Il faut flinguer Ramirez (Tome 1)
Pour sa première passe d’armes dans le monde de la bande dessinée, Nicolas Petrimaux réalise un carton plein. Avec Il faut flinguer Ramirez, le scénariste biclassé dessinateur nous livre un récit aussi bien inspiré des films d’action des années 70-80 que de la filmographie de Quentin Tarantino (notamment sur l’humour). Car qui est réellement Jacques Ramirez ? Un simple vendeur d’aspirateurs, particulièrement doué pour les réparer, sourd de surcroît ? Ou le meilleur tueur à gages que le monde ait connu ? Un cartel mexicain penche pour la seconde option, et décide de tout mettre en oeuvre pour le flinguer lorsqu’il tombe sur lui par hasard. Fort d’une mise en page moderne et dynamique, bourré d’action tout en étant bien rythmé, le bébé de Nicolas Petrimaux parvient à captiver le lecteur tout au long de son déroulé, n’attendant que les ultimes pages pour amener un début de réponse à la question : “c’est qui ce foutu Ramirez et pourquoi peu de gens survivent à sa rencontre ?”
Il faut flinguer Ramirez, Tome 1, par Nicolas Petrimaux chez Glénat. Sorti le 30 mai, 19,95 euros.
Midi-Minuit (One Shot)
Pourtant populaire, le cinéma-bis italien n’est désormais l’apanage que de quelques cinéphiles avertis. Au travers de l’interview d’un réalisateur mythique fictif du genre par deux passionnés de cinéma, Doug Headline et Massimo Semerano livrent autant un hommage qu’un portrait des giallos, westerns spaghettis, et autres films d’horreur à l’esthétique gothique et bariolée qui ont empli les salles dans les années 60-70. Midi-Minuit revient sur cette révolution artistique italienne à travers de nombreuses anecdotes : culturistes devenus stars de péplum incapables d’apprendre leur texte, ruée vers l’or ou fièvre de l’Ouest tournées en plein cœur de l’Espagne pour des raisons budgétaires. Loin d’être une simple piqûre de rappel pour cinéphiles en herbe ou confirmés, Midi-Minuit déploie une véritable intrigue policière en parallèle puisqu’une série de meurtres va accompagner les deux passionnés de cinéma dans leurs différents entretiens avec le légendaire Marco Corvo. Bizarrement, tous ces assassinats ne touchent que des critiques ayant déversé leur bile sur les œuvres du réalisateur italien. Une intrigue secondaire qui parvient toutefois à tenir le lecteur en haleine jusqu’aux dernières pages.
Midi-Minuit, par Doug Headline (Scénario) et Massimo Semerano (dessin), chez Dupuis sous le label Aire Libre. Sorti le 26 juin, 22 euros.
Rien ne se passe jamais comme prévu (One Shot)
Une prouesse, voilà ce que sont parvenues à réaliser Lucile Gorge et Emma Tissier, avec leur première bande dessinée Rien ne se passe jamais comme prévu. “Prouesse”, car elles se sont attaquées avec humour et tendresse à un sujet encore tabou qui touche malgré tout de plus en plus de femmes : l’infertilité. Le lecteur est ainsi témoin du parcours du combattant que vit un couple touché par des soucis de fertilité, de l’annonce du syndrome d’ovaires polykystiques aux nombreux rendez-vous chez le médecin. Des soins contraignants et douloureux aux multiples FIV. Et surtout des joies et peines que va traverser ce jeune couple. En résulte une histoire touchante et belle, sublimée par un dessin léger, rond et perlé de taches de couleur pour faire ressortir les émotions des personnages. Une oeuvre agréable à lire, malgré une fin laissée aux bons soins du lecteur, qui trouvera à n’en point douter écho chez les femmes touchées par le sujet. Pour tous les autres, il s’agit d’une plongée formidable et émouvante au coeur d’une réalité injustement taboue.
Rien ne se passe jamais comme prévu, par Lucile Gorge (scénario) et Emma Tissier (dessin), chez Dargaud. Sorti le 27 avril, 17,99 euros.
