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Pierre Christin, créateur de Valérian et Laureline : “S’il y a un réalisateur qui est proche de notre univers, c’est bien Luc Besson”

Valérian et la Cité des Mille Planètes sort dans les salles ce 26 juillet. Film français le plus ambitieux de l’histoire, il adapte la saga de Pierre Christin et Jean-Claude Mézières avec un budget de plus de 200 millions de dollars.

Si le film s’est fait étriller par les critiques américaines, les critiques françaises sont plus engageantes. Au Journal du Geek, nous avons par exemple adoré l’univers dépeint par Besson.

Nous avons eu la chance de rencontrer Pierre Christin et Jean-Claude Mézières après avoir vu le film. Le premier est scénariste, le deuxième dessinateur. C’est au cœur des années 1960 que les deux amis d’enfance décident de créer les personnages de Valérian et Laureline, deux agents spatio-temporels de la ville futuriste de Galaxity.

Doux rêveurs, les deux amis se sont “contentés” de créer un univers qui leur plaisait, sans se douter que cinquante ans plus tard, les deux héros seraient l’un des piliers de la SF française.

Mézières à gauche, Christin à droite

Journal du Geek : Quel a été votre sentiment lorsque vous avez vu votre BD prendre vie à l’écran ?

Jean-Claude Mézières : Il nous faut du temps pour digérer tout ça. Parce que nous on a, depuis le tout début, une idée précise de ce qu’on veut faire et d’un coup, on nous montre une réalisation au cinéma ahurissante. Moi, personnellement, j’ai encore un réflexe d’émerveillement, mais pas de spectateur. Je n’ai pas arrêté de regarder comme il (Luc Besson) a bricolé le changement de scénario, l’univers. J’ai encore une attitude encore un peu curieuse par rapport au film.

Cela a-t-il été difficile pour vous de donner votre univers à Luc Besson ?

Pierre Christin : S’il y avait une personne qui était proche de notre univers dans le monde du cinéma, c’était bien Luc Besson ! Il y en a d’autres qui sont proches, mais ils n’ont ni les moyens financiers, ni les moyens cinématographiques pour faire un film pareil ! Pour recréer l’atmosphère de Valérian, c’est colossal ! Il n’y avait que Luc Besson pour faire ce film. Le choc, pour nous, a été de passer d’un tout petit objet intimiste qu’est une bande dessinée à un truc énorme où il y en a plein l’écran.

Les bandes-dessinées Valérian ont débuté dans les années 60 et étaient incroyablement modernes pour l’époque. Où aviez-vous trouvé tout ça ?

Mézières : Dans nos pauvres crânes ! Il n’y avait pas tant de références et ce qui était intéressant dans la science-fiction, c’était la création, l’imagination. Si c’est pour dessiner des boulons, les dessinateurs industriels le font très bien. Par contre, j’adorais inventer des univers car je n’aime pas dessiner la réalité. Et si Luc s’en empare pour le transposer à l’écran en y ajoutant sa propre imagination, c’est formidable !

Qu’est-ce que vous attendiez de voir le plus à l’écran ?

Christin : Quand j’ai su que ce serait Luc Besson qui allait réaliser, je ne me faisais aucun souci sur le côté grandiose et maîtrisé du film. Je m’inquiétais un peu en revanche de la nature des deux interprètes principaux. Valérian et Laureline, ce sont tout de même des petits français, avec le côté baratineur, débrouillard, râleur. Ce sont des héros très différents de ce qu’on a l’habitude de voir dans la plupart des blockbusters. Mais quand je les ai vu, j’ai été rassuré. Leur côté juvénile, blagueur… c’était Valérian et Laureline ! L’esprit de rigolade, de séduction, leur comportement imprévisible -surtout chez Laureline- ça c’est très présent dans le film. Je suis sorti de la séance très heureux !

Quel regard portez-vous sur la science-fiction d’aujourd’hui ?

Mézières : Je ne sais pas. Je ne lis pas beaucoup la science-fiction des autres et je ne vais pas voir de films de SF (rires). Je ne sais pas, j’ai de grosses lacunes à ce niveau là !

[nextpage title=”Hugues Tissandier et Olivier Bériot, chef décorateur et chef costumier de Valérian”]

Hugues Tissandier, chef décorateur de Valérian : “Valérian représente plus de dix ans de travail.”

Hugues Tissandier a travaillé comme chef décorateur sur Valérian afin de donner vie à l’imaginaire de Luc Besson. Collaborateur de longue date du réalisateur et homme sûr d’Europa Corp, Tissandier a été césarisé pour son travail sur Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec en 2010.

Hugues Tissandier

Avec Valérian, Tissandier s’est attelé à un défi de taille et nous avons eu la chance de le rencontrer pour évoquer son travail sur son tout premier film de science-fiction.

Journal du Geek : Quel est le processus de création lorsque vous faites un décor ?

Hugues Tissandier : Tout d’abord je prépare toujours des esquisses que je présente à Luc. On va ensuite développer ensemble des idées, on monte l’univers qui se met petit à petit en place. On se met d’accord puis on crée une matrice qui servira ensuite pour le film. Ensuite, on va travailler sur des exemples de décors puis je les lui montre. A la fin c’est à lui de décider.

Ensuite, on réalise les décors en 3D et on se promène avec une caméra virtuelle pour capter et se dire “voilà ce qu’on a besoin”. Cela nous évite de construire un décor à 100 % dont nous n’avons pas forcément l’utilité.

Quel est le défi de travailler sur un film de SF par rapport à un film contemporain ?

