Le 18 février 2021, le rover perçait enfin l’atmosphère de la Planète Rouge, achevant ainsi un périple de plusieurs centaines de millions de kilomètres vers sa dernière demeure. Le début d’une longue aventure qui a démarré de façon pour le moins mouvementée.
La descente dans l’atmosphère martienne était relativement courte, mais c’était aussi une véritable torture pour les ingénieurs. En effet, c’est un moment critique pendant lequel les chercheurs sont complètement impuissants; à cause du délai de plusieurs minutes nécessaire pour transmettre un signal à cette distance, ces spécialistes surentraînés ont été relégués au rang de vulgaires spectateurs au cours de ce qu’ils ont désigné comme “sept minutes de terreur”.
Un délai largement suffisant pour se ronger les ongles jusqu’au sang; mais fort heureusement, la nouvelle coqueluche des astronomes s’est posée sans encombre dans le cratère de Jezero. Un moment d’extase absolue pour la NASA, et le top départ d’une aventure formidable qui nous fascine désormais depuis un an jour pour jour.
À la recherche de vie, mais pas seulement
Au cours de son périple, Perseverance cherche à remplir plusieurs objectifs qui nécessitent tous une enquête approfondie de la part de ce Sherlock Holmes martien. Tout d’abord, il étudie en permanence le climat martien. Cela passe par des prélèvements atmosphériques, mais aussi, et surtout géologiques; en climatologie, les roches peuvent parfois servir de véritables archives climatiques qui permettent de retracer l’histoire d’un corps céleste.
Ces prélèvements seront une bonne occasion de faire d’une pierre deux coups en travaillant à son second objectif : caractériser la géologie martienne, qui est intimement liée à son climat. Ici, l’objectif est de trouver des traces d’anciens processus géologiques qui ont changé le visage de Mars au cours de son histoire : mouvements de grande ampleur, éruptions volcaniques, écoulements de liquide, et ainsi de suite. Chaque échantillon contient une pièce de cet immense puzzle, et il s’agit donc d’un travail de longue haleine. Mais le jeu en vaut la chandelle, car il s’agit également d’une façon de remonter aux origines de la planète.
Toutes ces informations serviront également dans le cadre de l’objectif principal de Perseverance : identifier des biosignatures qui pourraient correspondre à la présence de vie microbienne passée. C’est précisément pour cette raison que la NASA a choisi de déployer le rover dans le Cratère de Jezero, à proximité d’un ancien delta asséché, où les roches ont donc sensiblement plus de chances de contenir des traces de vie passée – à supposer qu’il y en ait eu un jour.
Mais les relevés géologiques et climatiques de l’engin ne servent pas qu’à alimenter des travaux de recherche fondamentale. Ils jouent aussi un rôle très concret dans la préparation des futures expéditions humaines. En l’état actuel des choses, la plupart des institutions estiment que cet objectif sera réalisable dès les années 2030. Un délai qui semble généreux, mais qui ne sera pas de trop pour résoudre les problèmes d’infrastructure et d’approvisionnement en ressources et en énergie. Pour préparer le terrain, Perseverence va donc tester de nombreux concepts qui pourraient un jour nous servir à nous installer sur Mars.
Une première année sur les chapeaux de roue
Depuis son arrivée, il a déjà parcouru plus de trois kilomètres au total. Cette mobilité lui a permis de réaliser plusieurs travaux remarquables sur une période si courte. L’engin a déjà collecté plus de 50 GB de données scientifiques et capturé plus de 100.000 images de la Planète Rouge. Certaines sont même d’une beauté stupéfiante, et sont donc tout aussi appréciées du public que des chercheurs.
L’autre grande satisfaction des chercheurs, c’est que la fameuse foreuse fonctionne parfaitement, à l’exception d’une petite frayeur lors du premier prélèvement. Depuis que celui-ci a finalement été validé en septembre 2021, Perseverance a déjà réussi à en collecter sept au total.
Les tubes en eux-mêmes ne seront pas rapatriés sur Terre avant des années. Mais heureusement, Perseverance dispose d’un certain nombre d’instruments qui ont permis d’extraire quelques données cruciales des photos et de la surface; et celles-ci ont déjà produit des résultats déterminants. C’est ce qui s’est passé en octobre dernier, lorsque le rover a apporté la preuve irréfutable que le cratère de Jezero est bel et bien un ancien lac asséché.