Les Porteurs d’eau (One Shot)
Lorsque l’on évoque le dopage, le premier sport qui vient à l’esprit est le cyclisme. Mais plutôt que de narrer l’usage de produits dopants dans une compétition majeure comme le Tour de France, Fred Duval préfère mettre l’accent sur le trafic dans le milieu du cyclisme amateur. Les Porteurs d’eau se présente ainsi comme un polar, dans lequel deux jeunes amis, cyclistes à leurs heures perdues, se lancent dans une cavale à travers la France après qu’un échange avec des mafieux tourne mal en raison d’une opération de police. Refusant d’abandonner la came, les deux compères vont se rendre compte, au gré de leurs étapes et de leurs rencontres que les évènements les dépassent, et que l’issue de leur fuite risque d’être tout sauf bonne. Une bande dessinée parfaitement fluide à lire, jamais lourde dans son propos, voilà comment on peut qualifier Les Porteurs d’eau. De son côté, le coup de crayon semi-réaliste de Nicolas Sure renforce l’ambiance de film policier, tant dans les personnages que les décors.
Les Porteurs d’eau, par Fred Duval (scénario) et Nicolas Sure (dessin), chez Delcourt sous le label Mirages. Sorti le 30 mai, 17,95 euros.
La soutenable légèreté de l’être (One Shot)
Rendez-vous compte, Lola s’apprête à avoir trente ans ! Une période que vit particulièrement mal la jeune femme, angoissée et surtout hypocondriaque. Persuadée d’être atteinte de tous les maux de la Terre, Lolo va faire un malaise qui la conduira à l’hôpital la veille de son anniversaire. Une injection de morphine plus tard, la voilà propulsée dans le passé à revivre des moments-clés de sa jeunesse, l’occasion rêvée de faire le point sur sa vie, sa famille et son mal-être. Pour sa première virée dans le monde de la BD, Eleanore Costes (que l’on connait surtout pour les vidéos Le Journal de Lolo et Les topos de Lolo) joue la carte de l’auto-biographie. Accompagnée par le dessin arrondi de Mlle Karensac, qui opte pour une colorisation en trois couleurs, Eleanore Costes partage avec le lecteur ses doutes, ses peurs, mais également ses joies, ses souvenirs et ses attentes. Loin d’être un manifeste des pleurs d’une trentenaire angoissée, La soutenable légèreté de l’être montre au lecteur que la vie est avant tout un combat contre soi-même et qu’il suffit parfois d’un petit rien pour le gagner.
La soutenable légèreté de l’être, par Eleanore Costes (scénario) et Mlle Karensac (dessin), chez Delcourt sous le label Une case en moins. Sorti le 30 mai, 16,95 euros.
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Au temps des Reptiles (One Shot)
Vous avez un problème : vous adorez les dinosaures mais le récent Jurassic World : Fallen Kingdom n’est pas parvenu à combler votre amour pour les reptiles préhistoriques de toutes tailles (mais souvent géants). On ne saurait alors que trop vous conseiller de quitter le monde du 7e Art pour celui de la bande dessinée, et de vous précipiter sur Au temps des Reptiles de Ricardo Delgado. Ici pas d’humains, de parcs fantaisistes, de créatures génétiquement modifiées, ni même la moindre ligne de texte ou de dialogue. Tout se passe à l’ère du Cénomanien, il y a 94 millions d’années, à une époque peu loquace. On suit, à travers une narration intégralement visuelle, les pérégrinations d’un spinosaurus mâle dans une jungle située sur l’actuelle Égypte. Protection de l’être aimé, affrontement avec d’autres créatures, alliances surprenantes pour la survie, le lecteur assiste tout au long de la centaine de planches au coup de crayon aussi précis qu’arrondi, au quotidien épique d’un dinosaure tout ce qu’il y a de plus normal. Une aventure qui se conclue sur un final cinématographique, et surtout sur un dossier détaillant aussi bien la volonté de Ricardo Delgado pour Au temps des Reptiles que la documentation sur laquelle il s’est appuyé pour son travail.
Au temps des Reptiles, par Ricardo Delgado, chez Casterman sous le label Paperback. Sorti le 2 mai, 16 euros.
Je suis Deadpool (One Shot)
Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui connaissent l’anti-héros irrévérencieux de Marvel grâce aux deux prestations cinématographiques de Ryan Reynolds. Pourtant, peu sont ceux qui ont découvert Deadpool à travers son média originel, le comics. Profitant de la sortie récente de Deadpool 2 en salle, Panini Comics adapte en français l’anthologie Je suis Deadpool, publiée à l’origine en 2016 (en anglais), année de de sortie du premier film. De son apparition originale en 1991 à son mariage avec Shiklah, la Reine des ténèbres, en passant par son rapport avec le 4e mur, sa relation avec Cable ou les voix dans sa tête, Je suis Deadpool ne se prive pas entre deux numéros de commenter l’évolution de l’anti-héros créé par Rob Liefield. Un must-have pour tous les néophytes qui veulent en apprendre plus sur leur héros favori.
