A l’occasion de la sortie du très bon Pentagon Papers et à l’approche du très attendu Ready Player One, Le Journal du Geek vous livre donc ses dix films préférés du cinéaste américain. Bien évidemment, ce classement n’a pas tellement pour vocation de “classer” les métrages selon leurs qualités respectives très souvent équivalentes lorsque il s’agit d’un tel réalisateur. Mais plutôt de proposer un panel non-exhaustif des œuvres majeures figurants dans l’incroyable filmographie de Steven Spielberg.
Ainsi, ne soyez pas choqué de ne pas retrouver ici votre film préféré du monsieur. Car, non, vous ne retrouverez pas E.T dans cette liste ni Rencontre du troisième type. Laissez vous donc simplement le choix de découvrir ou redécouvrir quelques uns des plus grands films de Steven Spielberg, et, par la même occasion, quelques uns des meilleurs films du cinéma international.
[nextpage title=”Les prémices d’un génie”]
Duel – 21 mars 1973
Première oeuvre capitale dans la carrière prolifique de Steven Spielberg puisque c’est avec ce téléfilm écrit par Richard Matheson (auteur culte de la littérature fantastique à qui l’on doit Je suis une légende) que le talent du jeune cinéaste de vingt-cinq ans se révèle véritablement. Si contrairement aux croyances populaires Duel n’est pas véritablement le premier film du cinéaste (Firelight datant de 1964 était déjà passé par là), le film reste son premier gros succès (Lauréat du Grand prix au tout premier festival du film fantastique d’Avoriaz en 1973) et la démonstration d’un savoir-faire déjà époustouflant.
Malgré son épure narrative, Duel est avant tout un grand film fantastique plus ou moins implicite. En effet, pour beaucoup de spectateurs, le long-métrage peut uniquement s’apparenter à un étrange thriller au rythme captivant prenant l’aspect d’une course poursuite entre deux hommes. Pourtant, et c’est là l’une des forces de l’oeuvre, le fameux camion tueur dont on ne voit jamais vraiment qui en est le conducteur, parvient à s’élever au rang d’icone mythologique chez Spielberg.
En faisant de ce véhicule un monstre mécanique invincible et omniprésent dont saura se souvenir Cameron pour Terminator et Greg Mclean pour Wolf Creek, le réalisateur du Monde Perdu transcende littéralement son récit. Pour la première fois de sa carrière, l’homme vient de créer sa première figure du mal emblématique, quelques années seulement avant Les dents de la mer et son requin vecteur de terreur universelle.
Les dents de la mer – 1 janvier 1976
Premier chef d’oeuvre pour Spielberg. Le réalisateur réussit ici l’exploit de terroriser les spectateurs de l’époque, comme Scott avec Alien ou Friedkin avec L’exorciste.
Sa scène d’ouverture, l’une des meilleures du genre, embarque immédiatement le public dans un cauchemar où rarement le pouvoir de suggestion domine. Il faut en effet attendre au moins une heure de film avant de pouvoir apercevoir le fameux requin. Un coup de génie démontrant déjà, à cette époque, le talent de Spielberg.
C’est à cause de conditions de tournage difficiles (en décors réels) où les problèmes techniques s’accumulent que le cinéaste prend la décision de filmer sa séquence d’introduction en vue subjective du requin. Une leçon pour n’importe quel réalisateur (débutant ou non) qui démontre tout le pragmatisme et l’adresse nécessaires à la réussite d’un grand film.
Enfin, que serait Les dents de la mer sans son incroyable pouvoir d’évocation mythologique, sa musique entêtante sous haute influence Hermanienne et sa capacité à s’ancrer définitivement dans la culture populaire (on ne compte plus le nombre de parodies et autres clones du film). Le requin n’est plus ici un simple animal, il devient littéralement une figure renvoyant aux peurs les plus primitives de l’être humain. Un succès précoce, mais mérité.
[nextpage title=”Un cinéaste engagé”]
Munich – 25 janvier 2006
Film marquant définitivement la maturité de Spielberg et son passage à l’âge adulte, Munich est l’une des œuvres les plus sombres de son réalisateur. C’est aussi l’un des rôles les plus extraordinaires d’Eric Bana, qui interprète ici un agent du Mossad traquant les onze représentants de Septembre Noir (les personnes désignés comme étant responsable de l’attentat de Munich aux Jeux Olympiques).
https://www.youtube.com/watch?v=NH4cEHWI01U
Oeuvre de toutes les polémiques pour le réalisateur, qui signe pourtant ici l’un de ses films les plus bouleversants, les plus humanistes et importants de sa carrière. Une création ayant l’extrême intelligence de dépasser son sujet pour mieux toucher à l’universel, à savoir la nature humaine et sa tragique propension à répéter sa barbarie.
