Avec les confinements successifs, Netflix a gagné peut-être plus d’abonnés qu’elle ne pourra satisfaire. D’autant qu’à cause de la crise sanitaire, de nombreuses productions accusent des retards qui pourraient rendre l’année 2021 assez maigre en contenus originaux. Le jeu-vidéo, lui, ne s’est sans doute jamais aussi bien porté. Netflix l’a compris et ne va pas laisser les studios et les joueurs, en nombre grandissant, en profiter tous seuls. Pour Netflix, la stratégie future est donc claire : la nouvelle mode audiovisuelle sera vidéoludique.
Les premiers essais (et succès)
Avouons-le, le jeu-vidéo n’a pas toujours été bien adapté au cinéma. L’ancienne web-série Crossed, de Karim Debbache et ses compères, qui avait pour but de revenir sur toutes les adaptations de ce ype en fait la démonstration. Même si certaines combinaisons ont rencontrés des succès commerciaux (Assassin’s Creed, Warcraft…), elles ont rarement été des succès critiques. Netflix n’a pas encore rencontré de véritables échecs. Sa série animée, Castlevania, adaptée du jeu iconique éponyme de Konami a très rapidement séduit en 2017. Si bien qu’encore l’an prochain, elle profitera d’une nouvelle saison, sa quatrième. Dragon’s Dogma, adaptée cette année du jeu de Capcom, ne transcende pas le téléspectateur mais brille par l’efficacité de son traitement des sept péchés capitaux et des thématiques qu’ils entraînent. Seul Minecraft – Mode Histoire, une série interactive reprise du tumultueux studio Telltale Games, n’aura été qu’une déception discrète.
Netflix compte, par ailleurs, sur d’autres précédents issus d’œuvres grandement popularisées par leurs équivalents vidéoludiques comme Pokémon : Mewtwo Contre-Attaque Evolution ou, bien sûr, la série The Witcher qui a redonné une seconde vie au jeu The Witcher III : Wild Hunt et amené la licence vers de nouvelles hauteurs. Netflix a même prouvé son appétence grandissante pour les jeux vidéo avec sa série documentaire, très bien orchestrée, High Score, plus tôt cette année. Il faut dire qu’avec la pandémie de COVID-19, et le confinement instauré par de nombreux pays, le jeu-vidéo a profité d’une croissance décuplée. Le streaming aussi donc, sur le papier, la combinaison des deux a tout pour plaire. Reste à voir si les nombreux projets prévus dans les années rencontreront le succès.
L’alliance Ubisoft-Netflix
Parmi ces projets que Netflix portera dans les années à venir, on retrouve pas moins de cinq adaptations de licences du studio français Ubisoft. L’éditeur vidéoludique – qui a fait l’objet d’accusations de harcèlement sexuel cet été – s’était aventuré sur les terres du septième art en 2016, avec le décevant film Assassin’s Creed porté par Michael Fassbender. La même année, il est entré en négociation avec Netflix pour adapter son impressionnant catalogue sur petit écran. A l’époque, l’espoir était sans doute de construire toute une franchise audiovisuelle dont ce premier film serait le point d’ancrage. Malheureusement, le naufrage critique du film a noyé cette idée avant qu’elle n’émerge. De l’eau a cependant coulé sous les ponts et la nouvelle alliance Ubisoft-Netflix semble prête à dégainer ce qu’elle a gardé au chaud depuis quatre ans. En octobre dernier, le duo a officiellement annoncé la mise en production d’une première série, en prises de vue réelles (ou “live-action”), qui donnera ensuite lieu à un “univers creedien” de séries animées ou même de films. La nature exacte de cette série, et ceux qui y contribueront, reste encore un mystère mais la société Ubisoft Film & Television a plus d’une lame dans sa manche.
