Pour faire face au lancement de Disney+, Netflix a ravi les fans de dessin-animés en annonçant l’intégration dans son épais catalogue de la totalité des films produits par le légendaire studio d’animation japonais, Ghibli. Les 21 films – qui n’incluent pas la co-production La Tortue Rouge mais comprenent Nausicaä de la Vallée du vent, pourtant sorti avant la création du studio – s’ajoutent au Tombeau des Lucioles, déjà présent depuis décembre dernier dans le menu français de la plate-forme de streaming. Pour rappel, ils seront intégrés par vague de sept, le premier jour des trois mois à venir. Le Journal du Geek revient sur cette filmographie monumentale, pour tous ceux qui voudraient les revoir ou les découvrir dans leur ordre chronologique de sorties initiales.
Au commencement était Nausicaä …
Le studio Ghibli a été fondé en juin 1985 par Hayao Miyazaki et Isao Takahata, deux anciens réalisateurs de films d’animation et de séries animés pour la Toei Animation, ainsi que par le producteur Toshio Suzuki et l’éditeur du magazine Animage. Mais, au sein du catalogue du célèbre studio se trouve un long-métrage qui a été réalisé et diffusé avant sa fondation. Œuvre créée initialement sous la forme d’un manga pour le magazine Animage, Nausicaä de la Vallée du vent d’Hayao Miyazaki est développée sous la forme d’un long-métrage d’animation pour la Toei, alors plus grand studio d’animation du Japon, en 1984.
Second film dirigé par Miyazaki après avoir repris les aventures du personnage d’Arsène Lupin III dans Le Château de Cagliostro, cette fresque post-apocalyptique possède tous les thèmes qui marqueront la carrière du réalisateur japonais et du futur studio : une héroïne féminine comme protagoniste, des avions et autres aéronefs en veux-tu-en-voilà, la dénonciation de la dégradation de la nature par l’égoïsme humain, etc. Lors de sa sortie, Nausicaä détonne surtout par sa narration. Celle-ci est beaucoup plus mâture que la majorité des œuvres d’animation de l’époque davantage tournées vers les enfants.
Son immense succès au box-office japonais donne des ailes à Miyazaki et ses compères et les convainc de prendre leur envol de leur côté. L’analogie du vol n’est pas anodine : pour nommer leur nouveau studio, Miyazaki emprunte le nom d’un avion de chasse italien, utilisé durant la seconde guerre mondiale. Aussi en référence à l’autre nom du sirocco dans la langue arabe, Ghibli prend alors pour but de souffler un vent frais sur le paysage de l’animation japonaise en ne favorisant que des long-métrages (en opposition aux séries et OAVs favorisés par le géant Toei) rêveurs, certes, mais plus mâtures.
- Nausicaä de la Vallée du vent (1984) rejoint le catalogue français de Netflix le 1er mars 2020.
Les années 1980 : d’un château volant à une petite sorcière
https://youtu.be/JXZvnmlkp_I
Le premier film officiel du studio sort en 1986 sous le nom du Château dans le ciel (dans sa version française). Dirigé là encore par Hayao Miyazaki, il marque davantage par sa féerie que par la maturité de son écriture mais réussit à transporter le spectateur. Miyazaki nous mène jusqu’à la cité flottante oubliée de Laputa, toujours à l’aide d’aéronefs plus inventifs les uns que les autres, en un bel hommage à son père ingénieur aéronautique. Ce miroir de l’Atlantide est une illustration de la beauté réparatrice de la nature, en l’absence de l’homme et des dégâts de sa mégalomanie.
Après un premier succès commercial, le studio tente le pari de sortir ses deux prochains films le même jour, le 16 avril 1988. Ce défi lui permet d’offrir deux genres de films radicalement opposés, sans concession. Le premier est Le Tombeau des Lucioles, d’Isao Takahata. Il raconte les péripéties tragiques d’un frère et de sa petite sœur, livrés à eux-mêmes à la fin de la seconde guerre mondiale. L’approche emplie de dureté dissuade les familles à aller le voir en compagnie de leurs enfants et en fait un échec cuisant au box-office. Fort heureusement, le défi que s’était lancé le studio paye. Mon Voision Totoro, centré sur la rencontre de deux sœurs avec une créature fantastique appelée Totoro, attire davantage le public plus jeune et cartonne dans les salles nippones. Dès lors, la frimousse de Totoro devient l’emblème du studio.