Rarement aura-t-on vu un dernier plan aussi tétanisant que celui de Munich, qui, en quelques secondes et avec trois fois rien, parvient à transcender ce qui était déjà un très grand film en lançant au spectateur un appel à changer le monde. Prodigieux.
Le Terminal – 15 septembre 2004
Un film mineur chez Spielberg reste (presque) toujours un grand film en soit. La preuve avec Le terminal, métrage réussissant l’exploit de rendre ludique une histoire se déroulant durant plus de 2h dans un aéroport. Cet exploit, le film le doit autant à la performance humaniste de Tom Hanks qu’à l’extraordinaire mise en scène du réalisateur qui semble à ce moment là de sa carrière avoir gagné encore d’avantage en fluidité.
Inspirée d’une histoire vraie, le long-métrage narre l’histoire de l’iranien Mehran Karimi Nasseri. Surnommé « Sir Alfred Mehran », l’homme est un réfugié qui a vécu dans le terminal 1 de l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle du 8 août 1988 jusqu’en août 2006. Soit pendant dix-huit années.
Si le film peut paraître désuet pour certains en raison de son optimisme à toute épreuve, il faut en réalité davantage y voir une oeuvre profondément moderne et nuancée citant aussi bien Frank Capra (pour la manière de traiter la réalité comme un conte) et Charlie Chaplin (pour le burlesque et le traitement du personnage principal). En résulte un film attachant. Une fausse création mineure mais une vraie leçon de cinéma à la manière de Cheval de guerre, Le pont des espions ou encore Pentagon Papers.
[nextpage title=”Blockbusters terminaux”]
Minority Report – 2 octobre 2002
Thriller prodigieux, Minority Report est sans doute le meilleur film d’anticipation contemporain jamais réalisé avec le Blade Runner de Ridley Scott et Les fils de l’homme d’Alfonso Cuaron. Ressemblant à une sorte de La mort aux trousses version SF, le film ne convoque pas seulement les influences de Hitchcock et Philip K.Dick. Il se nourrit également de toute la maturité artistique de Spielberg acquise jusqu’à présent pour mieux interroger la question du libre arbitre et du déterminisme.
En découle une oeuvre fulgurante, portée par l’une des meilleures histoires que Spielberg ait filmé et quelques uns des morceaux de bravoure les plus hallucinants jamais filmés par le cinéaste. Il faut notamment se rappeler de cette course poursuite aérienne (dix minutes totalement affolantes) clôturant le premier acte du film ou encore ce flashback tétanisant où le personnage incarné par Tom Cruise (parfait face à Colin Farrell en faux méchant) s’aperçoit qu’il vient de “perdre” son fils à la piscine publique. Du classique instantané.
La guerre des mondes – 28 juin 2005
Peut être le plus grand film catastrophe sorti à ce jour. En dépit de son dernier acte en huis clos certes exceptionnel, et allègrement repris par 10 Cloverfield Lane, mais annihilant quelque peu le crescendo dramatique jusqu’alors amorcé, La guerre des mondes ne manque guère de toucher au chef d’oeuvre. Un peu à la manière du sublime Il faut sauver le soldat Ryan qui, après son ouverture mémorable (la fameuse séquence du Débarquement), n’arrivait jamais plus à atteindre une telle intensité.
Cette nouvelle version du roman de H.G Wells ne doit pas tant sa réussite à sa vision post 11 septembre 2001 de l’Amérique (une analyse applicable à quasiment tous les blockbusters hollywoodiens à être sorties les années suivants l’attentat) qu’au réalisme impressionnant de sa mise en scène. En revenant un peu en arrière, il faut se souvenir des sensations littéralement stupéfiantes procurées par les images de Spielberg et du chef opérateur Janusz Kaminski. La bande annonce ne dévoilant absolument rien de clairement identifiable des séquences les plus marquantes. La figure de l’envahisseur est d’ailleurs demeurée invisible du marketing.