Pour mener à bien ces missions cruciales, ce Sherlock Holmes interplanétaire a pu compter sur un assistant de tout premier plan : un petit hélicoptère baptisé non pas Watson, mais Ingenuity. L’un des premiers exploits scientifiques du rover a d’ailleurs été de déployer son petit frère volant et de confirmer sa capacité à évoluer dans l’atmosphère martienne.
Il a ainsi hérité d’un statut de pionnier; en effet, il s’agit du tout premier aéronef de ce type à décoller sur une autre planète. C’était déjà un petit exploit en soi, et la NASA n’en attendait pas beaucoup plus; à l’origine, l’engin était censé effectuer cinq vols d’essai sur une période de… 30 jours à peine. Un an et dix-neuf vols plus tard, on peut affirmer que ce petit énergumène a surpassé tous les espoirs de ses concepteurs. Il se porte comme un charme et continue de rendre un fier service à son acolyte à roues.
Et maintenant ?
Perseverance se prépare désormais à revenir sur ses pas pour prendre la route de la principale attraction scientifique de la mission : un ancien delta asséché sur la bordure ouest du cratère. Ce sont des endroits qui, sur Terre, fourmillent de vie, et les chercheurs ont donc bon espoir d’y trouver des molécules carbonées typiques de la vie telle qu’on la connaît sur Terre; s’il y en existe effectivement quelque part sur Mars, cet endroit fait donc partie des candidats les plus prometteurs.
Le rover va donc entamer un nouveau périple de plus de 2,5 kilomètres qui devrait l’amener à ce fameux delta en Mai ou Juin prochain. Pour lui faciliter la tâche, il pourra compter sur son acolyte Ingenuity. En effet, malgré tous les efforts de planification de la NASA, Perseverance n’est pas à l’abri d’une mauvaise surprise; si une seule vulgaire ornière passe inaperçue dans le paysage chaotique de Mars, le rover pourrait se retrouver irrémédiablement coincé, signant ainsi l’arrêt de mort de la mission.
Pour éviter ce crève-cœur potentiel, le petit hélicoptère sera un partenaire de choix. Tant qu’il continuera d’impressionner les ingénieurs en repoussant toutes ses limites, il pourra jouer un rôle d’éclaireur et potentiellement sauver la vie du rover. Pas mal pour une preuve de concept qui était censée durer moins d’un mois !
Jusqu’à quand durera la mission ?
Au terme de ce voyage ô combien périlleux, Perseverance commencera une longue série de prélèvements à divers points stratégiques de la zone; une tâche qui devrait l’occuper pendant plusieurs mois. Il arrivera alors au terme de sa mission initiale, qui est censée durer deux ans.
Mais le rover n’aura peut-être pas dit son dernier mot, car son réacteur nucléaire devrait lui permettre de fonctionner encore douze années supplémentaires. Et connaissant l’immense valeur de ces engins, pas question de laisser Perseverance à l’abandon s’il en a encore sous le capot. Tant que le reste de l’équipement tient le choc, il continuera donc d’effectuer des prélèvements dans la zone jusqu’à ce que la NASA estime en avoir assez.
La suite dépendra de la NASA. S’aventurera-t-il vers une toute nouvelle zone ? Restera-t-il sur place jusqu’à son dernier souffle ? Rien n’est encore gravé dans la roche. Et plutôt que de tirer des plans sur la… planète rouge, nous pouvons déjà nous satisfaire de cette superbe première année et croiser les doigts pour que la deuxième soit au moins aussi productive.
En attendant, à défaut de pouvoir aller souffler une bougie en compagnie du rover, la NASA lui organisera tout de même une petite fête d’anniversaire. Ce soir à 22 heures, l’agence consacrera une longue émission au rover sur sa chaîne YouTube (en anglais, vraisemblablement avec sous-titres en direct). Une bonne occasion de se régaler d’images somptueuses, d’apprendre quelques anecdotes supplémentaires sur l’engin auprès d’intervenants prestigieux, et même de les interroger lors d’une session de questions / réponses.
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