieuses. Dans un cas comme dans l’autre, il y a un problème à régler”, nous explique Caroline De Haas, fondatrice du groupe Egaé, une agence de conseil et de formation experte de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Faciliter les signalements et bien évaluer la gravité des faits
Pour lutter contre le harcèlement sexuel, la formation des équipes est également un axe d’action stratégique .”Il faut commencer par former la direction à ces questions puis les managers et enfin les salariés. Les formations vont notamment aider les responsables à repérer les signaux faibles mais révélateurs de problèmes et à qualifier précisément la situation. Est-ce un agissement sexiste ? Du harcèlement sexuel ? Le degré de gravité n’est pas le même et ces situations n’appellent pas les même réponses”, souligne Caroline De Haas. Il est également important de prévoir au sien de l’entreprise un dispositif facilitant les signalements. “Par exemple, prévoir une boite mail permettant de dénoncer des faits de harcèlement sexuel sans passer par sa boîte personnelle”, note Vesna Nikolov, juriste chargée de mission à l’AVFT. L’employeur a également tout intérêt à montrer aux salariés que leurs alertes seront prises au sérieux en étant transparent sur les suites qui seront données à chaque type de signalement.
Si les faits signalés s’avèrent véridiques, il faudra enfin trouver une sanction juste. “Une entreprise qui panique et licencie quelqu’un pour un agissement sexiste c’est disproportionné”, note Caroline De Haas. Sous évaluer la gravité des faits pose cependant également problème, avertit la fondatrice du groupe Egaé. Une fois une sanction décidée, l’employeur ne peut en effet plus en administrer de deuxième. S’il réalise après coup qu’il ne s’agissait pas de propos sexistes ponctuels mais d’attaques répétées s’apparentant plutôt à du harcèlement, il lui serait par exemple impossible d’agir… tant que de nouveaux signalements ne seraient pas faits.
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