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Paranormal : trois mythes, trois époques, une même fascination

La Dame Blanche, Bloody Mary ou le Slenderman sont trois mythes et légendes urbaines très différentes, mais qui témoignent d’une même fascination pour l’étrange et l’inexplicable.

La Dame Blanche

La Dame Blanche est un mythe célèbre dont l’origine est aussi vieille que floue. Dans la plupart des légendes les plus anciennes, dont certaines remonteraient au début de l’époque médiévale, ce terme désigne une femme fantomatique. Elle apparaît généralement dans une habitation dont l’un des résidents est sur le point de mourir. Dans certaines versions plus modernes, elle peut aussi apparaître dans des photos aux côtés des futurs défunts.

Mais en plus de cette version générique, il existe aussi des tas de déclinaisons du mythe. On y retrouve des références dans divers folklores locaux aux quatre coins de l’Europe et de l’Amérique du Nord, mais aussi en Asie. Et il s’agit rarement de légendes très heureuses; il existe systématiquement un lien avec la mort, avec une histoire d’amour tragique en filigrane.

© Ebenezer Sibly – Wikimedia Commons

Dans plusieurs légendes britanniques ou d’Europe de l’Est , la Dame Blanche est souvent associée à l’histoire d’une jeune mariée abandonnée ou maltraitée par son époux. Son équivalent au Japon est souvent décrit comme une femme aux longs cheveux noirs vêtue d’un kimono – l’habit funéraire traditionnel dans l’archipel nippon. En Asie du Sud-Est (Philippines, Thaïlande…), le thème du mariage est moins présent, mais on retrouve systématiquement des références à des morts violentes.

Dans la culture germanique (Suisse, Allemagne…), on retrouve aussi des tas de références souvent très précises à la Dame Blanche. Dans la plupart des cas, ces histoires concernent des lignées nobles dont le château familial serait hanté, là encore par une jeune femme décédée dans des circonstances douloureuses.

Certaines versions plus récentes de la légende mentionnent aussi des auto-stoppeuses fantomatiques. On peut par exemple citer une anecdote survenue à Pavalas-Les-Flots en 1981. Deux jeunes gens auraient pris une femme vêtue de blanc en autostop avant que celle-ci ne se volatilise en plein milieu du trajet, après avoir collé une frousse de tous les diables aux bons samaritains. L’enquête a confirmé que les deux témoins, apparemment un peu traumatisés, étaient pourtant sains d’esprit. Ils n’avaient pas non plus consommé d’alcool ou de drogue qui permettraient d’expliquer une éventuelle hallucination. D’après cet article du Midi Libre, l’affaire reste encore inexplicable à ce jour.

Il est quasiment impossible de déterminer l’origine exacte de ce mythe à cause de sa popularité et du grand nombre de variantes. Certains historiens considèrent qu’il pourrait y avoir un lien avec les reines de France, qui avaient pour habitude de porter des vêtements blancs lors du deuil de leurs époux – une particularité qui leur aurait valu le surnom de “Dames Blanches” qu’on retrouve à plusieurs reprises dans la littérature historique.

Même s’il n’existe aucun vrai consensus, d’autres estiment que le mythe prend racine dans la légende arthurienne; certains spécialistes affirment que le nom de Guenièvre viendrait du gallois Gwenhwyfar, qui signifie “Blanc fantôme”.

Malgré ces origines floues, la Dame Blanche s’est imposée comme un standard de la culture populaire. On retrouve d’innombrables références dans des romans et pièces de théâtre. Elle apparaît aussi dans films comme Dead End et des séries, comme le premier épisode de Supernatural. On la retrouve aussi dans des chansons, dans des jeux vidéo comme Red Dead Redemption 2… ou dans les bars grâce au cocktail qui porte son nom.

Bloody Mary

Bloody Mary, parfois appelée Vierge Sanglante en français, est une apparition célèbre issue du folklore anglo-saxon. C’est un mythe un peu plus récent et mieux défini que celui de la White Lady. Selon la légende, il est possible d’invoquer cet esprit en prononçant son nom de façon répétée devant un miroir, le tout dans le noir complet. Certaines versions du mythe suggèrent que trois fois suffiraient; d’autres indiquent qu’il faut le réciter trois, treize, ou une centaine de fois.

Cela ferait apparaître la fameuse Bloody Mary de l’autre côté du miroir. Elle est généralement décrite comme une femme vêtue de guêtres ensanglantées, et comme on peut s’y attendre, elle ne se présente pas pour prendre le thé; la suite des événements varie significativement d’une version à l’autre, en particulier sur le web. Mais il existe tout de même un point commun aux diverses déclinaisons de la légende : toutes lui prêtent des intentions funestes.

Les versions les plus sobres expliquent que Bloody Mary se contenterait de hurler à la mort, parfois jusqu’à rendre sa victime complètement folle. D’autres suggèrent que le fantôme la tirerait de l’autre côté du miroir, la kidnappant ainsi dans un autre monde où elle resterait enfermée à jamais. Il existe aussi des alternatives plus violentes, comme celle qui suggère que l’apparition pourrait sauter du miroir pour arracher les yeux de l’imprudent.

© SarahRIchertArt – Pixabay

Même si les contours du mythe sont plus clairs que dans le cas de la Dame Blanche, son origine reste tout aussi débattue. Les plus pragmatiques estiment qu’il serait né suite aux témoignages de certaines personnes victimes de petites hallucinations visuelles, à force de contempler un miroir dans une pièce sombre pendant une durée prolongée; on parle d’Effet Troxler.

