Depuis le début de l’année, Renault veut faire passer un message fort : non, la voiture autonome n’est pas le domaine réservé de Tesla ou de quelques marques allemandes. Et plutôt que de simplement promettre des voitures autonomes pour dans 10 ou 15 ans, en montrant uniquement de jolis concept-cars qui ne verront jamais le bitume, Renault a mis en place le projet Symbioz. Celui-ci a pour but d’imaginer à quoi pourrait ressembler la voiture du futur, dans 5 ou 10 ans. Pour être vraiment concret, Renault a demandé à ses ingénieurs de concevoir un prototype fonctionnel, le plus proche possible d’une voiture de série, dès maintenant. Il l’a montré la semaine dernière à la presse et c’est à cette occasion que nous avons pu monter dans la démo-car Symbioz, la première voiture autonome de niveau 4 de la marque.
Un prototype à l’allure discrète
Pour parvenir à faire du concept-car de septembre une véritable voiture capable de circuler sur nos routes de 2017, Renault a légèrement revu les dimensions de son concept-car à la baisse. La démo-car Symbioz reste toutefois un grand véhicule, avec ses 4,92 m de long et ses 1,92 m de large. Cette voiture entièrement électrique est propulsée par deux moteurs situés à l’avant et à l’arrière (de 500 et 360 kW), elle est dotée de quatre roues électriques et peut monter de 0 à 100 km/h en moins de 6 secondes.
Quand bien même la demo-car n’est encore qu’un prototype, l’extérieur de la voiture cache très bien son jeu. Les 35 différents capteurs, caméras et LIDAR qui équipent la voiture sont pratiquement invisibles à l’oeil nu. Ils sont tous parfaitement cachés ou intégrés à la carrosserie. C’est tout juste si l’on remarque que les rétroviseurs ont été remplacés par des caméras grand-angles agréées (avec deux écrans situés dans le cockpit de la voiture) ou qu’une caméra se trouve sur le pare-brise. Pour le néophyte, il est très difficile de remarquer que cette voiture est un prototype de voiture autonome.
Une « expérience de conduite autonome » plus qu’un simple véhicule autonome
Voiture électrique associée à un grand gabarit oblige, l’intérieur de la Symbioz est très spacieux. Si elle comporte bien quatre sièges, ce sont surtout le conducteur et le passager avant qui bénéficient le plus de cet espace. Ces derniers peuvent en effet s’étendre en longueur lorsque la voiture est en mode autonome. L’objectif de Renault n’était d’ailleurs pas tant de monter une simple voiture autonome que de démontrer qu’il s’intéressait déjà à la façon d’occuper et de s’occuper des passagers lorsque la voiture roule sans l’assistance du conducteur.
Pour ce faire Renault, s’est associé avec des partenaires. Ces derniers savent en effet mieux que le constructeur comment concevoir un tableau de bord avec de grands écrans (c’est le rôle de LG avec un tableau de bord composé uniquement d’écrans P-OLED), comment intégrer le mieux possible des enceintes de qualité (Devialet s’est occupé de la sonorisation du véhicule) ou encore comment distraire le passager lorsque la voiture est en mode autonome (Ubisoft a mis au point une petite expérience de réalité virtuelle).
Un mot sur le tableau de bord de cette voiture. Il est composé de trois écrans Plastic OLED de LG, de 12,3 pouces de diagonale et de définition Full HD. Ce ne sont d’ailleurs pas de simples écrans Amoled, ce sont des écrans capables de supporter une très forte plage de température (allant de – 30 à 120 degrés Celsius). Ces écrans sont animés par une version modifiée de Linux par les ingénieurs de Renault. Ce n’est pas pour rien que l’on retrouve trois bureaux différents sur lesquels on peut intégrer des widgets ou des applications préinstallées. Il y aurait beaucoup à dire sur ces écrans, tant ils regorgent de bonnes idées et de technologie. On en retiendra une : quand le conducteur est allongé, en mode autonome, il n’a pas besoin de se plier pour contrôler l’écran, mais passe tout simplement par une application installée sur son téléphone. Bien vu.
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Une voiture autonome de niveau 4, mais sur l’autoroute uniquement
Tout cela pour dire que Renault insistait beaucoup sur le fait qu’il n’était pas tant question de tester sa première véritable voiture autonome que « de vivre une expérience de conduite autonome ». Pour ce test, Renault nous a proposé un parcours d’une demi-heure environ, en Normandie, comprenant trois parties. La première, située sur de petites routes de campagne, permettait de tester la voiture en mode manuel. La seconde, située sur l’autoroute A13, permettait de tester la conduite autonome et la dernière, toujours située sur l’A13, permettait de tester la conduite autonome… avec un casque de réalité virtuelle sur la tête.
Passons rapidement sur la voiture en mode manuel. L’objectif pour Renault était de nous montrer que, malgré son moteur électrique et son autonomie de niveau 4, la Symbioz était capable de procurer un certain plaisir de conduire. C’est bien le cas. Cette conduite manuelle dispose de deux modes. Un mode standard, plutôt mou, dans lequel il fallait bien enfoncer la pédale de l’accélérateur pour la faire avancer. « C’est pour ne pas brusquer les passagers avec des à-coups », me signale un ingénieur de Renault. Mais il est possible de passer à tout moment en mode tonique. Lorsque l’on active ce mode, le tableau de bord devient rouge et l’on débride complètement les moteurs électriques. Et effectivement, en plus de me retrouver collé au siège en appuyant sur l’accélérateur au moment de m’insérer sur l’autoroute, j’ai pu constater que cette Symbioz pouvait bel et bien atteindre les 0 à 100 en quelques secondes.