Les effets spéciaux signés ILM étant particulièrement immersifs, le film se vivait cramponné à son fauteuil à la manière d’un Gravity ou d’un Mad Max : Fury Road.
Enfin, l’oeuvre avait l’extrême intelligence de ne pas seulement parler de son pays, contrairement à ce que certaines critiques un peu étriquées avait pu écrire à l’époque, pour mieux s’étendre, comme son titre l’indique, au monde. Le métrage de Spielberg évoquait dès lors l’Histoire de l’humanité sous ses heures les plus sanglantes et ténébreuses (de la première guerre mondiale au Vietnam en passant par les conflits les plus contemporains) à travers des passages visuellement écrasants de spectaculaire : la première attaque des tripodes, l’attaque du bateau, l’assaut sur la colline,…. Hors du commun.
Jurassic Park – 20 octobre 1993
En dehors de la popularité sensationnelle du film auprès du public, Jurassic Park est une date dans l’Histoire du cinéma et des effets spéciaux. C’est à partir du travail expérimental effectué sur le film que George Lucas donna par la suite naissance à sa prélogie Star Wars et que Le Seigneur des anneaux de Peter Jackson vu le jour. Si d’autres réalisateurs avaient déjà ouverts la voie aux images de synthèses bien avant Spielberg (Cameron sur Abyss ou Terminator 2 pour citer de célèbres exemples), c’est le réalisateur américain avec Jurassic Park qui permit aux autres cinéastes de désormais pouvoir penser plus largement leur vision créative. En effet, les metteurs en scène réalisèrent alors que leurs plus grands fantasmes liés à l’imaginaire, auparavant impossibles à matérialiser à l’écran, étaient maintenant envisageables.
Jurassic Park demeure encore à ce jour le meilleur opus de la saga, loin devant l’impersonnel métrage de Colin Trevorrow (Jurassic World). Beaucoup plus qu’un simple divertissement à la technicité irréprochable (les images de synthèses font toujours autorités aujourd’hui), le blockbuster est aussi une formidable réflexion sur l’industrie du divertissement (Westworld s’en souviendra à merveille) et du cinéma auquel s’ajoute un propos sur la théorie du chaos et le déterminisme. Brillant à plus d’un titre, donc.
[nextpage title=”Chefs-d’oeuvre”]
La liste de Schindler – 2 mars 1994
Film de la consécration pour Spielberg qui reçu (enfin) son premier oscar pour le meilleur film et le meilleur réalisateur. Des recompenses plus que mérités pour le travail accompli sur le crépusculaire et humaniste La liste de Schindler.
Film dense d’une durée avoisinant les trois heures de projection, le long-métrage est l’un de ceux que l’on voit au moins une fois dans sa vie. Si tout à déjà été dit sur le sujet, comment ne pas mentionner cette fulgurance de mise en scène lorsque Spielberg décide, dans un film en noir et blanc, de donner à une fillette juive un manteau de couleur rouge. Superbe idée permettant d’individualiser la communauté à laquelle appartient le personnage tout en faisant preuve d’un sens esthétique remarquable.
La liste de Schindler doit également son succès au talent de conteur de son réalisateur. En effet, le film fait preuve d’une tension permanente (la scène « choquante » des douches) et d’un style incroyable se nourrissant autant de la grammaire cinématographique que de celle du documentaire historique. Liam Neeson fait preuve d’un humanisme sublime face au génial Ralph Fiennes, grimé en terrible Amon Goethe. Une oeuvre difficile mais nécessaire.
Avec ce film, Spielberg n’est plus seulement un magicien du divertissement intelligent. Il est définitivement devenu l’égal des plus grands aux côtés de John Ford, Hitchcock, Kurosawa, et quelques autres génies du septième art.
A.I Intelligence Artificielle – 24 octobre 2001
Film extraordinaire à plus d’un titre, A.I Intelligence Artificielle est sans doute le plus beau poétique réalisé par Steven Spielberg. Relecture moderne de Pinocchio, fable futuriste sur le temps et l’amour, mélodrame déchirant, oeuvre de science fiction totale sur les robots dotés d’une “âme”.