Il y a eu beaucoup de contraintes techniques, des contraintes artistiques, car il faut tout créer. C’est plus simple de faire un film d’époque comme je l’ai fait sur Jeanne d’Arc, car les références existent. Même si on les retravaillent un peu, les choses sont là. Sur Jeanne d’Arc, on est très vite arrivé à une idée du film. Valérian a été plus compliqué et représente plus de dix ans de travail.

A quel point vous êtes vous inspiré de la BD dans votre travail ?

J’avais tous les albums de Mézières et Christin sur mon bureau, en permanence. A chaque décor que je faisais, je piochais dedans, je les feuilletais. En fonction des décors sur lesquels je travaillais, je découvrais des petits détails dans les dessins que je n’avais pas vu le jour précédent. L’esprit de Valérian (le film) vient de là, évidemment. On a vraiment tout pioché dedans mais en temps on essaye d’y amener un traitement différent de ce que les autres ont déjà pris de Valérian.

Les années 2000 ont rimé avec fonds verts pour les blockbusters, puis nous sommes revenus aux décors réels, chose sur laquelle le dernier Star Wars a beaucoup communiqué, par exemple. En quoi avoir un décor réel est-il mieux qu’un fond vert ?

Dans film tout en 3D, les acteurs n’ont pas l’ambiance sur le plateau. Ils n’ont pas les mêmes marques. Le décor se limite à des points au sol. Après, il y a des univers, comme Avatar par exemple, qui sont obligatoirement en 3D, cela ne peu pas être autrement. C’est ce qu’on a dû faire dans certains décors de Valérian, où on a mis des cubes, des éléments qui montrent aux acteurs qu’il y aura quelque chose là. Ce n’est pas la majorité et malgré tout, cela coûte cher. On ne peut pas dire “ça ne coûte rien donc on peut tout faire, il n’y a pas besoin de décor”. Au delà de ça, il y a aussi un problème de lumière. Vous n’avez pas la lumière qui correspond à l’image que vous voulez créer, alors qu’un décor en dur, vous avez au moins un concept. L’acteur va pouvoir bouger avec la lumière.

Olivier Bériot, chef costumier de Valérian : “Nous créons des costumes du XXVIII ème siècle avec des techniques du XXI ème siècle.”

Olivier Bériot est lui le chef costumier du film et travaille avec Luc Besson depuis Arthur et les Minimoys. Avec Valérian, il a dût se confronter à un nouvel univers, celui de la science-fiction, et créer des habits du futur :

Olivier Bériot

Journal du Geek : Concrètement, comment avez-vous procédé pour créer les costumes de Valérian ?

Olivier Bériot : Je travaille à partir des dessins. Au moment où j’arrive sur le film, Luc (Besson) et ses équipes travaillent depuis plus de deux ou trois ans. Il y a déjà des dessins de costumes. Mon boulot est de fabriquer ces dessins, de les transformer en costumes. Ce sont surtout des contraintes techniques et budgétaires. Le but est de respecter le devis et de faire en sorte que les costumes soient aussi proches possibles des dessins. C’est difficile car les illustrations sont souvent très pointues.

Une autre partie de mon travail réside dans la création. Il y a toute une partie des personnages qui ne sont pas dessinés et à ce moment là, mon travail c’est d’amener de la documentation, parler avec Luc de ces personnages et de travailler avec des dessinateurs

Est ce que c’est plus difficile de concevoir des costumes pour un film de space-opera que pour un film contemporain ?

Dans les films contemporains, il y a une base de shopping pour créer des costumes et pour les films d’époque, on réinvente quelque chose, on fait une reconstitution avec les techniques d’aujourd’hui… ce qui est aussi le cas avec le film de science-fiction car nous créons des costumes du XXVIII ème siècle avec des techniques du XXI ème siècle. Mais ce qui est intéressant dans ce genre de films, c’est qu’on fabrique. On peut inventer, fabriquer, trouver des solutions à des problèmes inattendus.

Sur quoi part-on pour fabriquer un costume censé représenter un personnage qui existera dans 800 ans ?

Il y a plusieurs directions. Tout d’abord, nous avons les dessins, ceux de la bande-dessiné ou des designers. Tout cet univers visuel est nourri des codes de la science-fction, car tout ça est faux, bien entendu. La combinaison de Valérian ne marcherait jamais dans l’espace. Pour cet exemple, on regarde les combinaisons de la NASA, on regarde ce qui se fait dans les autres films, pas pour nous inspirer, mais pour nous conforter dans des détails, dans des directions à prendre. Après, il y a bien entendu tout notre bagage science-fiction, puisqu’on est nourri de films, de dessins, de BD… Après pour les matériaux, on s’adapte, on ne va pas travailler avec du coton et du lin, on va plutôt prendre du néoprène, du polyester, des tissus japonais avec un revêtement incroyable…

Lors de la première bande-annonce du film, certains de nos lecteurs ont remarqué une ressemblance entre les combinaisons de Valérian et Laureline avec celles de Mass Effect. La saga a-t-elle été une source d’inspiration particulière ?

Absolument pas ! C’est vraiment le fruit du hasard. J’ai pu observer au fil de mon boulot qu’il y a des choses qui sont dans l’ère du temps et qui surgissent à des mêmes moments. Par exemple, quand j’ai commencé comme jeune styliste dans la mode, on regardait les défilés des autres marques et on voyait des détails qui revenaient souvent. En réalité, on travaille tous dans le même sens, la science fiction va dans la même direction.

Et quel a été le costume le plus difficile à concevoir ?

Le plus grand défi ça a été la combinaison spatiale de Valerian et Laureline. Le défi étant de reproduire le dessin, bien sûr, mais également de faire un costume supportable pour les comédiens qui l’ont quand même porté soixante jours d’affilé. Il y a un autre défi mais je ne peux pas le dire, vous le verrez dans le film !

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