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Sélection ciné spéciale “Utopiales”: le film de genre à corps perdu

Meurtres au bureau, guerre civile, invasion de manchos : retour sur la compétition du festival de science-fiction nantais.

Comme chaque année, c’était bien, et comme chaque année le festival des Utopiales avait sa compétition cinéma dédiée. Très très inégale, mais avec quelques morceaux de bravoure – l’événement s’attache à ne projeter que des films en tout début de circuit de diffusion ou des pépites rares. On y trouvait à boire et à manger, et voilà de quoi vous donner un peu envie.

Le meilleur : Assassination Nation

À ne pas confondre avec le shonen Assassination Classroom. Ce film, rescapé discret de Sundance, sera exploité en France le 5 décembre. Ca commence comme dans un Sofia Coppola, à Salem (Oregon) où une bande de nanas entretient une vie qui conjugue vide abyssal et réseaux sociaux. Quand soudain ! Un petit malin du coin se met à aspirer toutes les données du maire, et les expose à la face du monde. Scandale public, un drame, #SalemLeaks, puis c’est au tour du proviseur du lycée. Puis d’à peu près tout le monde. Et en quelques étapes, on est déjà en pleine guerre civile.

La formule fait un peu peur. Black Mirror plus The Purge plus, formellement, un petit peu de Gaspar Noé ? Ça marche quand même, car ce film lie propos et forme sans nous lancer quoi que ce soit à la figure. Le délire n’est pas de faire un trip esthétisant ou de faire réfléchir, mais surtout de mettre en place une fiction violente qui prend nos angoisses d’aujourd’hui comme terreau. Un récit d’anticipation, en somme, mais qui serait un pur produit synthétisé des années 2010. Attention, Assassination Classroom n’est pas tendre, il est un peu subversif, il est très violent et oppressant. Mais on y trouve quelques dingueries techniques et l’un des plus beaux coups de batte de mémoire récente.

Un nouveau challenger apparaît : Penguin Highway

https://www.youtube.com/watch?v=X1RuIv9k-8Y

C’est dans une salle Dune pleine à craquer qu’a été projetée, en grosse avant-première, la première production longue du studio Colorido. Penguin Highway, réalisé par Hiroyasu Ishida, est un joli coup d’essai. Adapté d’un bouquin de Tomihiko Morimi (The Tatami Galaxy, The Eccentric Family) il en garde des atours un peu brouillons et foutraques, et on peut surtout lui reprocher un gros, gros ventre mou. Une bonne bedaine. Il est tout de même porté par d’adorables personnages et un message séduisant – ce film raconte l’été foufou d’un gamin précoce.

Petit malin en diable, il a toujours réponse à tout, a toujours le dernier mot, et ne vit que pour devenir adulte (et disserter sur les seins, enjeu ô combien japonais). Il compte les jours, encore 3000 et quelques ! Un flot-surprise de manchots déboule dans son coin-de-Japon-joli-mais-générique, et à partir de là c’est les aventures mon bon Milou. Penguin Highway parle de ce panache de l’enfance, de l’importance d’en profiter et de faire les quatre-cent coups. Il commence bien, retombe sur ses pattes, a son propre trait et c’est tout ce qu’on lui demande. On en reparlera début 2019.

Le prix du public : Freaks

Aucun rapport avec « la monstrueuse parade », ce film de Zach Lipovsky et d’Adam B. Stein a conquis le public de l’événement. On y traverse une large palette d’émotions et de genres – du potentiel film de rapt aux super-pouvoirs, le scénario abat lentement ses cartes. On y parle d’une gamine retenue enfermée par son papa dans une masure hors du temps, où sortir est interdit. Quel est le véritable élément toxique du scénario ? Après avoir fait mumuse avec la question, le métrage s’embarque dans une aventure en famille aux effets spéciaux un peu cheap – c’est un peu abracadabrantesque, mais il y a un petit quelque chose très « La Quatrième Dimension » qui évite l’accident de ton géant.

Du rigolard et du terriblement moyen

La compétition a sélectionné quelques films high-concept, notamment Office Uprising, qui a la gueule d’une obscure production direct-to-Netflix, et qui s’inscrit dans cette longue lignée de films de comédie américaine qui ressemble à Idiocracy. C’est tout simple, ici on a une boîte qui a bu trop de Red-Bull-qui-rend-dingue, et en avant pour le film de zombies en milieu bureaucrate. Tous les ingrédients du film automatique sont là : le héros un peu paumé, son intérêt amoureux, le “vieux” de service, le nerd, etc. Chef de la catégorie « film qui fait le taf », on peut dire que c’est vaguement amusant, et on le retrouvera avec plaisir sur votre plateforme de VOD préférée, une main sur la télécommande et l’autre dans la narine de votre choix.

Lui aussi très simple à pitcher, Lifechanger parle d’une entité pouvant aspirer des corps humains – il les tue, prend leur apparence, puis nettoie les restes. Problème : il pourrit vite et est condamné à répéter l’opération. Film par définition choral (même s’il s’achemine vers quelque chose de plus précis puisqu’il va littéralement tourner autour de la même personne), le procédé est amusant mais ressemble à un moyen-métrage étiré – beaucoup de préparation pour un paiement peu satisfaisant, mais le délire est plaisant à suivre.

https://www.youtube.com/watch?v=nM4guaN5I9w

Caution russe – il y en a toujours une – du festoche, Frontier parle d’un mec un peu pourri qui, en faisant des aller-retours dans la Dead Zone après un accident, va revivre et dénouer un complot que ses aïeuls ont vécu dans les tranchées de la seconde guerre mondiale. Ce n’est pas la première fois qu’on voit un film numérique très léché et très kitschouille dans la salle Dune, et c’est toujours aussi étonnant. Conjuguer travail des couleurs et mièvrerie finale est un art délicat dans lequel Frontier a foncé avec succès. Il ne dépasse pas l’objet de fascination un peu condescendant, donc.

Enfin, The Man With The Magic Box a le mérite d’essayer quelque chose d’un peu radical : jongler entre deux époques pour parler de l’histoire d’amour d’un voyageur temporel… quitte à perdre son spectateur avec une articulation un peu floue.

Et pour Perfect, on vous invite à relire notre critique dans l’article sur l’Étrange Festival.

Le pire : Solis

https://youtu.be/RpG6Gg9sKSY

Spéciale dédicace au speaker des Utopiales, qui nous vend chaque pitch avec un enthousiasme à tout rompre. Quitte à nous dire à chaque fois «bon, au risque de fausser vos votes… ». Quand il est à deux doigts de s’excuser pour ce qu’on s’apprête à voir, et qu’il prévient que ce film spatial s’approche du budget catering de Gravity, les attentes ne sont pas trop hautes. Noté 0% sur le respecté RottenTomatoes, Solis est un film mono-décor, mono-personnage (il y a une voix-off, ok) et donc mono-acteur : un type s’approche du soleil dans son coucou cosmique et ça tourne mal. Une heure trente très mal jouée, où l’on nous prive d’introduction et où l’on décide de ne pas faire de conclusion.

Spéciale dédicace

https://youtu.be/C81U5bC7NKA

À l’horrible court-métrage Irony. Par un jeune réalisateur de 18 ans, où l’on slamme sur les réseaux sociaux et leurs méfaits. 8000% prescriptif, il a remporté le prix du public en catégorie courts, car le monde est bizarrement fait.

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