A.I est tout cela à la fois, et tellement plus. Au perfectionnisme froid et majestueux de Stanley Kubrick (dont il s’agissait du projet à l’origine, avant son décès) s’ajoute l’émotion brute, le sens du spectacle pur et le désenchantement noir du père d’E.T. En découle deux visions magistrales, ne venant jamais se contredire mais, au contraire, réussissant à se compléter parfaitement.
https://www.youtube.com/watch?v=_nEGOmPC-UY
Terrassant d’émotion, le film vaut autant pour sa réflexion sur ce qui nous définit en temps qu’être humain que pour ses sidérantes prouesses visuelles. Les images capables de s’inscrire durablement dans la conscience du spectateur trouvent en effet ici un port étendard de choix. On retiendra, entre autres, les nombreux et saisissants designs de robots aux effets spéciaux fantastiques, la séquence sadique de la foire, la montgolfière en forme de pleine lune, ou encore ce climax incompris… Qu’on vous laisse redécouvrir.
Le film définitif sur l’intelligence artificielle, complétant à merveille les réflexions révolutionnaires amorcées par Blade Runner et Ghost in the shell. Scott montrait que les robots n’étaient pas seulement supérieurs physiquement mais également spirituellement aux hommes par le biais du monologue final inventé par Rutger Hauer. Mamoru Oshii offrait quant à lui à penser philosophiquement la notion d’âme transposée à l’intérieur d’un corps mécanique en s’interrogeant sur la possibilité d’une nouvelle forme de vie à venir créé à partir de l’esprit humain et de l’âme d’un être artificiel.
Une analyse pertinente portée sur le sound design et la musique de John Williams :
A.I décrit une quête du bonheur impossible. Celle que nous, êtres humains esseulés, cherchons à atteindre chaque jours de nos existences sans jamais y parvenir. Pour Spielberg, le bonheur n’est ainsi qu’un rêve, tragiquement inaccessible à l’homme. Ce dernier n’ayant d’autre choix que de sombrer in fine dans le néant.
Comment ne pas mentionner également la performance de Hey Joel Osment (Le sixième sens) dans le rôle de David, l’enfant star de l’oeuvre. Le jeune acteur, avec sa plastique unique, donne une dimension émotionnelle supplémentaire à la réalisation. Enfin, A.I Intelligence Artificielle reste un grand film sur l’amour, le vrai. Celui capable de nous faire aimer l’autre plus que nous-même. Sublime et visionnaire.
Indiana Jones et le temple maudit – 16 septembre 1981
Film toujours loin de faire l’unanimité à l’intérieur de sa propre saga (beaucoup lui préfère Les Aventuriers de l’arche perdu), Indiana Jones et le temps maudit est peut être l’oeuvre la plus complexe à aborder de Steven Spielberg. Tout d’abord parce qu’il s’agit ni plus ni moins du film le moins aimé de son auteur.
Dans le quotidien The Sun-Sentinel, le cinéaste déclare en mai 1989 : “Je ne suis pas du tout content du deuxième Indiana Jones. Le film est trop sombre, trop souterrain, et beaucoup trop effrayant. C’est encore pire que Poltergeist. Il n’y a absolument rien de personnel dans le temple maudit.”
Des propos à la fois surprenants compte tenu de la qualité du Temple maudit et attendus . Spielberg ayant toujours eu un rapport ambiguë avec la violence et la morale.
Pour en savoir plus :
Quoique puisse en penser son propre réalisateur, Indiana Jones et le temple maudit demeure toujours à ce jour ce que l’on peut aisément considérer comme le film d’aventure terminal, jamais égalé depuis dans le genre.
Si La désolation de Smaug aurait pu prétendre à ce titre, les problèmes de production du film n’en feront qu’un blockbuster certes hors norme mais jamais à la hauteur de la folie et de la virtuosité du temple maudit. Le long-métrage se présente en effet comme un pur roller coaster où les séquences d’anthologies se succèdent à un rythme hallucinant. On retiendra ainsi une superbe ouverture sous forme de comédie musicale (pas étonnant lorsque l’on sait que Spielberg rêve depuis des années d’en mettre une en scène), un atterrissage mouvementé en bateau gonflable suite à l’abandon d’un avion à la dérive, un repas à la cervelle de babouin aussi amusant qu’inquiétant, et un dernier acte sous forme de film d’horreur épique complètement furieux.
S’ajoute à cela tout un sous texte sur la misère et la soif de pouvoir des hommes. À noter que c’est avec ce film que le PG-13 fut créé aux USA (l’équivalent du moins de douze ans en France) tant la violence du film avait choqué la MPAA, le comité de censure américain. Un classique parmi les classiques.
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