Son partenariat entrepris avec la plateforme du streaming comprend quatre autres adaptations. Deux d’entre elles sont issues des œuvres littéraires de Tom Clancy : Splinter Cell et The Division. La première se traduira en une série d’animation en deux saisons, de 16 épisodes au total, produite par Derek Kolstad, l’un des créateurs de la saga d’action John Wick. La seconde, à l’inverse, se déclinera sous la forme d’un film en “live-action” réalisé par David Leitch, le metteur en scène de Deadpool 2 et Fast & Furious : Hobbs & Shaw. Le projet, lancé en 2018 pour une diffusion sur grand écran, n’a été repris par Netflix qu’en juin 2019 mais devrait conserver ses acteurs principaux : Jake Gyllenhaal (qui a déjà participé aux aventures d’Ubisoft au cinéma, avec Prince of Persia : Les Sables du Temps en 2010) et Jessica Chastain.
On te donne deux noms, tu vas vite comprendre : Jade et Pey’j.
Oui, on prépare un film Beyond Good & Evil qui sera réalisé par Rob Letterman (Détective Pikachu) et qui arrive PRO-CHAINE-MENT ! pic.twitter.com/j5kTgHtvXD
— Netflix France (@NetflixFR) July 31, 2020
Les deux derniers projets d’adaptation sont plus incongrus. En juillet dernier, sur Twitter (ci-dessus), Netflix a confirmé être sur le point de proposer un film d’animation adapté de l’ancien jeu Beyond Good & Evil. A en croire sa première image promotionnelle, ce long-métrage, réalisé par Rob Letterman (principalement connu pour Pokémon : Détective Pikachu), pourrait coïncider avec la sortie, maintes fois reportée, de Beyond Good & Evil 2. Pour finir, fort de l’intérêt suscité par le film Free Guy, Netflix préparerait un nouveau rôle vidéoludique pour Ryan Reynolds avec une adaptation en “live-action” du jeu rétro, renommé pour sa difficulté, Dragon’s Lair (auquel Ubisoft est attaché depuis un remake 3D paru en 2002).
La fil d’attente s’allonge
Évidemment, Ubisoft est loin d’être le seul géant vidéoludique à vouloir enrichir le catalogue toujours plus fourni de Netflix. Plus tôt cette année, apparemment ravi de l’adaptation de Dragon’s Dogma, le studio japonais Capcom a présenté de nouvelles collaborations avec le géant du streaming. Dans un premier temps, il a partagé une première bande-annonce (ci-dessous) d’une série animée, en images de synthèse photoréalistes, diffusée prochainement et intitulée Resident Evil : Infinite Darkness. Dirigée par le studio Quebico (le même à la manœuvre du film d’animation Resident Evil : Vendetta, sorti au Japon en 2017), elle tournera autour des protagonistes du jeu Resident Evil 2, Leon S. Kennedy et Claire Redfield. Dans un second temps, Netflix travaillerait à une série en “live-action” dans le but de remettre sur les rails la saga cinématographique débutée avec Milla Jovovich à l’affiche. Elle prendra place à New Raccoon City et suivra les enfants du méchant Albert Wesker, personnage culte de la franchise. Suite à la pandémie de COVID-19, son tournage a dû néanmoins être repoussé à l’an prochain. Capcom n’en restera cependant pas là : une série animée Devil May Cry serait aussi en préparation. Cerise sur le gâteau, son “showrunner” serait nul autre que le génial Adi Shankar, à l’origine de la série Castlevania, et la volonté serait de créer un “multivers” vidéoludique sur Netflix.
Le studio Square Enix, quant à lui, aurait contacté la société de production Hivemind (The Witcher, The Expanse, etc) pour initier une série Final Fantasy en “live-action.” Le projet reste encore assez obscur mais il devrait s’agir d’une adaptation de Final Fantasy XIV Online. Elle serait indépendante d’une mini-série, déjà sur Netflix depuis 2017, une comédie dramatique appelée Final Fantasy XIV : Dad of Light. De l’autre côté du Pacifique, Activision-Blizzard plancherait sur une série animée adaptée des jeux Diablo, écrite par Andrew Cosby, scénariste du reboot de Hellboy sorti en 2019.
