Passer au contenu

Tekken 8 : pourquoi l’arrivée des microtransactions a déclenché un tollé

Le Tekken Shop a été très mal accueilli par la communauté, malgré les arguments raisonnables invoqués par les créateurs du jeu.

Tekken 8 a récemment franchi la barre des deux millions de copies vendues, un mois à peine après sa sortie sur PC et console. Un score impressionnant, surtout pour un jeu de combat — une niche qui n’a jamais été particulièrement populaire auprès du grand public. Mais tout n’est pas rose pour autant ; depuis quelques jours, Bandai Namco est en train de s’enfoncer dans une polémique nauséabonde qui a éclaté avec la sortie du Tekken Shop, le magasin ingame introduit lors de la dernière mise à jour.

À première vue, l’introduction de cette plateforme qui propose d’acheter de nouvelles options de personnalisation n’a rien de catastrophique. Après tout, quel est le mal à proposer quelques éléments exclusivement cosmétiques, sans le moindre impact sur le gameplay, pour quelques euros ? L’initiative semble même parfaitement justifiable. Tekken 8 est un jeu qui a vocation à s’inscrire dans la durée, et si les joueurs veulent en profiter aussi longtemps que Tekken 7 (qui a tout de même tenu presque neuf ans !), il faut bien trouver des sources de revenus complémentaires pour pouvoir garantir ce genre de service.

C’est d’autant plus vrai dans le contexte économique actuel. La conception d’un jeu aussi ambitieux et la maintenance de l’infrastructure réseau coûtent de plus en plus cher, et c’est un point sur lequel Katsuhiro Harada, le visage de Tekken chez Bandai Namco, a lourdement insisté. Il a expliqué que le coût de développement était quasiment trois fois supérieur à celui du dernier opus ; il s’agit donc carrément d’une question de survie. « Si l’on ne fait rien, le jeu s’arrêtera tout simplement de tourner dans quelques mois », a-t-il martelé sur Twitter.

Le problème vient-il donc de la communauté ? S’agit-il d’une sorte d’hystérie collective de la part d’un public trop gâté qui n’a pas forcément conscience des contraintes qui pèsent sur les développeurs ? Il y a peut-être un fond de vérité là-dedans… mais c’est beaucoup plus compliqué que ça.

Un problème de timing

Car si le simple fait de prononcer le mot « microtransactions » a tendance à faire hurler, et pour de bonnes raisons, ce n’est pas vraiment le Tekken Shop en lui-même qui frustre autant la communauté. C’est plutôt la manière dont il a été introduit. Alors que Bandai Namco a alimenté une hype phénoménale dans les mois qui ont précédé la sortie du jeu, le studio s’est bien gardé de mentionner les microtransactions. Personne ne savait qu’une telle fonctionnalité était au programme, et elle a donc fait l’effet d’une douche froide lorsqu’elle a été annoncée.

De nombreux joueurs ont donc accusé le studio d’avoir sciemment passé cet élément sous silence pour se donner le temps d’engranger un maximum de ventes et de reviews positives avant d’avoir recours à ces pratiques commerciales controversées. Sur les réseaux sociaux, certains sont même allés jusqu’à dire qu’ils n’auraient jamais acheté le jeu s’ils avaient été mis au courant plus tôt. Un argument qui transpire la mauvaise foi, mais qui témoigne tout de même du fait que tout un pan de la playerbase a eu l’impression d’avoir été berné. S’agit-il d’une bête erreur de communication, ou d’une vraie décision stratégique plutôt roublarde ? La question reste ouverte — mais la communauté semble avoir choisi son camp.

Une stratégie « prédatrice »

Si les avis semblent aussi tranchés, c’est également parce que le modèle commercial de ce fameux Tekken Shop est assez discutable. Il ne propose pas d’acheter directement ces costumes ; à la place, il est centré autour d’une monnaie virtuelle, les Tekken Coins, qui sont vendues par pack de 500. Le problème ? Chaque costume coûte… 400 pièces. Les clients se retrouvent donc avec deux possibilités : accepter une hausse artificielle du prix à l’unité, ou acheter encore plus de costumes pour rentabiliser leur investissement. Une stratégie qualifiée de « prédactrice » par de nombreux utilisateurs sur Reddit et Twitter.

Tekken Coins
© Journal du Geek (capture d’écran)

Et ce n’est pas la seule manœuvre qui a fait pousser des cris d’orfraie aux joueurs. En plus de mettre le Tekken Shop en avant de manière assez agressive, Bandai Namco semble également s’être lancé dans une guerre contre la seule alternative : les mods. Plusieurs créateurs ont révélé que les vidéos où ils présentent leurs productions ont fait l’objet de copyright strikes en amont de la sortie du Tekken Shop. Beaucoup l’ont interprété comme une tentative de tuer la scène modding pour canaliser un maximum de joueurs vers leur plateforme payante.