Je suis Deadpool, chez Panini Comics. Sorti le 9 mai, 25 euros.
Tank Girl : Two Girls, One Tank (One Shot)
Un adage fortement répandu laisse à penser qu’en Australie, tout peut et cherche à vous tuer. De la chaleur au moindre insecte, sans oublier les kangourous, les requins, les autruches ou encore la bière (vous avez déjà goûté à cette horreur ?). Un cliché éhonté qui s’avère d’autant plus vrai lorsque Tank Girl est dans les parages. Imaginez maintenant une situation où DEUX Tank Girls sillonnent le bush australien. Inutile de dire que dans ce cas l’espérance de vie en Océanie approche furieusement de “pas très longtemps”. Scénarisé par Alan Martin et croqué par Brett Parson, Two Girls, One Tank (on vous laisse chercher à quelle “somptueuse” vidéo ce titre fait référence) conte les déboires d’une Tank Girl qui découvre non seulement que son précieux véhicule a disparu, mais qu’il est piloté par une autre Tank Girl. Évidemment, la pilule ne passe pas. 104 pages durant, Brett Parson et Alan Martin nous emmènent dans un road-trip vengeur, blindé d’action et drôle à travers l’Australie. Un joyeux bazar dans la pure veine de ce qu’a toujours su nous proposer l’héroïne un poil punk, parfait pour souffler un coup sous la chaleur écrasante de l’été.
Tank Girl : Two Girls, One Tank, par Alan Martin (scénario) et Brett Parson (dessin), chez Ankama sous le label 619. Sorti le 4 mai, 13,90 euros.
I Kill Giants (One Shot)
Aux premiers abords, Barbara Thorson a tout de l’élève perturbée. Fantasque, insolente, intelligente, têtue et isolée, elle a la fâcheuse tendance à énerver le directeur de son école et ses camarades de CM2, et à désespérer les membres de sa famille. Mais surtout, la petite fille est persuadée d’être une chasseuse émérite de géants. I Kill Giants, c’est avant tout la mise en avant des histoires que s’inventent les enfants pour se protéger de la dure réalité. Ici, il n’est pas compliqué de voir les géants comme la projection imaginaire des angoisses d’une petite fille dépassée par la vie. Joe Kelly dispense un récit touchant qui n’oublie pas d’être épique par moment, grâce à une narration et une mise en page dynamiques, qui ne sont jamais lourdes. Croquée par JM Ken Niimura, cette aventure intégralement en noir et blanc jouit d’un sous-texte fort qui ne laissera pas le lecteur indifférent.
I Kill Giants, par Joe Kelly (scénario) et JM Ken Niimura (dessin), chez Hi Comics. Sorti le 23 mai, 19,90 euros.
Mutafukaz : Intégrale (One Shot)
En parallèle de la sortie du film d’animation tiré de l’univers gangsta-SF imaginé par Run dans les salles françaises en mai dernier, Mutafukaz est revenu sous le feu des projecteurs avec une édition “intégrale”. Réunissant les tomes 1 à 5, cet imposant ouvrage de 592 pages bénéficie d’un nouveau découpage narratif afin de coller plus précisément avec la mise en scène du film. Le prolifique Run, créateur de la série et directeur de collection du label 619, s’est même fendu de planches inédites pour l’occasion. Un ouvrage indispensable pour tous les fans du film qui veulent de nouveau mettre un pied dans cet univers sombre, sanglant, allumé, qui emprunte autant à la série Z qu’à la culture latino et la science-fiction. Les amateurs des productions du label 619 ou des comics à l’ambiance poisseuse, violente et drôle y trouveront aussi leur compte.
Mutafukaz : Intégrale, par Run, chez Ankama sous le label 619. Sorti le 4 mai, 34,90 euros.
