Horreur et télévision ne constituent certainement pas l’association la plus populaire. Lui préférant volontiers le soap opera, le drame et la comédie, la TV s’est souvent montré timide à laisser couler le sang et les tripes dans les foyers du monde entier. Pourtant, dès les années 1940/1950, commencent à émerger certains titres tels que La Quatrième Dimension, 13 Demon Street et l’anthologie Alfred Hitchcock Presents, qui propose au téléspectateur des histoires courtes évoluant dans des registres aussi variés que le thriller, le drame, le polar et l’horreur.
Les années 1960/1970 donnent quant à elles naissance à des noms aujourd’hui indissociables du genre avec La Famille Addams, Dark Shadows et Scooby-Doo. Mais l’aspect horrifique est rarement exploré à part entière dans ces créations: l’épouvante doit presque toujours partager l’affiche avec le fantastique, la science fiction ou encore le dessin animé à tendance humoristique.
Les années 1980/1990 proposent par la suite un grand nombre de programmes dont la popularité auprès du public permet une explosion plus ou moins progressive de l’horreur à la télévision. Le téléfilm It (Ça en français, la première adaptation du roman de Stephen King), X files, Buffy contre les vampires,…Toutes ces nouvelles icônes américaines post modernes se multiplient en même temps que les séries prennent de l’importance.
Si l’on constate aujourd’hui encore une certaine timidité des créateurs et diffuseurs à donner à l’horreur une place centrale, certaines œuvres font tout même preuve d’un fort caractère en n’hésitant pas à verser dans le trash et la terreur pure. Ainsi, les deux saisons de L’Exorciste, derrière leurs histoires de déconstruction/reconstruction familiale, font preuve à plusieurs instants d’un savoir faire dans la perversion et l’angoisse franchement convaincant. De même, avant que le feuilleton ne s’enlise dans une indéfendable torpeur, les trois premières années de The Walking Dead savaient marier à la perfection drame humain, attaques de morts vivants façon George A. Roméro et affrontements sanglants hérités des plus grandes heures du post apo.
A l’heure où le psychologisant The Hauting of Hill House de Netflix et Mike Flanagan rencontre un grand succès, nous vous proposons notre sélection de quelques-unes des créations télévisuelles horrifiques les plus mémorables. Attention, âmes sensibles s’abstenir.
Freddy, le cauchemar de vos nuits (1988-1990)
Figure mythique de l’horreur cinématographique aux côtés de Jason, Leatherface et autre Michael Myers, Freddy Krueger aura eu le privilège, durant 44 épisodes, de posséder sa propre série télé. Principalement axé sur des histoires totalement indépendantes de la saga initiée par Wes Craven en 1984 avec Les Griffes de la nuit, le show démarre cependant avec un pilote narrant l’histoire du psychopathe avant qu’il ne devienne le monstre capable de tuer ses proies dans leurs cauchemars. Le spectateur assistait alors à un véritable prologue au premier film de la franchise. Dans cet épisode peu connu, Frederick Krueger, serial killer d’enfants, se retrouvait acquitté pour ses meurtres suite à une mauvaise procédure de la police. Par désir de justice, les parents des défuntes victimes se vengeaient du tueur en l’immolant à l’intérieur d’une chaufferie abandonnée. Hormis cette entrée en la matière satisfaisante, Freddy, le cauchemar de vos nuits ne se sera illustré par la suite que dans des scénarios inégaux, ne partageant avec le personnage de Craven que la thématique des rêves et leur glissement progressif dans l’étrange et le surréalisme.
A voir au moins une fois, pour l’impression, à de nombreuses reprises, d’assister à une écriture sous forme de cadavres exquis.
Les Contes de la Crypte (1989-1996)
Inspirés des récits publiés par EC Comics dans les années 1950, Les Contes de la Crypte sont sans doute la plus grande anthologie d’histoires d’épouvante jamais réalisée. A la manière d’Alfred Hitchcock Presents où le cinéaste prenait la parole à chaque début et fin d’épisode pour en exposer le point de départ puis la morale, le Cryptkeeper, un mort vivant à l’apparence d’un cadavre en état de décomposition, en fait ici de même via un humour noir jouissif. Un personnage fou, construit par le marionnettiste de talent Kevin Yagher, et qui reste encore aujourd’hui comme une véritable mascotte indissociable de la série.
https://youtu.be/pE1gb69J2R0
Outre ce symbole marquant, on retiendra des Contes de la Crypte la participation à son casting d’un nombre important d’acteurs et réalisateurs stars (Arnold Schwarzenegger, Tom Hanks, Robert Zemeckis,…) et son immense liberté de ton. Diffusée à l’origine sur la chaîne câblée HBO, et par conséquent dispensée de la censure habituelle imposée aux grands network généralistes, cette série a matérialisé à l’écran une quantité phénoménale de violence, de nudité, de séquences sexuelles et de passages au langage ordurier. Un privilège qui donna lieu à certains des moments gores les plus grands guignolesques de toute l’Histoire de la télévision. Parmi eux, on se souviendra notamment du climax présent dans Le sacre de la tronçonneuse. Une scène aussi terrifiante que réjouissante qui aura contribué à établir la stature culte des Contes de la Crypte.
