Le moment est presque venu, les trois derniers épisodes de la saison 1 d’Arcane seront de sortie ce 20 novembre sur Netflix. L’occasion pour nous de vous parler un peu plus de la série, de ses ambitions, au travers le regard de Marietta Ren, storyboardeuse sur le projet. Nous l’avons rencontrée lors d’une visite des studios Fortiche, à l’origine de la série Arcane, mais aussi de plusieurs autres projets intéressants. On note particulièrement leur première collaboration avec Riot Games autour du clip Get Jinxed.
Quelques années plus tard, le projet d’Arcane, la première série d’animation autour de League of Legends, prend forme et nous voilà déjà presque à la fin du chemin pour cette première saison. Marietta Ren, en tant que storyboardeuse, nous apprend comment elle a vécu la création de la série, nous en dit plus sur son attachement à l’histoire d’Arcane et sur la place de la série dans le lore League of Legends.
Un storyboarder a une importance capitale dans une production comme Arcane mais tout le monde ne sait pas forcément quel est son rôle. Comment décririez-vous votre métier ?
Un storyboarder, c’est la colonne vertébrale narrative de la production. C’est nous qui allons nous charger de mettre en images le scénario, et de faire une adaptation visuelle de l’histoire. On va aussi donner énormément d’intention sur les personnages. Comme on n’a pas d’acteurs à proprement dit, c’est nous, les storyboarders qui allons impulser des caractères, des actings pour les personnages. On va aussi choisir le cadrage de chaque plan, mettre le focus sur la chose importante dans chaque séquence et dans chaque scène. Le travail de storyboard va permettre de dire à quoi va ressembler le film ou l’épisode à la fin, c’est vraiment un travail de mise en scène.
Le projet au complet a mis près de 5 ans à éclore. Combien de temps cela vous a pris pour réaliser tous les storyboards de la série ?
Il y a plusieurs proccess dans le dessin animé. Nous, on a mis deux ans à peu près pour faire tous les épisodes. On n’a pas fait les épisodes les uns à la suite des autres, on les a faits en quinconce avec plusieurs équipes. On est en moyenne une équipe de 4 storyboarders par épisode et chaque storyboarder a ses séquences.
On a droit à beaucoup d’action dans Arcane. Combien de temps cela prend-il pour dessiner une séquence d’action intense ?
Sur une séquence d’action, on met facilement un mois, parfois un peu plus, pour la concevoir et la faire. Nous, on a un process qui est vraiment particulier, on met 5 mois pour faire le storyboard d’un épisode et on en fait plusieurs versions. Une première version simple, une deuxième version peaufinée et une version finalisée. Si on cumule toutes les versions, une grosse séquence peut mettre deux mois et demi facilement.
Quelles sont les séquences le plus plaisantes à mettre en image pour vous ? Les séquences d’action ou d’émotion ?
Moi j’aime bien les deux. En fait on ne raconte pas les mêmes choses. Dans l’action on est vraiment dans l’énergie ; ce sont souvent des séquences qui sont super impressionnantes et c’est très dur à faire techniquement. La séquence d’action c’est souvent une chorégraphie ; on doit imaginer toute l’action dans sa tête dans un premier temps, avant de la dessiner donc ça demande un gros travail de réflexion.
J’aime bien aussi les séquences d’émotion parce que ça va être moins « technique » et impressionnant, mais pour en faire une qui marche très bien, comme une séquence d’amour, c’est extrêmement difficile car il faut vraiment bien sentir l’énergie des personnages et tout est dans la subtilité. La difficulté avec l’émotion c’est qu’il faut être juste dans les sentiments car c’est là où on va toucher le spectateur, là où dans une séquence d’action on a moins besoin de faire ce travail, au contraire, il faut que ça tape à l’œil.
Quelles sont les contraintes rencontrées par un storyboarder ?
Nous, les storyboarders on est en début de chaîne. On est ce qu’on appelle la pré-prod, c’est le moment où il y a la création. Toute cette partie est là pour faire émerger le squelette de l’épisode. Parfois, les designers n’ont pas anticipé certaines choses, et c’est au storyboarder de créer un pseudo design temporaire, et les designers vont recréer l’objet à partir de nos idées. Tous les objets de LoL ne doivent pas exister dans la réalité, ils doivent tous être un peu particulier, avoir un design spécial.