Alors que la « japanimation » sur grand écran sort de l’ombre avec les productions Ghibli ou encore l’adaptation filmique du manga Akira, le studio de Miyazaki boucle la décennie avec légèreté. Kiki, la petite sorcière sort en 1989. Grâce à sa protagoniste, jeune fille en pleine émancipation, ce quatrième film – à la manière de Nausicaä avant lui – servira de précurseur aux plus gros succès du studio dans les deux décennies à venir.
- Le Château dans le ciel (1986) – 1er février
- Le Tombeau des Lucioles (1988) – déjà disponible depuis le 1er décembre 2019
- Mon Voisin Totoro (1988) – 1er février
- Kiki la petite sorcière (1989) – 1er février
Les années 1990 : entre aviateur porcin et princesse louve
La première moitié des années 1990 n’est pas la plus marquante pour le studio qu’on surnomme aujourd’hui le Walt Disney Pictures japonais. Et là aussi, ce ne sera pas pour rien. En 1991, le réalisateur du tragique Tombeau des Lucioles propose un film tout aussi adulte mais moins morose. Souvenirs goutte-à-goutte se rapproche davantage d’un drame-romantique. Peuplé de flashbacks, le film s’arrête de nombreuses fois sur la jeunesse d’une protagoniste devenue, en grandissant, une femme mélancolique. L’année suivante, Hayao Miyazaki évoque à son tour une sorte de tristesse nostalgique avec Porco Rosso, son aviateur méditerranéen de génie transformé en homme-cochon après la guerre et son ambiance proche du Casablanca de 1942.
En 1993, le studio Ghibli se lance un nouveau défi avec la réalisation du télé-film, Je peux entendre l’océan. Ce triangle amoureux est le premier projet du studio à ne pas être dirigé par Miyazaki ou Takahata. Ces derniers préfèrent confier la barre aux jeunes animateurs, pour les tester. En 1994, Ghibli propose Pompoko, un film plutôt orienté jeunesse, sur une communauté de chiens viverins (ou « tanuki », au Japon), animaux proches des ratons laveurs, polymorphes. Puis, un an plus tard, les fondateurs du studio pensent avoir mis la main sur leur successeur avec le jeune Yoshifumi Kondo et son film Si tu tends l’oreille. Cependant, Kondo décédera d’une rupture d’anévrisme en 1998.
Avant cela, en juillet 1996, le studio Ghibli signe un contrat avec la Walt Disney Company, lui octroyant les droits de distribution de ses films en dehors du Japon (et plus précisément, via Buena Vista France, chez nous). C’est une première pour le studio dont la plupart des œuvres n’étaient jusque là pas sorties en dehors de son pays d’origine. Pour marquer le coup et faire face à des films d’animation adultes comme Ghost In The Shell (1995) ou Perfect Blue (1998), Hayao Miyazaki dévoile l’année suivante l’un de ses projets les plus ambitieux : Princesse Mononoké. Cette fable écologique, plongée dans un Japon médiéval fantastique, brise tous les records du cinéma japonais. A l’époque, il est le plus gros succès commercial annuel du pays et ses recettes sont les meilleures pour un film japonais.
A la mort de Yoshifumi Kondo en 1998, le studio est en deuil. Miyazaki annonce, pour la première fois, prendre sa retraite. Un an plus tard, Isao Takahata réalise Mes voisins, les Yamadas, un film à sketchs détonnant avec les styles graphique et narratif désormais établis du studio. Pour ressortir du brouillard dans la décennie suivante, Miyazaki annonce néanmoins revenir à la rescousse avec ce que beaucoup considèrent aujourd’hui comme son œuvre la plus emblématique.
- Souvenirs goutte à goutte (1991) – 1er février
- Porco Rosso (1992) – 1er février
- Je peux entendre l’océan (1993) – 1er février
- Pompoko (1994) – 1er avril
- Si tu tends l’oreille (1995) – 1er avril
- Princesse Mononoké (1997) – 1er mars
- Mes voisins les Yamada (1999) – 1er mars
Les années 2000 : Chihiro, Ponyo & Cie
Si le studio Ghibli est le Disney japonais et Miyazaki, son Walt Disney, alors ce film est sans doute son équivalent du Roi Lion. En 2001, Le Voyage de Chihiro sort dans les salles obscures au Japon et conquit tout le monde. Le voyage initiatique d’une petite fille prisonnière dans une dimension magique brise même le record établi quatre ans auparavant par Princesse Mononoké. Encore aujourd’hui, il reste le plus gros succès de l’histoire du box-office japonais.