L’hôpital et ses fantômes (1994)
A l’intérieur du Rigshospitalet, l’hôpital principal de Copenhague, le spectateur est amené à suivre le quotidien de patients et membres de l’équipe médicale découvrant l’existence d’un monde paranormal. Imaginé par Lars Von Trier (Antichrist, The House that Jack Built), L’hôpital et ses fantômes est une mini série bien à part, à l’image de son créateur. Ton dépressif, humour noir, goût pour l’excès (le bébé au corps démesuré, une idée sidérante !)…tout est là.
https://youtu.be/WQRUAVqZQdc
Alors qu’outre-Atlantique le monde découvrait à la même époque l’univers rationnel et ‘‘rassurant’’ du Dr Douglas Ross (George Clooney) dans Urgences, le metteur en scène de Melancholia semble faire de sa série un double négatif du show américain. Filmé à l’épaule, avec une image sépia dérangeante, chaque épisode paraît évoluer vers l’inconnu. Un inconnu inconfortable, comparable à un exercice de style profondément déstabilisant et cynique. Et donc unique.
Annulé après seulement deux saisons, L’hôpital et ses fantômes gardera avec lui ses nombreux secrets, et proposera de fait une conclusion éminemment frustrante. Une fin ouverte, pleine de fantasmes, à l’aura fascinante, comme Twin Peaks en son temps. Un mal pour un bien ?
Chair de Poule (1995-1998)
Adapté des livres éponymes de l’écrivain Robert Lawrence Stine (le Stephen King des enfants), chaque épisode de Chair de Poule raconte une histoire horrifique d’une vingtaine de minutes où interviennent principalement, dans le rôle des personnages principaux, des enfants et adolescents. Ceux-ci se retrouvent confrontés à des monstres, tels que des vampires, des momies et autres loups garous inquiétants.
Madeleine de Proust de toute une génération de jeunes téléspectateurs des années 1990, Chair de Poule fascine encore deux décennies plus tard. A commencer par son générique de début, où un mystérieux homme en noir vêtu d’un chapeau laisse échapper de sa mallette des feuilles blanches que l’on devine être des pages des romans de R.L Stine. Un instant plus tard, le visage d’une femme sur un panneau publicitaire change d’expression, puis les yeux d’un chien sagement assis sur le perron d’une maison deviennent subitement jaunes. Les effets spéciaux ont bien entendu vieilli, mais le malaise, lui, reste toujours palpable. Il y a là, dans ces premières secondes, un sentiment d’inquiétante étrangeté, une ambiance en dehors du temps nimbée d’une fantasmagorie dérangeante. Une émotion que la série en elle-même ne retrouvera qu’à de rares occasions, si ce n’est lors de ses meilleurs segments. Le Masque Hanté et Le Pantin Maléfique en tête. Deux histoires maîtresses de Chair de Poule, au crescendo parfaitement angoissant.
Masters of Horror (2005-2007)
Constitué de deux saisons de treize segments d’une heure indépendants les uns des autres, Master of Horror aura vu le jour grâce à l’initiative de Mick Garris (La Nuit déchirée, Le Fléau). L’homme, féru de fantastique, eut en effet la merveilleuse idée en 2005 de regrouper certains des plus grands noms du cinéma d’horreur pour les faire figurer, chacun d’entre eux, à la réalisation d’un épisode. Si on regrette l’absence de certains cinéastes mythiques qui devaient potentiellement participer à une troisième saison qui ne verra jamais le jour, on note toutefois la présence derrière la caméra des prestigieux Joe Dante (Gremlins, Vote ou crève), Dario Argento (Suspiria, Jennifer), Don Coscarelli (Phantasm, La survivante) et du défunt et regretté Tobe Hooper (Massacre à la tronçonneuse, La danse des morts).
Comme dans beaucoup d’anthologies, le contenu s’avère imparfait quoique ici d’un niveau général exceptionnel. On se rappellera pour l’essentiel de La fin absolue du monde. Une histoire magistralement mise en scène par John Carpenter (Assaut, Halloween, Ghost of Mars) où un jeune expert en films rares se voit confié comme mission de récupérer la copie d’un long métrage maudit qui aurait provoqué la mort de ses spectateurs lors de sa projection. Oscillant entre le polar noir, le fantastique et le torture porn, ce moyen métrage demeure assurément comme l’un des meilleurs opus de Master of Horror. Une réussite à ranger à côté de l’extrême Maison des sévices du trash Takashi Miike (Audition, Ichi the killer).