La contrainte du “live-action” vs la liberté de l’animation
Ces derniers projets, malgré leur ampleur et leurs contraintes communes (plus particulièrement, celle du tournage de prises de vue réelles), sont malheureusement plus flous les uns que les autres à l’heure actuelle. Il est encore impossible de savoir quand ils pourront se montrer sur nos écrans ou comment ils se profileront, s’ils y parviennent. La difficulté d’une production en “live-action” surtout en cette période pandémique risque de sérieusement freiner l’ambition de tels projets. C’est probablement pourquoi d’autres studios préfèrent miser sur l’animation : non seulement le procédé est moins coûteux et moins contraignant, mais il offre surtout la même liberté artistique et d’action (par rapport aux lois de la physique) que le jeu-vidéo. De ce point de vue, l’adaptation pourrait sembler d’autant plus naturelle.
Dans cette optique plus concrète, Netflix accueillera sur sa plateforme, en 2022, un spin-off du nouveau fleuron de CD Projekt Red, Cyberpunk 2077. Cette série animée en 10 épisodes, titrée Cyberpunk Edgerunners, est développée par le studio TRIGGER, notamment derrière l’excellent BNA. Son intrigue entièrement originale lui permettra d’exister indépendamment de Cyberpunk 2077 et, compte tenu du timing de leurs sorties respectives, permettra peut-être au jeu de gagner une seconde vie auprès des plus joueurs des téléspectateurs. Le jeu The Witcher III : Wild Hunt a en effet installé un précédent de poids, quand il a aidé à étancher la soif de Sorceleur des millions de fans gagnés par la série Netflix. On retrouvera la même logique de l’attention renouvelée dès l’an prochain, avec The Cuphead Show!. Directement issue du jeu indépendant Cuphead sorti en 2017, cette série empruntera aussi bien le style graphique du jeu (déjà inspiré des premiers dessins-animés Disney) que le style d’humour mature que cultive déjà Netflix avec des séries animées comme BoJack Horseman ou Big Mouth. Si elle émane du studio le moins puissant cité ici, il y a pourtant fort à parier que cette série pourrait s’en sortir le mieux à l’arrivée.
Qu’en est-il par-delà Netflix ?
Malgré les ratés du jeu-vidéo au cinéma ces derniers années, Netflix ne constituera pas le seul refuge audiovisuel. Son concurrent direct, Amazon Prime Video, aurait une série Fallout en réserve, avec pour showrunners, Lisa Joy et Jonathan Nolan, le duo auteur de la série Westworld. Apple TV+, le nouveau service SVOD de la marque à la pomme, vient de commander un biopic sur le créateur du jeu Tetris. HBO, pour sa chaîne de télévision ou sa nouvelle plateforme HBO Max, compterait sur une future adaptation de la série de jeux The Last of Us, développés par le studio Naughty Dog et maintes fois récompensés pour leur dramaturgie. En parlant de Naughty Dog, il ne faut évidemment pas oublier l’adaptation filmique des jeux Uncharted, dont le parcours extrêmement tortueux pourrait se finir en “happy ending” entre les mains de Tom Holland. Milla Jovovich retrouvera enfin les chemins du jeu-vidéo avec l’adaptation de Monster Hunter de Capcom. Le film, initialement repoussé jusqu’en 2021 suite à la crise sanitaire, devrait finalement sortir le 30 décembre prochain dans les salles obscures américaines (contre le 28 avril 2021 dans l’Hexagone).
Le jeu-vidéo sur Netflix, en résumé
Les adaptations vidéoludiques existantes
- Castlevania (série animée de 4 saisons, dont une à venir, depuis 2017)
- Dragon’s Dogma (série animée, 2020)
- Final Fantasy XIV : Dad of Light (mini-série en live-action, 2017)
- Minecraft – Mode Histoire (série interactive adaptée du jeu Telltale Games, 2018)
Les adaptations à venir
- Assassin’s Creed (série, live-action)
- Beyond Good & Evil (film, animation)
- The Cuphead Show! (série, animation)
- Cyberpunk Edgerunners (série, animation)
- Devil May Cry (série, animation)
- Diablo (série, animation)
- The Division (film, live-action)
- Dragon’s Lair (film, live-action)
- Final Fantasy XIV (série, live-action)
- Resident Evil (série, live-action)
- Resident Evil : Infinite Darkness (série, animation)
- Splinter Cell (série, animation)
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