Ghibli est alors au sommet du monde de l’animation. Les années suivantes voient les sorties successives du Royaume des chats, un spin-off de Si tu tends l’oreille dirigé par un outsider, Hiroyuki Morita, puis du Château ambulant d’Hayao Miyazaki, traitant de la guerre et des effets négatifs du pouvoir sur la vie des hommes. En 2006, le fils de ce dernier, Goro Miyazaki, dirige son premier film d’animation, Les Contes de Terremer. Adaptation des romans d’Ursula Le Guin, relatant un monde imaginaire où la magie se base sur la connaissance des mots, ce film est, peut-être, le premier à s’inspirer ouvertement de précédentes œuvres du studio – en particulier, Nausicaä et Mononoké.
En 2008, Miyazaki père revient avec son dixième film, le huitième pour le compte de Ghibli. Ponyo sur la falaise boucle cette décennie avec un récit plus proche du conte, qui emprunte à La Petite Sirène.
- Le Voyage de Chihiro (2001) – 1er mars
- Le Royaume des chats (2002) – 1er mars
- Le Château ambulant (2004) – 1er avril
- Les Contes de Terremer (2006) – 1er février
- Ponyo sur la falaise (2008) – 1er avril
Les années 2010 : « Le vent se lève, il faut tenter de vivre »
https://youtu.be/LVB5RUHYkzk
Vingt-cinq ans après sa création, le studio Ghibli se détache petit à petit de ses fondateurs. En 2010, le jeune animateur, Hiromasa Yonebayashi, réalise son premier film sous l’égide du studio avec Arrietty, le petit monde des chapardeurs, inspiré des livres pour enfants écrits par Mary Norton, Les Chapardeurs. En 2011, Goro Miyazaki signe La Colline aux coquelicots, où un frère et une sœur, séparés pendant de nombreuses années, se rencontrent pour la première fois.
En 2013, les deux fondateurs, Hayao Miyazaki et Isao Takahata (décédé en 2018) réalisent respectivement leurs deux derniers films à ce jour. Le premier s’inspire une nouvelle fois de son héritage familial et de sa passion pour les avions avec Le vent se lève, une histoire d’amour entre un vrai ingénieur aéronautique, du nom de Jiro Horikoshi, et une femme souffrant de pneumonie chronique. Le second, Le Conte de la princesse Kaguya, au style graphique plus proche du crayonné, s’inspire d’une des plus vieilles histoires du folklore japonais. Puis, en 2014, le jeune prodige derrière Arrietty signe Souvenirs de Marnie, une histoire d’amitié entre deux jeunes filles dont l’une est prisonnière d’un mystérieux manoir.
- Arrietty, le petit monde des chapardeurs (2010) – 1er mars
- La Colline aux coquelicots (2011) – 1er avril
- Le vent se lève (2013) – 1er avril
- Le Conte de la princesse Kaguya (2013) – 1er mars
- Souvenirs de Marnie (2014) – 1er avril
… Et après ?
Au milieu des années 2010, le studio Ghibli rencontre une nouvelle période de trouble. En 2015, le producteur de Kaguya, Yoshiaki Nishimura, quitte le studio pour fonder sa propre entreprise d’animation avec une partie des jeunes talents de Ghibli. Le studio Ponoc (qui vient du mot serbo-croate signifiant « minuit ») sort Mary et la fleur de la sorcière, avec à la barre l’ex jeune espoir du studio Ghibli, Hiromasa Yonebayashi.
Entre temps, la domination du studio de Miyazaki dans le domaine des long-métrages d’animation est concurrencé par des films comme Le Garçon et la Bête, en 2015, et le succès retentissant de Your Name, en 2016. Tant et si bien que le réalisateur légendaire décide d’interrompre une nouvelle retraite anticipée en 2017 pour annoncer ce qui sera, peut-être, son dernier film : Comment vivez-vous ?. Celui-ci devrait légèrement précéder, voire coïncider, avec l’ouverture au Japon d’un premier parc à thèmes à l’effigie du studio. La comparaison avec Walt Disney Pictures n’est donc pas prête d’être caduque.
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