Ces méthodes sont-elles justifiées par le contexte économique invoqué par Harada ? Peut-être… mais là encore, force est de constater que la communauté n’est pas convaincue par cette analyse.

Un problème de priorités

Mais ces détails ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Si le Tekken Shop cristallise autant de critiques, c’est aussi et surtout parce qu’il semble être devenu la priorité numéro un du studio… aux dépens d’autres éléments jugés beaucoup plus importants par les joueurs, à commencer par la triche.

Il faut dire que le mode classé où les joueurs s’affrontent en espérant atteindre les sommets du leaderboard est un environnement excessivement toxique en ce moment. Tekken 8 laisse la porte grande ouverte aux joueurs malhonnêtes, notamment à travers une pratique appelée « plugging ». Si quelqu’un se fait battre à plate couture et qu’il est à deux doigts de perdre ses précieux points de classement, il peut simplement se rabattre sur un véritable siège éjectable en pressant Alt + F4 pour fermer le jeu, privant ainsi son adversaire d’une victoire bien méritée. Ajoutez à cela quelques hurluberlus qui ont recours à des méthodes de triche plus traditionnelles, comme les macros ou le fameux programme Cheat Engine, et la situation devient carrément intenable — spécifiquement dans les rangs les plus élevés.

C’était déjà un gros problème dans Tekken 7. Mais depuis la sortie du nouvel opus, le problème a pris des proportions encore plus importantes. Du point de vue des joueurs, y mettre fin devrait donc être la priorité numéro un de Bandai Namco. Mais le studio semble totalement impuissant face à ces pratiques qui dénaturent complètement l’écosystème compétitif.

Les développeurs ont expliqué lors du dernier Tekken Talk qu’il ne pouvait pas se permettre de bannir directement les tricheurs, car ils s’exposeraient à des attaques en justice. Pour l’instant, le studio s’est contenté de ramener certains multirécidivistes au rang le moins élevé — l’équivalent d’une tape sur les doigts, puisque ces derniers peuvent reprendre leurs méfaits immédiatement.

Il existe pourtant des alternatives potentielles moins litigieuses au niveau juridique, comme le fait d’accorder la victoire à un joueur si son adversaire se déconnecte en cours de partie, ou au moins de réparer le système qui indique le taux de déconnexion pour permettre d’éviter les matchs contre les tricheurs.

Ces mesures seraient faciles à implémenter, et pourraient améliorer considérablement la situation. Il est donc étonnant de constater que Bandai Namco ne semble pas particulièrement pressé de remédier à ces problèmes. Vu de l’extérieur, le studio est davantage focalisé sur son fameux Tekken Shop. Et cela envoie un message excessivement nauséabond à la communauté. Sur Reddit et Twitter, de plus en plus d’internautes ont l’impression d’être traités comme des vaches à lait, malgré les arguments avancés par Harada.

Il sera donc intéressant de voir si le studio va prendre ses responsabilités, car autrement, le débat ne va probablement pas s’essouffler ce sitôt. Il y a même de bonnes chances qu’il reparte de plus belle dans un avenir proche — et plus spécifiquement, à la sortie des premiers DLC, qui font systématiquement resurgir le débat sur le pay to win puisque les développeurs refusent toujours de laisser les joueurs s’entraîner contre les nouveaux personnages à moins de les acheter. La suite au prochain épisode.

🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.

2 commentaires
  1. En même temps excusez moi du terme mais les gens sont abruti.. en quoi ça les dérange d’avoir une boutique de cosmétiques a partir du moment où ça n’impacte en rien les fight et qur ces juste cosmétique je vois pas en quoi ça dérange..

    1. Comme dit, c’est la manière…
      Tu es obligé d’acheter 500 pièces pour en dépenser 400. Donc soit tu “perds” de l’argent, soit ça va pousser certains à remettre de l’argent jusqu’à arriver à un compte rond. Sans ça, oui je vois pas trop le problème, les majeurs font ce qu’ils veulent de leur argent, et les parents ont qu’à surveiller ce que font leurs enfants.

      Quand au modding… ben j’en ai toujours été un grand fan, c’est vrai, mais c’est à la discrétion du studio. C’est bien souvent contraire aux règles qu’on accepte en achetant le produit.

      Quand au problème de triche… ben ça coûte cher à corriger, si vraiment leur situation est aussi mauvaise, il est peut être compréhensible qu’ils essayent d’abord de sauver leur boîte, et donc par ricochet le jeu, avant de pouvoir corriger tout ça. C’est pas le premier jeu qui débarque pas fini… et ce sera vraiment pas le dernier.

Les commentaires sont fermés.

Mode