La conquête spatiale c’est l’histoire d’une grande rivalité entre les États-Unis et l’URSS. Alors que le bloc soviétique s’est écroulé en 1991, l’exploration spatiale commençait doucement à s’essouffler. Sans adversaire de taille pour la pousser dans une course à l’espace, la NASA annule durant les années 2000 son projet Constellation, qui devait ramener des Hommes sur la Lune. Mais tel un phénix, c’est quand l’industrie spatiale était au plus mal qu’elle a trouvé la clé de sa résurrection.
Si le secteur privé ne s’était jamais vraiment intéressé aux étoiles, qui était alors la propriété des agences spatiales, les plus grands milliardaires de notre époque ont finalement décidé de dépenser sans compter pour réaliser leur rêve : conquérir l’espace. Le ciel a toujours passionné au fil des siècles, et trois des personnes les plus fortunées de la planète ont décidé qu’elles allaient réaliser ce rêve d’enfant.
Ces trois milliardaires sont aujourd’hui les patrons des trois plus grandes entreprises du New Space à savoir Virgin Galactic, pour l’anglais Richard Branson, Blue Origin, pour Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon et enfin, SpaceX, la firme d’Elon Musk également propriétaire de la marque automobile Tesla. Différentes dans leur vision de l’espace ces trois sociétés ont de nombreux points communs, mais aussi des divergences notables. Virgin Galactic est par exemple la seule des trois entreprises à utiliser un avion-fusée, et non une fusée à étage classique.
Virgin Galactic : le vilain petit canard
L’entreprise a vu le jour en 2004, sous l’impulsion du milliardaire britannique Richard Branson, propriétaire du groupe Virgin, et véritable touche-à-tout. Très vite l’entreprise différencie de la concurrence son approche de l’espace. Elle se spécialise dans le tourisme spatial, et mène de nombreux vols tests dès le début des années 2010. Son objectif : être la première entreprise privée à envoyer des gens dans l’espace. Chose qui sera faite le 11 juillet 2021 avec un premier vol habité. Contrairement à SpaceX ou Blue Origin, Virgin Galactic décide de construire un avion-fusée, et non une fusée classique avec un premier étage et des propulseurs.
Le concept de l’avion-fusée n’a rien de révolutionnaire, mais il reste très atypique dans le paysage du New Space. À ce jour aucun autre projet d’avion-fusée n’a réalisé les mêmes exploits de Virgin Galactic. Seul le X-15, un avion de chasse américain des années 60 reprenait déjà ce design. Il a notamment permis à Neil Armstrong de faire ses premières incursions dans l’espace, bien avant qu’il n’entre dans l’Histoire avec la mission Apollo 11.
Reprenant les traits de l’avion de chasse américain, Virgin Galactic a développé un avion porteur, le WhiteKnightTwo. Ce dernier vient porter l’avion-fusée, le SpaceShipTwo, jusqu’à une altitude de 14 kilomètres, plus haut que les avions de ligne classique. Une fois à cette hauteur, le SpaceShipTwo prend les commandes, il se décroche du fuselage et vient faire un piqué de plusieurs dizaines de kilomètres de haut avant de se laisser tomber en chute libre, offrant une sensation d’impesanteur dans l’habitacle.
Malgré la réussite du vol du 11 juillet 2021, qui fait de Richard Branson le premier entrepreneur à se rendre dans l’espace avec sa propre fusée, de nombreuses polémiques existent sur cet exploit. En effet, l’avion-fusée de Branson n’a jamais dépassé les 100 kilomètres qui sont la frontière internationalement reconnue entre la haute atmosphère et l’espace. De plus la FAA a mené une enquête de plusieurs mois contre l’entreprise de Branson, car le SpaceShipTwo a quitté sa trajectoire lors de sa montée vers l’espace. Enfin, à son retour au sol, l’avion-fusée aurait été très endommagé par le vol, et Virgin Galactic ne serait toujours pas en mesure d’assurer un vol touristique vers l’espace sans risque.
Blue Origin : le Poulidor de l’espace
Autre entreprise à avoir déjà mené un vol habité dans l’espace : Blue Origin. La firme a été fondée dès 2000 par Jeff Bezos lui-même. Grand amoureux de l’espace, le fondateur d’Amazon, qui venait de rentrer dans le cercle très fermé des milliardaires, était déjà rempli d’ambition à l’époque, et comptait bien se rendre un jour dans l’espace. Pour se faire il fallait se donner les moyens d’y arriver, chose qui lui a pris 20 ans.
Lors de la création de l’entreprise au tournant du millénaire, l’objectif était de trouver un moyen d’abaisser les coûts d’accès à l’espace en travaillant notamment sur la récupération et la réutilisation des lanceurs. Une idée qui est aujourd’hui grandement attribuée à SpaceX, puisqu’elle est la première entreprise à avoir réalisé un tel exploit.
En concurrence directe avec l’entreprise d’Elon Musk, Blue Origin continue son développement. L’entreprise dispose déjà de la fusée New Shepard nommée en l’honneur d’Alan Shepard, premier américain à avoir atteint l’espace, quelques mois après le Soviétique Youri Gagarin en 1961. Cette fusée a déjà rejoint par deux fois l’espace au cours d’un vol habité. Le premier, le 20 juillet dernier, a permis à Jeff Bezos de rejoindre l’espace, neuf jours après Richard Branson.
