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Pourquoi Hollywood a honte des comédies musicales ?

Pourtant joyeuses et entraînantes, les comédies musicales souffrent d’une terrible réputation et il y a une multitude de raisons à cela.

Si vous êtes allés voir Joker : Folie à Deux ces dernières semaines, peut-être faites vous partie de ces spectateurs qui ont quitté la salle avant la fin, exaspérés par le caractère musical du film. Ce projet a beau avoir été présenté comme tel dans les premières étapes de son développement, DC semble avoir fait son possible pour effacer ce gros détail dans la dernière ligne droite. Invitée des plateaux lors de la promotion du film, Lady Gaga est même allée jusqu’à nier que le film est une comédie musicale : mais pourquoi donc ?

Mean Girls, Wonka et maintenant Joker… Depuis peu, les studios hollywoodiens cherchent à tout prix à taire que leurs projets sont des musicals. Seul Wicked – adaptation tant attendue d’un des shows les plus réputés de Broadway – semble encore assumer pleinement son identité. Bien qu’étrange, cette stratégie n’est pas sortie de nulle part. Les comédies musicales ont mauvaise réputation, et ça, les français sont bien placés pour le savoir. Contrairement aux pays anglophones où le genre prédomine dans les théâtres des grandes villes et dans les clubs de lycées et d’universités, de nombreuses régions du monde y sont moins exposées et donc moins sensibles.

Les comédies musicales : une niche très spécifique

Il n’y a pas besoin de s’en tenir à la France pour découvrir des avis mécontents lorsqu’une comédie musicale se fraye un chemin dans les salles obscures. Dans le cas du Joker 2, le phénomène semble même concerner le monde entier. Il est d’ailleurs possible de retrouver les mêmes arguments au cœur de chaque critique virulente. Pour beaucoup, les comédies musicales brisent l’immersion et le sérieux, si bien que les numéros à répétition finissent même par devenir risibles. Les aficionados du genre ne manqueront pourtant pas de contre-exemples pour prouver que la musique et les chorégraphies peuvent embellir un film. Mais là n’est pas le problème.

Les comédies musicales parlent à une niche de spectateurs très spécifique, habituée à consommer ce style d’œuvre culturelle sur scène comme au cinéma. Pour les autres, l’exposition au genre se confine généralement aux films Disney et quelques exceptions comme Mamma Mia. Les comédies musicales sont alors perçues comme enfantines et décalées, ne pouvant aborder que des thématiques fantastiques ou superficielles. C’est au théâtre que l’impact d’une comédie musicale, avec son orchestre et ses talentueux acteurs se fait véritablement ressentir. Une séance suffit parfois à changer l’avis du public sur le genre. Mais en l’absence d’une culture des musicals en dehors des grandes villes américaines, britanniques et de quelques villes européennes (Madrid et Hamburg), il est difficile de constater par soi-même l’impact d’un tel spectacle.

Un genre vivant qui n’est pas adapté à l’écran

Au cinéma, les comédies musicales qui font l’unanimité peuvent se compter sur les doigts d’une main. Certaines adaptations de pièces comme West Side Story y parviennent, tandis que d’autres comme Les Misérables échouent… misérablement. Parfois, ce sont des créations originales pour le grand écran, comme The Greatest Showman et La La Land qui parviennent à passionner les spectateurs. Et tous ces succès ont un point commun : le maintien d’un fragile équilibre qu’un numéro de trop suffit à briser. Les studios n’hésitent donc pas à réduire le nombre de chansons pour rendre leurs productions plus digestes. Car là où chorégraphies, acrobaties et talents vocaux captivent sur scène, ces artifices n’ont pas le même impact à l’écran. Au cinéma, ceux-ci peuvent être retravaillés à maintes reprises pour atteindre une perfection artificielle.

Puisqu’il est presque impossible de retranscrire le charme vivant d’une production scénique à l’écran, les films musicaux doivent se reposer sur d’autres atouts pour convaincre celles et ceux qui ne supportent pas les chansons à répétition. Si les films Disney sont aussi populaires malgré une amertume généralisée pour les comédies musicales, c’est aussi grâce à leur animation dernier cri et à leurs histoires touchantes. De son côté, Mamma Mia parvient à toucher un public plus large grâce à la popularité des chansons d’ABBA. The Greatest Showman s’est reposé sur son casting cinq étoiles pour s’attirer les faveurs des spectateurs… Chaque succès du genre tire son épingle du jeu grâce à une petite chose en plus qui arrive à faire la différence.

Pourtant à l’inverse, le cinéma n’a aucun mal à s’inviter à Broadway. Beetlejuice, Legally Blonde (La Revanche d’une Blonde), Mean Girls, Mrs. Doubtfire… Il existe des centaines d’adaptations de films sur scène qui ont marqué les esprits. Si la transition fonctionne mieux dans ce sens-là, c’est aussi parce qu’en se rendant au théâtre, les spectateurs s’attendent à une version retravaillée de l’œuvre originale dont la production en direct relève d’un talent tout particulier. Alors qu’au cinéma, les comédies musicales prennent maintenant par surprise, sans même parvenir à émuler la magie du théâtre. Hollywood tient la recette idéale pour gâcher un genre tout entier, alors qu’il suffirait d’assumer.

Pas vu, pas pris

Les studios n’hésitent plus à avoir recours à la tromperie pour pousser le public à se rendre en salles, mais cette stratégie est à double tranchant. En omettant complètement le caractère musical du film lors de sa promotion, les équipes marketing risquent gros à l’ère des réseaux sociaux. Dans le cas du Joker : Folie à Deux, il n’a fallu que quelques jours, voire quelques heures avant que TikTok, Twitter et Instagram soient remplis de posts négatifs le concernant. Le même cas de figure avait pu être observé avec Mean Girls, où les vidéos de réaction post-séance avaient envahi les différentes plateformes. Pourquoi jouer la carte du mystère lorsque celui-ci ne durera pas plus d’une journée ?

Si cette stratégie commence à être appliquée en masse, c’est qu’elle doit être plus efficace que l’honnêteté, non ? Même si cela a pu être le cas pendant quelque temps, cette approche a un impact catastrophique qui commence déjà à se faire sentir. Cela fait à peu près deux ans que les studios hollywoodiens fonctionnent ainsi, et jamais les comédies musicales n’ont été aussi peu populaires auprès du grand public. Les spectateurs ont peur d’être piégés, et associent maintenant ce genre à une image entièrement négative. Pas même les chansons les mieux composées n’arriveront à toucher un quelqu’un qui s’est fait avoir.

S’il y a bien une chose que la hype autour du film Wicked nous confirme, c’est qu’une comédie musicale qui s’assume comme telle à bien plus de chance de réussir, tout en sensibilisant un nouveau public. Et quand bien même l’auteur de ces lignes rêve d’un monde où tout le monde apprécie les musicals : les goûts de chacun sont légitimes et Hollywood n’a aucun droit de tromper les spectateurs avant d’entrer en salle ! Il est grand temps que les studios se reprennent en main.

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