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Sélection : Les 5 BD qu’il était bon de lire en mars

Ça y est, le froid et la neige hivernaux ont cédé leur place au froid et à la pluie printaniers. Mais réjouissez-vous, le soleil recommence à pointer le bout de son nez, tout comme les bourgeons sur les arbres (ou les allergies chez bon nombre de personnes). Autant de manifestations de la nature que vous ne verrez de toute façon pas, car on vous a tricoté une petite liste de lecture pour occuper vos trajets en transport en commun ou vos rares moments de détente.

 

Lily a des nénés (tome 1)

Pour son premier passage dans le monde de la bande dessinée, Geoff (Geoffroy Barbet-Massin de son vrai nom) se penche sur l’enfance. Celle de Lily, une petite fille de 10 ans qui s’apprête à vivre l’expérience la plus importante de sa vie : la puberté. Véritable garçon manqué, cette jeune Bretonne qui habite dans un petit village de 200 habitants est secrètement amoureuse de Joshua, l’ami de son frère jumeau. Et pour se rapprocher de lui, elle ne va pas hésiter à échafauder un plan bien à elle. À travers un coup de crayon vif, qui n’est pas sans rappeler les story-boards, et des planches particulièrement colorées, Geoff conte une histoire somme toute banale, mais qui devient extraordinaire aux yeux de son héroïne au caractère bien trempé. Un ouvrage touchant, dans une ambiance chaleureuse (oui, oui, on parle bien de la Bretagne) qui ne manquera pas de faire remonter les souvenirs du lecteur sur son propre passage à l’adolescence, moment de vie où le regard des autres commence à changer.

Lily a des nénés, tome 1, par Geoff (scénario et dessin), chez Casterman. Sorti le 6 mars, 14 euros.

P.T.S.D. (one shot)

Quel plaisir de retrouver Guillaume Singelin pour son nouveau projet : P.T.S.D. D’autant que le dessinateur de l’excellent The Grocery (2011) ne se contente pas d’y appliquer son coup de crayon si particulier pour l’illustrer. Il en signe également le scénario. P.T.S.D., comme son nom le laisse deviner, se penche sur l’état de stress post-traumatique qui touche de nombreux vétérans. Jun est l’une d’entre eux. De retour à la vie civile après une guerre dont personne n’a voulu, cette ancienne tireuse d’élite se retrouve à vivre dans la rue, livrée à elle même et sa maladie. Elle finit par perdre foi en l’humanité et trouve refuge dans la drogue, comme beaucoup de ses pairs laissés pour compte. Cependant, une double rencontre va drastiquement changer sa vision des choses et l’aider à, petit à petit, se reconstruire. Guillaume Singelin parvient à livrer une fable aussi touchante que violente,  qui n’épargne en aucun cas le lecteur. Mieux, il le pousse à s’interroger sur la force de caractère dont peuvent faire preuve certaines personnes face à l’adversité, et sur les conséquences dramatiques que peut entraîner le rejet de l’autre. Comme si cela ne suffisait pas, Guillaume Singelin fait une nouvelle fois preuve d’un véritable talent d’artiste en dépeignant une ville asiatique tentaculaire aux influences culturelles nombreuses, qui n’est pas sans rappeler le décor d’œuvres iconiques comme Ghost in the ShellAkira ou encore Black Lagoon. Et que dire de ses dessins précis et bourrés de détails ? Si ce n’est qu’ils donnent à chaque case une vie propre ? Bref, vous l’aurez compris, on est en face de l’un des, si ce n’est le meilleur comics que nous ayons pu lire cette année.

P.T.S.D., par Guillaume Singelin (scénario et dessin), chez Ankama sous le label 619. Sorti le 1 mars, 19,90 euros.