Hannibal (2013 – 2015)
Will Graham, professeur en criminologie doué d’une profonde empathie lui permettant de comprendre l’esprit de n’importe quel sujet, est recruté par Jack Crawford pour résoudre une enquête particulièrement complexe. Ne possédant pas de statut d’Agent Spécial, Will doit cependant obtenir l’approbation d’un psychiatre pour travailler directement sur le terrain. C’est le Docteur Hannibal Lecter qui lui est alors assigné. Un homme élégant et passionné par la gastronomie qui s’avère être le meurtrier le plus recherché de Baltimore. Sans le savoir, Graham va alors devoir faire face à un fin manipulateur doublé d’un horrible serial killer. Entre les deux hommes commence ainsi un jeu psychologique fait d’autant de pulsions de mort que d’amitié.
Précédant narrativement Le Silence des Agneaux et le Hannibal de Ridley Scott, pour finalement s’arrêter à la fin de l’arc narratif de Mindhunter/Dragon Rouge, cette série en trois saisons est un joyau de la télévision US. Tour à tour expérimentale, sensitive, ultra violente et esthétiquement léchée, elle scrute comme rarement les tourments pervers de l’âme humaine au travers de l’incroyable relation entre Lecter et Graham. Un face à face épousant à la fois les codes du récit initiatique que du thriller psychologique à tendance horrifique. Impressionnant dans sa maîtrise tant formelle que scénaristique. Et dans son jusqu’au boutisme viscéral.
Scream Queens (2015-2016)
Lors de la rentrée à l’université de Wallace, Grace Gardner, une jeune et nouvelle étudiante, décide de rejoindre la sororité des Kappa Jappa Tau dans le but de se rapprocher de sa mère décédée plusieurs années auparavant. Au cours de son initiation pour intégrer le groupe de femmes supervisé par l’égocentrique Channel Oberlin, un tueur déguisé en diable rouge attaque l’une des candidates. Dès lors, une série de meurtres se met en route au sein du campus.
Hommage hallucinant aux slasher des 80’s (The House on Sorority Row, Slumber Party Massacre,…) autant que réappropriation des codes du genre, Scream Queens s’amuse à mêler avec une virtuosité impressionnante nostalgie en apparence régressive et modernité méta-hystérique. Une formule audacieuse qui rappelle celle, très similaire, d’American Horror Story du même créateur (le génie Ryan Murphy) et surtout du mythique Scream de Wes Craven. En résulte un whodunit plus captivant et hilarant que réellement effrayant, mais en permanence ludique et adapté à son temps. Le tout assaisonné d’une satire sur l’obsession narcissique de la jeunesse occidentale moderne et des rapports humains pervers en situation de crise. Un must see.
https://youtu.be/qWQQ7O6nuG4
Ash vs Evil Dead (2015-2018)
Vivant caché depuis une trentaine d’années suite aux événements des films Evil Dead, Ash Williams se retrouve obligé de repartir une nouvelle fois au combat lorsque que ce dernier invoque malencontreusement les forces du mal du Livre des Morts. A l’aide de Pablo et Kelly, deux jeunes gens encore inexpérimentés dans le domaine de la lutte contre les démons, il va essayer de réparer son erreur.
Un beauf semi alcoolique semi pervers peut-il (re)devenir une icône attachante de l’horreur contemporaine ? A la vision d’Ash vs Evil Dead, la réponse est assurément positive. Inventé par Sam Raimi avec le premier Evil Dead en 1981, le personnage d’Ash, toujours interprété par le génial Bruce Campbell, se retrouve ici dans le rôle d’un héros looser que plus personne ne semble admirer. C’est là l’idée phare de la série. Au milieu des effusions et combats gores tantôt cheap, tantôt orgasmiques qu’elle propose sur un tempo délirant, Ash vs Evil Dead se focalise avant tout sur la trajectoire émotionnelle de son protagoniste. On reconnaît ainsi rapidement la patte de Sam Raimi, réalisateur des premiers films de la licence et de la trilogie Spiderman : mêler l’épique à l’intime dans un cocktail d’humour et de gravité, avec une sincérité et une humilité n’ayant d’égal que le savoir faire prodigieux de son auteur. Brillant et faussement stupide.
Elles sont absentes mais on aurait pu en parler :
- Fais moi peur créée par D.J MacHale et Ned Kantel
- True Blood créée par Alan Ball et Brian Buckner
- American Horror Story créée par Brad Falchuk et Ryan Murphy
- The Strain créée par Guillermo Del Toro et Chuck Hogan
- Penny Dreadful créée par John Logan
- Channel Zero créée par Nick Antosca
- The Terror créée par Soo Hugh et David Kajganich
Et bien d’autres…
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