Bad Ass : Kitty Kitty Kill Kill (One Shot)
Dans l’art, parodier de la parodie est un exercice périlleux pour ne pas dire franchement casse-gueule. On pourrait ainsi voir la saga Bad Ass et son héros Dead End, a.k.a Jack Parks, comme une repompe à la française de Deadpool. Pourtant, en 5 numéros, Herik Hanna et Bruno Bessadi ont su créer et installer un univers unique, non pas en copiant allègrement le mercenaire bavard fan de chimichanga, mais simplement en s’inspirant des codes du genre super-héroique pour s’en moquer. Dans Bad Ass : Kitty Kitty Kill Kill, sixième tome de la série piloté par Herik Hanna qui a fait appel à Julien Motteler pour le dessin et la couleur, on retrouve donc tous les ingrédients qui font la force de la saga : un héros toujours fort en gueule et irrévérencieux au possible, des personnages secondaires bigarrés qui ne sont pas sans rappeler certaines grandes figures de la pop-culture, de l’humour à foison, des affrontements en veux-tu en voilà, et une lecture hyper dynamique. Comme dans un comic de super-héros en fait. La dérision et le cynisme en plus.
Bad Ass : Kitty Kitty Kill Kill, par Herik Hanna (scénario) et Julien Motteler (dessin), chez Delcourt. Sorti le 16 mai, 15,50 euros.
Midnight Tales (Tome 1)
Midnight Tales est le nouveau projet au long cours du label 619, sous l’oeil bienveillant d’Ankama, réalisé à 10 mains (!). Aux manettes, on retrouve Mathieu Bablet, scénariste français déjà responsable de Shangri-La, certains numéros de Doggybags ou encore La Belle Mort. À ses côtés, on note la présence de Guillaume Singelin, Sourya et Gax. Pourquoi autant de dessinateurs ? Simplement car Midnight Tales se place comme un recueil de 4 histoires graphiques courtes et indépendantes avec un dénominateur commun : la sorcellerie. Et plus précisément l’Ordre de Minuit, un groupe de sorcières qui protègent l’humanité des forces occultes et l’accompagnent dans les rituels ésotériques. Autant d’histoires, mises en scène par un artiste différent à chaque fois (Mathieu Bablet se charge intégralement de l’une d’entre elles), pour autant de visites dans les nombreux mythes de la sorcellerie. Au milieu de tout ça se glisse un cinquième récit faisant la part belle aux textes écrits, écrit par Elsa Bordier et émaillé de rares dessins de… Mathieu Bablet. Si les diverses aventures se parcourent avec aisance, le manque de liens prive le lecteur d’un attachement aux personnages. Une sensation exacerbée par les nombreux dossiers qui entrecoupent les histoires, et qui poussent à plus s’intéresser aux mythes de la sorcellerie qu’à l’univers mis en place par Mathieu Bablet.
Midnight Tales, Tome 1, par Mathieu Bablet (scénario, dessin), Guillaume Singelin (dessin), Sourya (dessin), Gax (dessin), Elsa Bordier (scénario), chez Ankama sous le label 619. Sorti le 25 mai, 13,90 euros.
Black Monday Murders (Tome 1)
Ce qui est bien avec les théories du complot, c’est que bien souvent, elles puisent leurs racines dans la vision fantasmée d’un évènement ou les légendes urbaines, avant d’être étayées de faits plus ou moins avérés, afin d’être rendues crédibles aux yeux du plus grand nombre, avec un succès à géométrie variable. Il s’agit donc d’un terreau formidable pour les scénaristes et Jonathan Hickman ne s’est pas privé d’en user pour Black Monday Murders. Dans cette nouvelle saga, le scénariste américain imagine une finance mondiale tenue non pas par des reptiles de l’espace ou des amateurs de l’équerre et du compas, mais par un groupe d’adorateurs de Mammon, le prince démoniaque de la cupidité. Le Jeudi noir de 1929, les chocs prétoliers, la crise des subprimes, c’est eux, toujours dans le but de contrôler l’humanité par l’argent. Malheureusement pour eux, un enquêteur commence à s’intéresser à leurs activités lorsqu’un meurtre odieux à Wall Street touche l’un des membres de leur petit culte. Non content de déployer un scénario complexe et pourtant captivant de bout en bout, Black Monday Murders garde le lecteur dans ses filets grâce au superbe coup de crayon d’un réalisme fou de Tomm Coker. Un premier pas brillant dans une série que l’on espère longue.
Black Monday Murders, Tome 1, par Jonathan Hickman (scénario) et Tomm Coker (dessin), chez Urban Comics. Sorti le 22 juin, 10 euros.
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