Remake? Pas vraiment. Suite ? Pas vraiment. Hollywood aime combiner nostalgie et renouveau pour tirer parti de ses licences les plus populaires au cinéma. En 2015, lorsque Star Wars : Le Réveil de la Force sort au cinéma, le journaliste Matt Singer fait naître un terme qui encapsule la nouvelle obsession d’Hollywood. Le mot-valise “Legacysequel” rassemble les idées d’héritage et de suite pour traduire de l’approche des studios. Il s’agit pour ces productions de repartir sur de nouvelles bases, comme le ferait un remake, sans pour autant tirer un trait sur le chemin parcouru.
Le réveil de la force marketing
L’exemple le plus parlant est sans conteste la saga Star Wars, qui réunissait pour son septième opus anciens et nouveaux héros dans une nouvelle lutte pour la sauvegarde de la galaxie très lointaine. Han Solo et Leia sont conviés, ils évoluent aux côtés des jeunes pousses que sont Rey et Finn. Le second volet fera même revenir Luke Skywalker, pour jouer les mentors aux côtés de celle qui est désormais le visage de la saga.
Pour Lucasfilm, l’objectif est clair. La firme espère réunir les fans de la première heure dans les salles obscures autant que draguer les spectateurs pour qui l’univers est encore un mystère. Plus besoin d’avoir vu les précédents métrages pour apprécier cette nouvelle incursion dans la saga imaginée par George Lucas une quarantaine d’années auparavant. Il ne faut pas non plus connaître la bible Star Wars sur le bout des doigts pour investir dans les nombreux produits dérivés proposés à la vente, qui représentent une manne financière colossale pour Lucasfilm et dorénavant Disney. Les stocks de figurines se renflouent, les poches des entreprises de l’industrie culturelle aussi.
Créatures fossilisées
Proche collaborateur du papa de Luke Skywalker, Steven Spielberg a aussi vu son imaginaire revenir sur le devant de la scène des années après. Avec Jurassic World, les mythiques créatures et le parc de John Hammond font le pont avec les aventures des professeurs Alan Grant, Ian Malcom et Ellie Sattler. Le trio reviendra pour un troisième opus, ils seront d’ailleurs la seule raison d’être de cet ultime opus.
S.O.S. Fantômes, de son côté, ne cache pas ses intentions en renommant son troisième opus Legacy. Les petits-enfants d’Egon Spengler sont invités à en apprendre plus sur leur aïeul et à reprendre le flambeau. Pour Sony Pictures — comme pour tous les autres studios qui s’adonnent à cet exercice — c’est l’assurance de tabler sur une estampille célèbre et d’engranger des billets verts. Ce ne sont pas les recettes des nombreux exemples du genre qui feront dire le contraire. Star Wars : Le Réveil de la Force siège à la cinquième place des films les plus rentables de l’Histoire du cinéma.
Avec 2 milliards de dollars au box-office mondial est un succès incontesté. Jurassic World connaît une réception similaire, malgré un désamour plus franc de la critique. Le public est au rendez-vous et les fans en redemandent. Universal et Amblin planchent en ce moment même sur un nouvel opus, qui pourrait mettre en scène Scarlett Johansson. Pour S.O.S. Fantômes, c’est plus compliqué. La Menace de Glace, malgré une ouverture à 45 millions, souffre dans sa deuxième semaine d’une baisse de 65% de sa fréquentation aux États-Unis. C’est un record pour la franchise devenue milliardaire des jours plus tôt. La lassitude est-elle enfin en train de s’installer ?
Nostalgie quand tu nous tiens
Né au XVIIe siècle, le terme nostalgie s’inspire du grec nostos qui signifie “retour” et algos qui signifie “douleur”. Il s’agissait alors de définir le mal que les soldats éprouvaient à être loin de leurs terres natales. Au cinéma, la nostalgie s’apparente à un retour au bercail. Rassurantes, les licences de l’enfance nous rappellent à une époque plus douce, permettent de s’évader quelques heures. Difficile lorsque l’on redécouvre Star Wars ou S.O.S. Fantômes de ne pas se remémorer la première fois que les personnages sont apparus sur l’écran noir d’un cinéma ou d’une télévision grésillante.
La montée en puissance des “productions nostalgiques” peut aussi être mise en parallèle d’une époque éprouvante pour les spectateurs. Selon un article publié dans la revue Psychology of Popular Media, relayée par National Geographic, la pandémie a fait naître un important recours aux productions “doudou”. Tandis que la crainte d’une maladie inconnue se faisait plus pressante, les œuvres culturelles célèbres sont devenues des havres de paix dans un avenir incertain. Car c’est aussi le retour à quelque chose de connu, qu’il est possible d’anticiper, que les nostalgiques recherchent. Mais lorsque la sécurité devient de la lassitude, comment réinventer les licences populaires sur le grand écran ?
Pitié, il faut en finir
Si l’année 2023 a livré plusieurs enseignements sur l’industrie culturelle, le plus important d’entre eux reste qu’un succès d’autrefois n’a pas l’assurance d’un retour en grâce. Indiana Jones 5 — malgré l’aura de ses prédécesseurs et la promesse de véritables adieux aux personnages d’Harrison Ford — a été accident de parcours notable dans la stratégie de Disney. Le film n’a pas atteint la rentabilité, alors même que son important budget le prédestinait à siéger à la plus haute marche du box-office mondial. Il semblait d’ailleurs ouvrir la voie à un “Legacyquel”, en introduisant le personnage de Phoebe Waller-Bridge. S.O.S. Fantômes n’est pas non plus sur la voie d’un carton au box-office. Le règne des licences emblématiques est-il arrivé à son terme ?
Il faut dire que le “Legacyquel” est un exercice périlleux, qui nécessite d’accorder assez de place à la nouveauté pour naviguer entre les éléments nostalgiques. C’est précisément ce que ne réussit jamais à faire S.O.S Fantômes : La Menace de Glace. Le film multiplie clins d’œil et référence, sans jamais s’attarder à construire des enjeux dignes de ce nom pour les petits nouveaux. Même son de cloche chez Jurassic World : Le Monde d’Après qui, outre le fait d’avoir mis de côté son postulat de départ après seulement quelques minutes, se contentait de régurgiter des scènes et moments emblématiques du premier film. L’on peut aussi citer les expérimentations du côté de l’horreur, genre prompt à faire appel aux procédés narratifs du “Legacyquel”. Si c’est dans les vieux pots que l’on fait les meilleures confitures, elles ont aussi parfois un goût rance.
🟣 Pour ne manquer aucune news sur le Journal du Geek, abonnez-vous sur Google Actualités. Et si vous nous adorez, on a une newsletter tous les matins.