Il y a aussi parfois des contraintes techniques/artistiques qui surviennent. Typiquement, au storyboard, on doit limiter les décors et les cadres, ce qui donne à la direction artistique une mise en scène un peu plus live. À l’époque où on avait des pellicules [pour filmer], on savait que le temps de filmage était limité pour les acteurs, donc on choisissait deux ou trois axes de caméra et on faisait tout avec ça. Nous, on a cette influence là aussi, où on se dit que notre mise en scène est limitée dans les axes et c’est à la fois ce qui va nous permettre de faire des économies sur les départements d’après mais aussi d’avoir une mise en scène presque aboutie.
Est-ce qu’un storyboarder intervient dans le processus de création après avoir transmis ses planches aux autres départements ?
Le superviseur des storyboards va parfois devoir faire tout un travail de réexplication des intentions. Il y a des choses qu’on n’a pas pu faire pendant le storyboard parce qu’on a un temps limité de travail. On fait ce qu’on appelle aussi des action notes : on note en détail toutes les intentions, on transmet ça aux équipes suivantes, notamment au layout, qui a un travail à faire de réinterprétation de ce qui a été dessiné en 2D en le passant en 3D. Ça arrive fréquemment que, ce qui a été dessiné en 2D marche bien, c’est joli, mais la réalité de la 3D ne fonctionne pas.
Vous sentez-vous particulièrement attachée à l’histoire d’Arcane ? Êtes-vous une joueuse de League of Legends ?
Je vais être honnête je ne joue pas au jeu (rires). Par contre, l’histoire me parle beaucoup parce que c’est l’histoire de deux sœurs qui ont été ensemble, puis se sont séparées, et ont du mal à recoller les morceaux ; c’est un peu une histoire de famille détruite. Ce qui m’intéresse ce sont les relations entre tous les personnages. Il y a une volonté de raconter les choses sous un prisme plus adulte avec des personnages moins manichéens.
Quel est votre personnage préféré dans la série ?
Personnellement, le personnage de Jinx est mon préféré. Elle est à la fois folle, mais en même temps très lucide, elle est drôle, et en même temps complètement dépressive. C’est un personnage qui a vraiment un panel de couleurs très large. Chaque personnage est d’ailleurs toujours à la frontière entre toutes les couleurs de leur caractère et ça me parle beaucoup.
Diriez-vous qu’ils évoluent de manière organique ? Naturelle ?
Oui, rien que le fait, dans la première trilogie, de les voir enfants et ensuite de les voir plus âgés, en tant que spectateur on a le temps de grandir. En tant que storyboarder, on a juste le scénario, les designs, mais on ne sait pas comment les personnages vont bouger, comment ils vivent. On assiste alors à l’accouchement de la création des personnages.
Hormis Jinx, y a-t il un autre personnage qui vous touche particulièrement ?
Il y a Caitlyn. C’est une fille de bourgeois, de grande famille, et elle essaye de se sortir de cette situation parce qu’elle a des valeurs. Elle essaye de rassembler Zaun et Piltover. Sa rencontre avec Vi la change aussi, et c’est quelqu’un qui a bon fond, elle essaye de vraiment bien faire les choses. Elle fait le lien entre les deux villes et elle a une bonne évolution dans la saison.
Selon vous, quel est l’intention de la série Arcane par rapport au reste de la franchise League of Legends ?
Selon moi, son intention c’est de proposer à des gens qui ne joueraient pas au jeu vidéo une histoire originale avec un graphisme orignal et avec un univers qui très riche. Bien évidemment le but c’est aussi de faire plaisir aux fans, faut pas déconner (rires). Mais il faut que ça parle à tout le monde et que ça devienne un objet en soi et pas juste un produit dérivé du jeu vidéo.
Je pense que c’est là où la série a une construction intelligente, c’est de l’avoir pensée en créant une vraie histoire et pas en faisant du fan-service juste pour voir tel ou tel personnage se battre. Le showrunner a vraiment quelque chose à raconter, il y a une vraie volonté de proposer quelque chose d’intelligent.
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Merci pour cette chouette interview.
J’ai bcp aimé cette première saison, en particulier la mise en scène, et le style général!
Je vais suivre de près les productions de ce studio!!