Le monde du New Space est rempli d’entreprises en tout genre, ayant chacune leur spécialité. Mais les mastodontes que sont Blue Origin ou SpaceX sont les rares firmes capables de construire leur fusée de A à Z avec un tel taux de réussite en vol. C’est ainsi que Blue Origin produit, depuis des années déjà, ses propres moteurs, les Be-3.
Il est d’ailleurs prévu qu’ils soient remplacés par les Be-4 dans les prochaines années. La construction des moteurs de fusée reste une des étapes les plus complexes pour ces sociétés. Jusqu’au début des années 2000, c’était un domaine obscur maîtrisé seulement par les agences spatiales et quelques entreprises privées historiques comme Lockheed Martin.
Grâce à son développement poussé et fiable, Blue Origin est venu se frotter à Virgin Galactic sur son domaine : le tourisme spatial. Proposant une offre plus diversifiée que celle de la société britannique, l’entreprise de Jeff Bezos a fait du tourisme spatial un de ses points forts. Avec deux vols à son compteur au moment où nous écrivons ces lignes, elle est aujourd’hui l’entreprise la plus présente sur ce tout nouveau marché. Bien que SpaceX soit encore et toujours, un adversaire de taille, seule firme privée, capable de faire des vols orbitaux habités, pour le moment.
Mais la société de Jeff Bezos ne se limite pas à faire des « sauts de puces » à la limite de l’espace. En effet, l’entreprise vise plus haut, et plus grand. En 2022 elle devrait faire décoller pour la première fois son lanceur super lourd, New Glen, capable de placer 45 tonnes en orbite grâce à la poussée de ses 7 moteurs Be-4. Mais il y a un autre dossier sur lequel l’entreprise travaille depuis des années, et qui enflamme l’actualité spatiale ces derniers mois.
Il s’agit de la question du HLS de la NASA. Sans rentrer dans le détail technique de ce dossier complexe, dont vous pouvez trouver un résumé ici, Blue Origin est en affrontement direct avec SpaceX et la NASA pour faire partie du programme Artemis de l’agence spatiale américaine. Ce projet de taille prévoit ni plus ni moins que de renvoyer des Hommes sur la Lune, et Jeff Bezos ne veut pas manquer ce rendez-vous avec l’histoire.
Avec son concept Blue Moon, Jeff Bezos et sa société ont un temps était dans la course pour décrocher ce contrat à deux milliards de dollars, mais les hautes instances de la NASA ont finalement refusé le projet de Blue Origin, au profit du Starship de SpaceX. Passablement enervé par cette décision de Bill Nelson, Jeff Bezos et sa société se sont depuis embourbés dans une bataille judiciaire. Si les récentes décisions du Sénat ont fini par donner raison à Blue Origin, la firme entretient des relations plus que tendues avec les hautes instances de la NASA.
SpaceX : Le maître incontestable des airs
En 2021, il est impossible de mentionner l’espace sans parler de SpaceX. L’entreprise d’Elon Musk est partout. Si Blue Origin est son plus grand rival, la société de Jeff Bezos reste un adversaire bien en deçà des capacités de SpaceX. La firme texane domine les airs, que cela plaise ou non. Là où Blue Origin et Virgin Galactic peinent à passer la ligne de Karman, SpaceX envoie déjà des astronautes et des touristes en orbite. SpaceX ne boxe tout simplement pas dans la même catégorie que les autres.
Preuve de son statut, au-dessus de la moyenne, SpaceX prévoit de lancer une mission vers la Lune, baptisée DearMoon. Au même titre qu’Inspiration4 elle est entièrement financée par un client extérieur et devrait donner une autre stature à la société. Cette dernière est en effet capable des même missions que les agences nationales que sont la NASA ou l’ÉSA.
Elle est aujourd’hui la seule entreprise privée à faire la navette entre la Terre et l’ISS. Le français Thomas Pesquet est parti rejoindre la station spatiale internationale à bord d’une capsule Crew Dragon de la firme, et il est d’ailleurs prévu que l’astronaute originaire de Rouen revienne également avec la capsule de la société texane au cours de ce mois de novembre.
Avec le développement de son Starship, le plus gros vaisseau spatial de la marque, SpaceX ne se refuse rien, et la société espère pouvoir un jour se rendre sur Mars et y installer une colonie. Au vu des ambitions démesurées du grand patron, Elon Musk, seul le temps semble être une barrière pour SpaceX qui continue encore et toujours sa marche en avant.
En plus de ces missions dans l’espace lointain, SpaceX n’oublie pas de proposer de solutions pour les sept milliards de personnes restées sur Terre. Avec Starlink, une offre d’internet par satellite, la société texane lance des centaines de satellites tous les ans. Cette offre permet à SpaceX de financer le reste de ses missions et de son développement, ce qui pourrait permettre à la société d’Elon Musk d’être la première entreprise spatiale rentable du New Space.
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