Intelligences artificielles : Miroir de nos vies (one shot)

Imaginez un peu : et si après avoir infligé une défaite à l’humanité sur des jeux de stratégies comme le jeu de Go ou Starcraft 2, les intelligences artificielles s’invitaient sur les plateaux TV pour participer à des concours  d’impro’ poétiques ? Eh bien c’est exactement ce qu’ont fait FibreTigre et Arnold Zephir pour le scénario d’Intelligences artificielles : Miroir de nos vies. À travers le personnage de Yuri, une intelligence artificielle (qui existe vraiment, sachez-le), les deux scénaristes retracent le développement et la conception d’une IA, et surtout se livrent à un véritable travail de vulgarisation, pour démêler la réalité du fantasme. Un ouvrage conçu par des passionnés, bourré d’informations intéressantes sur une technologie qui tient de moins en moins de la science-fiction. Attention cependant, si vos connaissances en mathématiques se limitent à savoir compter les sucres dans le café, certains passages auront vite fait de vous perdre en chemin. Heureusement, le trait simple et sans chichi d’Héloïse Chochois aide à se concentrer sur le récit et le monceau de données à digérer.

Intelligences artificielles : Miroir de nos vies, par FibreTigre, Arnold Zephir (scénario) et Héloïse Chochois (dessin), chez Delcourt. Sorti le 6 mars, 19,99 euros.

Snortgirl (tome 1)

Déjà responsable de la série déjantée Scott Pilgrim, Bryan Lee O’Malley revient à la charge avec un univers tout aussi barré : celui des influenceurs sur les réseaux sociaux. Le lecteur suit Lottie Person, une blogueuse mode qui est LA personnalité à suivre. Sur les Internet, la jeune femme étale une vie parfaite pour satisfaire ses [nombre confidentiel] de followers. Mais la réalité est tout autre. Lottie Person est entourée d’amies qui n’ont que faire de sa petite personne, tandis que son (ex)#boyfriend l’a trompé avec son ancienne stagiaire bénévole. Tout ça sans compter le fait que Lottie Person a peut-être tué quelqu’un par inadvertance. Une fois de plus, Bryan Lee O’Malley pousse une idée dans les extrêmes. Dans Snortgirl, tout tourne autour des réseaux sociaux, de l’influence sur les autres et du regard d’autrui. Le crime “supposé” ne sert finalement que de discret fil rouge à un récit drôle et caricatural (qui tombe parfois dans l’excès de clichés). L’autre bonne idée d’O’Malley, c’est de s’être associé à Leslie Hung pour mettre en scène Snortgirl. L’illustratrice californienne fait ici montre d’un coup de crayon talentueux, et d’un découpage dynamique qui dépeint parfaitement une vie à 100 à l’heure.

Snortgirl, tome 1, par Bryan Lee O’Malley (scénario) et Leslie Hung (dessin), chez Glénat. Sorti le 13 mars, 16,95 euros.

Extremity (one shot)

Plutôt que de dépeindre un énième monde post-apo’ qui fleure bon le sable chaud et la graisse de moteur, Daniel Warren Johnson a préféré se tourner vers un onirisme coloré auquel il a ajouté une poignée de science-fiction rétro et une pincée de Fantasy. En résulte une série de planches superbes (en partie grâce aux bons soins du coloriste Mike Spicer) qui encourage le lecteur à se laisser embarquer dans l’ambiance unique d’Extremity. Quant à l’intrigue, elle propose une relecture de l’épopée vengeresse. Car si le postulat de départ, la soif de vengeance d’une famille endeuillée par un clan bien plus puissant, semble un brin convenu, c’est la métamorphose des personnages qui offre toute sa profondeur à l’histoire. On est spectateur du basculement de Thea, pourtant promise à un destin pacifique, dans le bellicisme, sous la pression de son père aveuglé par le désir de venger sa femme. On assiste impuissant à la lutte vaine de son frère cadet pour que le conflit cesse. Avec Extremity, Daniel Warren Johnson livre une oeuvre prenante de bout en bout, et dont le dynamisme n’éclipse en rien la profondeur.

Extremity, par Daniel Warren Johnson (scénario et dessin), chez Delcourt. Sorti le 6 mars, 27,95 euros.

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