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Pourquoi le reconditionné n’a pas (encore) gagné le cœur des Français ?

Le marché du reconditionné explose, mais il a encore du mal à s’imposer dans nos habitudes de consommation. La faute à un secteur morcelé qui manque encore d’un encadrement légal strict.

Le marché du reconditionné explose. Par conscience écologique, mais surtout par intérêt financier, les Françaises et les Français sont de plus en plus nombreux à délaisser les produits neufs au profit de l’économie circulaire. Tous les secteurs sont touchés, mais ce sont les smartphones qui tirent leur épingle du jeu face à la crise écologique et inflationniste. L’année 2022 a été particulièrement bénéfique au marché, et les téléphones reconditionnés représentent désormais 20 à 30% du volume total des ventes, pour environ 3,1 millions d’exemplaires écoulés sur l’année 2021, rapportait le cabinet Gfk.

Pour autant, le reconditionné est encore loin de s’être imposé comme une solution durable dans nos habitudes de consommation. Par manque de communication autour du sujet, par méconnaissance du marché autant que par absence de normes officielles, le secteur peine à convaincre le grand public.

Reconditionné vs occasion : quelles différences ?

Les acheteurs ont encore du mal à différencier le marché du reconditionné de celui de l’occasion. Pourtant, cette différence est fondamentale. D’un côté, le produit est vendu “tel quel” en seconde main, de l’autre, il passe par un protocole strict de nettoyage, de remise à zéro et — si besoin — de réparation. Un processus qui lui permet de s’offrir une nouvelle garantie par le biais de son reconditionneur, rappelle Roger-David Lellouche, fondateur de la marque Reborn, mais qui peine toujours à s’imposer : “Si on ne préserve pas notre marché en termes d’image, on aura du mal à le pérenniser”, reconnaît l’homme d’affaires.

Il faut dire que la réticence des consommateurs face au reconditionné s’ancre dans des préjugés tenaces. À la difficulté de différencier l’occasion du reconditionné, s’ajoute aussi le manque d’harmonisation des différents acteurs du marché, surtout lorsqu’ils opèrent hors de France. Ajoutez à cette situation déjà floue les marketplaces comme Back Market, qui centralisent des reconditionneurs du monde entier, et vous obteniez un joyeux capharnaüm.

Recycler c’est bien, réemployer c’est mieux

Pour s’imposer face au marché du neuf, les acteurs du reconditionné ont tout intérêt à faire preuve de pédagogie, en différenciant clairement leur offre face au marché de l’occasion, et en clarifiant une proposition commerciale morcelée.

Cela vaut aussi (surtout) pour l’éducation au réemploi. Depuis déjà plusieurs années, le recyclage fait l’objet d’un discours de sensibilisation constant de la part des autorités, au point d’infuser nos habitudes de consommation. On jette oui, mais on recycle. Les bacs de collecte pour les piles, les batteries usagées et même les sextoys sont accessibles relativement facilement en France. Si les filières dédiées peinent parfois à suivre notre rythme de consommation effréné, elles ont au moins le mérite d’avoir réussi à s’implanter durablement, aussi bien dans les publicités que dans les programmes pour enfants. Le réemploi en revanche, est encore balbutiant. Hormis quelques trends “upcycling” sur TikTok, faire du (presque) neuf avec du vieux n’est pas encore entré dans nos habitudes de consommation.

Ce manque de (re)connaissance auprès du grand public pose un problème de taille. Non seulement le reconditionné peine encore à s’imposer comme une alternative d’achat au neuf, mais en plus, il provoque de sérieuses pénuries. La demande explose chez les particuliers et les professionnels, mais les reconditionneurs peinent à trouver les gisements nécessaires à l’alimentation d’un marché en pleine expansion. Les consommateurs ont encore la mauvaise habitude de conserver leurs vieux smartphones “juste au cas où”. Une précaution contre-productive, rappelle Kewin Charron, directeur du Lab Innovation Back Market : “plus un smartphone est laissé à l’abandon dans un tiroir, plus il perd de la valeur sur le marché de l’occasion”.

En France, nous sommes de plus en plus nombreux à opter pour le reconditionné, mais nous sommes paradoxalement très peu à avoir le réflexe de nous séparer de nos anciens objets technologiques encore en état de marche. Pourtant, ce gisement dormant est absolument nécessaire à la croissance du marché, déplore Roger-David Lellouche de Reborn. Aujourd’hui, 60% du parc reconditionné provient des États-Unis, puis de l’Europe et du Japon. Le gisement progresse en France, mais il est loin d’être suffisant. Les particuliers ont tout intérêt à prendre part à l’initiative : depuis 2017 en France, Back Market a lancé son opération Trade-In, pour encourager le grand public à se séparer de ses anciens téléphones.