D’autres estiment que la légende aurait pris forme suite aux agissements de certains personnages bien précis. Certains y voient une manifestation de Mary Tudor, devenue Mary I d’Angleterre – la première reine de cette illustre monarchie. De son vivant et après sa mort, cette dernière était justement surnommée Bloody Mary, à cause de sa cruauté implacable; elle s’est notamment distinguée par sa purge impitoyable et sanglante des Protestants de l’époque.

Plus à l’Est, cette légende est plus volontiers associée à une autre régente dont la réputation est au moins aussi funeste : Elizabeth Bàthory, une comtesse hongroise qui aurait torturé et tué des centaines de femmes afin de se baigner dans leur sang. Certaines autres versions, notamment en Amérique du Nord, impliquent aussi des personnages au rang moins élevé. Plusieurs récits mentionnent des roturières, notamment une femme nommée Mary Worth qui serait revenue hanter les vivants après avoir été condamnée lors des célèbres chasses aux sorcières de Salem.

Au bout du compte, il n’existe aucun consensus sur le point de départ de cette légende. En revanche, elle demeure particulièrement vivace dans l’imaginaire collectif. C’est d’autant plus vrai depuis le milieu des années 2000; au début du millénaire, plusieurs metteurs en scène, réalisateurs et producteurs ont accouché d’un tas d’œuvres centrées sur le mythe de Bloody Mary. On trouve aujourd’hui un autre cocktail célèbre (décidément !), des dizaines de morceaux de musique, pièces de théâtre, séries, films et jeux qui accordent une place plus ou moins importante à cette histoire.

On peut notamment citer les célèbres Charmed, Supernatural ou encore X-Files. Il existe aussi des références à Bloody Mary dans des cartoons humoristiques; elle est par exemple parodiée dans des épisodes de South Park et The Regular Show. C’est aussi une référence récurrente dans de nombreux jeux vidéo, notamment d’épouvante. On peut par exemple citer un easter egg de Phasmaphobia ainsi qu’ une mini-quête secondaire dans Dishonored.

Slenderman

Le troisième membre de notre trio, le Slenderman, est de très loin le plus moderne. Il est décrit comme une grande silhouette humaine élancée, sans visage et avec des bras particulièrement longs. Vêtu d’un costume noir, il traque des humains – en particulier des enfants – pour leur infliger diverses expériences traumatisantes.

Ce qui rend cette légende urbaine intéressante, c’est son origine. Étant donné qu’elle est beaucoup plus moderne que les histoires de Bloody Mary, il est beaucoup plus facile d’identifier sa source. Le Slenderman est né en 2009, dans le cadre d’un concours Photoshop sur le site Something Awful. L’objectif : créer des images paranormales assez convaincantes pour duper des “chasseurs de paranormal” revendiqués, voire même des médias grand public.

L’image originale du Slenderman telle que publiée sur Something Awful. © Eric Knudsen

Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’Erik Knudsen, l’auteur de l’image ci-dessus, a visé juste; sa production s’est répandue comme une traînée de poudre – mais pas aux endroits attendus. A la place, ce sont plutôt les artistes et les amateurs de creepypasta – ces légendes urbaines effrayantes diffusées sur Internet – qui s’en sont emparés. Les autres membres de Something Awful ont continué à faire vivre ce personnage sur le forum, puis sur des tas d’autres plateformes. Aux quatre coins de la toile, une multitude d’internautes ont contribué à donner corps au Slenderman à travers des textes, fanarts ou cosplays.

Cette dimension collaborative a beaucoup contribué à la popularité du personnage; en quelques années, il est passé du statut de simple image à celui de véritable pilier de la culture web, et même de la pop culture en général. Il est ainsi devenu l’un des premiers vrais exemples de folklore numérique à grande échelle. On le retrouve aujourd’hui dans des tas de récits, amateurs ou professionnels, ainsi que dans de nombreux jeux vidéo… et même dans la rubrique faits divers. Car en 2014, ce mystérieux personnage est passé de l’autre côté de la barrière numérique – un peu comme Bloody Mary lorsqu’elle jaillit de son miroir.

Il s’est retrouvé au centre d’une sombre affaire de meurtre cette fois bien réelle. A Waukesha, dans le Wisconsin, deux fillettes de 12 ans ont poignardé à mort l’une de leurs camarades de classe avec une barbarie qui a stupéfié toute l’Amérique. D’après plusieurs médias qui ont couvert l’affaire, au moment d’expliquer leur geste, les deux enfants auraient cité pêle-mêle le Seigneur Voldemort de la série Harry Potter, les Tortues Ninja… et surtout le Slenderman.

Au fil de l’enquête, il est apparu que ce meurtre était une façon de s’attirer les bonnes grâces du mystérieux personnage après avoir lu son histoire sur Internet. Les spécialistes ont déterminé que les accusées souffraient de troubles psychologiques, mais cela n’a pas empêché l’affaire de générer une véritable panique morale mêlée de curiosité morbide dans tout le pays. Une histoire tragique, mais qui a encore consolidé la place du Slenderman dans l’histoire du web.

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Notre avis

Ces trois histoires montrent à quel point ces légendes peuvent marquer l’imaginaire collectif, indépendamment de leur origine, et même lorsque cette dernière est clairement identifiable comme dans le cas du Slenderman. Et même si Bloody Mary ou la Dame Blanche n'inspirent plus autant de crainte qu'auparavant, quand la population était globalement beaucoup plus superstitieuse, elles continuent d'occuper une place importante dans la culture populaire - surtout à l'approche d'Halloween.

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