Une fois sur l’autoroute, la conduite autonome s’active simplement en appuyant simultanément sur deux boutons présents sur le volant. À ce moment-là, c’est très simple, il n’y a plus rien à faire, le volant se durcit et la voiture prend automatiquement le contrôle. On lève alors les mains de quelques centimètres – un peu surpris, un peu inquiet – et puis on regarde la machine s’occuper de tout. Ou presque, puisqu’à mon côté se trouvait un pilote de Renault qui possédait une télécommande pour reprendre le contrôle « au cas où ». Durant ma période de test, il n’est pas intervenu une seule fois.
Il faut également noter que la Symbioz n’est réellement autonome que sur les autoroutes. Sur ce type de route, la voiture peut non seulement compter sur le marquage au sol, très facilement repérable par les capteurs de la voiture, mais aussi sur les infrastructures de l’autoroute même. Sur la portion de route-test sur laquelle nous avons roulé, la SANEF avait installé des antennes WiFi 5G qui envoyaient en permanence des informations à la voiture. Cette dernière savait ainsi où se trouvait les aires les plus proches, quelles voies elle pouvait emprunter lors du passage du péage (qui s’est effectué en mode autonome) ou encore l’état du trafic à un moment donné.
Une conduite qui manque un peu de souplesse, mais qui remplit ses objectifs
Les ingénieurs de Renault qui m’accompagnaient dans ce test n’étaient pas très rassurés. Il faut dire que ce test s’est déroulé sous une averse soutenue tout ce qu’il y a de plus normande, avec des torrents d’eau et une visibilité très réduite. Le comportement de la voiture s’est alors adapté : elle a automatiquement réduit sa vitesse à moins de 100 km/h et pris ses distances avec les véhicules avant. Est-ce que tout était parfait pour autant ? Pour être honnête, je m’attendais à une conduite un peu plus souple de la part de la voiture. Lorsqu’un véhicule qui double la Symbioz se rabat juste devant elle (comme cela arrive très souvent sur les autoroutes), la voiture se met à freiner subitement. De même, les changements de file étaient parfois un peu brusques. Autonome certe, cette Symbioz n’avait pas encore la finesse de conduite d’un véritable conducteur de berline. Mais quand on sait que Renault ne sortira pas ses voitures connectées avant quelques années, ses ingénieurs ont encore de la marge pour améliorer ce genre de détail.
Quoi qu’il en soit, même avec ce mauvais temps, j’ai rapidement oublié que la voiture était autonome. Une fois les premières secondes à surveiller que tout se passe bien, on commencer à regarder le grand écran du tableau de bord. Ce dernier est capable d’afficher aussi bien des informations contextuelles (à combien de kilomètres se situe la prochaine aire d’autoroute, quelle est la fréquentation des prochaines aires, ce que cachent les panneaux marrons d’intérêt touristique, etc.) que de diffuser un film ou de la musique. Et à ce propos, les enceintes Devialet se montrent aussi puissantes et précises que ce que l’on peut attendre de la marque française. Dès que l’on pousse un peu la musique, l’intérieur de la Symbioz se transforme en mini-salon acoustique.
Un mot enfin sur l’expérience de réalité virtuelle qu’embarquait la Symbioz. Cette dernière était en effet équipée d’un Oculus Rift (relié à un PC portable MSI), qui faisait tourner une démo en réalité virtuelle conçue par Ubisoft. J’avoue que j’étais un peu sceptique lorsqu’il a fallu l’essayer. Mais Ubisoft et Renault ont bien fait les choses. Le PC est en effet relié à la voiture et récupère les données envoyées par les capteurs. Une fois le casque sur les yeux, on se retrouve dans un cockpit de Symbioz en réalité virtuelle, toujours sur une autoroute. Les voitures qui passent à proximité de la Symbioz sont alors modélisées en 3D. Puis peu à peu, le décor change, pour laisser apparaître des gratte-ciels, une éclipse apparaît dans le ciel puis la voiture se met à décoller. Le plus saisissant là-dedans, c’est que la démo en réalité virtuelle prend en compte les changements de file de la voiture. On sent alors la voiture aller de gauche à droite, sans jamais avoir la sensation de nausée. Alors, certes, ce n’était pas interactif pour un sou, mais le simple fait qu’un développeur puisse utiliser les données de la voiture pour l’intégrer dans un environnement en 3D laisse songeur sur les possibilités ludiques offertes par un tel dispositif.
Est-ce que tout était parfait ? Non, évidemment. À plusieurs reprises, les ingénieurs de chez Renault ont dû reprendre la main sur la conduite autonome lors des phases de tests avec d’autres journalistes. Le mauvais temps n’aidait pas vraiment des capteurs qui ne sont pas dotés d’essuie-glace. Une limite qui n’est d’ailleurs pas tant à imputer à Renault qu’à ses fournisseurs, et qui touche toutes les voitures autonomes d’aujourd’hui. Dans mon cas, au début de mon test, la caméra qui faisait office de rétroviseur central était totalement brouillée par l’eau. Il a fallu que j’attende quelques kilomètres pour qu’elle devienne à nouveau utilisable. Ce qu’il faut retenir de cette expérience, toutefois, c’est que Renault possède déjà une voiture autonome à la fois fonctionnelle et surtout un véhicule qui ressemble déjà à une vraie voiture de série. Renault a désormais pour objectif de commercialiser ses premiers véhicules autonomes pour 2023. Si en 2017, il possède déjà un véhicule avec des bases aussi solides, je suis aujourd’hui persuadé qu’il y arrivera avant.
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