Pour autant, cette révolution du reconditionné ne se fera pas sans les entreprises et les administrations, qui représentent des viviers non négligeables de smartphones chaque année. Aussi, il est nécessaire que les circuits de reprise infusent le discours des reconditionneurs jusque chez les revendeurs et les repreneurs.

De la nécessité d’un cadre légal

Pour légitimer et pérenniser le marché du reconditionné en France et en Europe, il est nécessaire d’agir concrètement, en empêchant les dérives et en améliorant la confiance des acheteurs. Une première étape a été franchie l’année dernière, avec la publication du décret n°2022-190 du 17 février 2022 au Journal officiel. Ce dernier défini légalement le statut d’un produit reconditionné, mais soufre encore d’un certain manque de précision dans son encadrement. Si le décret prévoit en effet qu’un appareil reconditionné doit avoir passé tous les tests nécessaires pour garantir sa sécurité et son bon fonctionnement, il ne détaille pas quels types de tests doivent être effectués, ce qui laisse une certaine latitude aux professionnels du reconditionnement, et la porte ouverte aux interprétations arrangeantes.

À défaut de profiter d’un encadrement légal suffisant, le marché du reconditionné évolue. En France, le marché a l’avantage d’être particulièrement mature, ce qui lui permet de faire office de précurseur à l’échelle européenne, et de jouer les créateurs de tendance en matière de législation. “On essaie de travailler en bonne intelligence avec les autorités françaises et européennes”, explique Kewin Charron de Back Market. Dans l’Hexagone, la création d’un label indépendant est actuellement en cours d’élaboration avec les acteurs et les fédérations concernés. Il pourrait être mis en place dès l’année prochaine. “On aspire évidemment à ce qu’il puisse y avoir un cadre légal, et de plus en plus de contrôle de la DGCCRF”, détaille Roger-David Lellouche. “Il est nécessaire de créer un cadre avec les différents reconditionneurs qui vendent en France”.

Reste que les professionnels du reconditionnement ne sont pas les seuls à devoir montrer patte blanche pour assurer les arrières du secteur. Il faut que les constructeurs aussi jouent le jeu. À commencer par Apple, qui se montre encore timide lorsqu’il s’agit de permettre à des tiers de réparer ses produits, ou même d’accéder à ses pièces détachées, alors même que c’est une obligation légale en France depuis 2023, et la ratification de la loi Climat relative à la fourniture de pièces détachées prévues par la loi pour l’économie circulaire.

Enfin sur la question de l’écologie, plusieurs visions s’opposent : ceux qui comme Back Market, estiment qu’un reconditionnement — même à l’autre bout du monde — est préférable à un produit neuf, en se basant sur les résultats d’une étude publiée par l’ADEME en septembre 2022. Et ceux qui, comme plusieurs reconditionneurs français, font le choix d’un reconditionnement local : “C’est un non-sens écologique de faire faire quatre fois le tour du monde à un produit pour qu’il soit ensuite revendu en France”, déplore Roger-David Lellouche.

Reste que l’idée d’une économie circulaire plus respectueuse de l’environnement et du porte-monnaie des consommateurs a fait son chemin. Les reconditionneurs sont de plus en plus nombreux à vouloir s’imposer sur le secteur, et Back Market a pour ambition de morceler son propre marché en pôles régionaux pour assurer un reconditionnement à plus petite échelle. “Écologiquement et économiquement, c’est le plus intéressant pour nous”, confesse Kewin Charron. Reste à voir dans combien de temps cette utopie du reconditionné 100% local sera envisageable.

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3 commentaires
  1. Le reconditionné et aussi souvent assez cher, quasiment le prix du neuf. Alors oui, on est sensé avoir un produit quasi neuf mais ca n’est pas tout à fait le cas et l’écart n’est souvent pas assez important pour qu’on y bascule.
    Il arrive aussi que le reconditionné soit plus cher que le neuf… la faute à une technologie qui évolue vite et qui baisse aussi vite je pense

  2. Du reconditionné par les marques elles mêmes avec un contrôle qualité performant pourquoi pas, mais jamais par d’autres entreprises.
    C’est pour ça que cela que ça ne fonctionne pas, les Français ont peur et se tournent vers le neuf comme dit plus haut parfois quasiment au même prix et jamais utilisé.

  3. J’ai plusieurs fois acheté des ordinateurs reconditionnées, sans problème pour l’instant.
    J’avoue hésiter pour les téléphones, les prix sont pas forcément intéressants, et j’ai toujours peur de l’état de la batterie

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