Le saviez-vous ? Au cinéma, il y a deux types de films : les « films filmeurs » qui ont été filmés pour exister et les « films tisseurs » qui sont des assemblages de films pré-existants tissés les uns aux autres. Ces films, qui résultent du montage de plusieurs contenus audiovisuels les uns avec les autres, sont appelés des « mashups » (purée, en anglais). Ils n’existent pas dans le but de faire de l’argent, car leur auteur utilise le plus souvent des images et des sons qui ne lui appartiennent pas. Pour qu’un mashup soit vu, il ne peut donc être projeté en salle et doit vivre sur Internet, où il est partagé librement. Depuis quelques années, il existe néanmoins un moyen pour ces films d’être diffusés sur un grand écran de cinéma : le Mashup Film Festival. Chaque année, ce dernier offre une sélection de plusieurs mashups, pour faire honneur aux créateurs (professionnels ou amateurs) bénévoles mais non moins innovants et intrépides qui perpétuent cette pratique filmique. Et comme le Journal du Geek a pu le constater de nos yeux au cinéma Le Grand Action de Paris cette année, celle-ci semble indissociable d’un certain amour de la pop-culture qui constitue une partie intégrante de la grande toile de la culture geek.
Julien Lahmi, cinéaste et directeur du Mashup Film Festival, nous l’affirme : l’« art contemporain digital » du mashup est « à la fois un hommage et une considération pleine de respect envers le cinéma et à la fois un doigt d’honneur punko-déconstructiviste et anti-capitaliste. » Il est le fruit d’une « liberté décomplexée du copier/coller partagé », sur laquelle se base la société numérique. Comme chaque pratique créative, il se déploie sous plusieurs formes. L’un des exemples les plus anciens – et peut-être le plus connu – de mashup est La Classe Américaine de Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette. Diffusé pour la première fois le 31 décembre 1993 sur Canal+, ce film à l’humour absurde caractéristique du papa de OSS 117 tente de raconter une histoire cohérente en utilisant des plans d’un nombre incalculable de films de la Warner. De ce fait, il parvient à mettre en scène un nombre astronomique de stars de Hollywood comme John Wayne, Paul Newman, Robert Redford ou encore Dustin Hoffman dans un ensemble de situations qui ne garde aucune trace des films de base dans lesquels ils jouaient.
Le “mashup”, le cinéma méta ultime ?
Projeté en avant-première au Grand Action dans le cadre du fameux festival, Dinosaur Hunters est sans doute l’incarnation même de cette narration « mashupée » aux frontières du cinéma fictionnel conventionnel. Dans ce long-métrage (une rareté dans le domaine), Jurassic Island, une réplique d’Isla Nublar, l’île où est construit le parc de dinosaures de la saga Jurassic Park, accueille une équipe de « gros bras » plus expansifs que les Expendables : de Dutch de Predator (alias Arnold Schwarzenegger) et John Rambo (Sylvester Stallone) au Docteur Bravestone de Jumanji : Bienvenue dans la jungle (Dwayne Johnson), en passant par le Docteur Robert Campbell, tel qu’il est interprété par Sean Connery dans Medicine Man. Ce film a été signé par Antonio Maria Da Silva, aujourd’hui mondialement connu pour ses mashups Hell’s Club (voir plus bas), qui rassemblent les plus grands personnages du grand écran dans une même boîte de nuit. Mais Dinosaur Hunters est plus qu’un simple fantasme d’aficionados de films d’action façon années 1980. Par la rencontre d’autant de personnages iconiques (et non d’acteurs, comme dans Expendables), le film se permet une réflexion méta sur l’évolution de cette pop-culture testostéronée. Et si les monstres du passé, ce n’était pas les dinosaures, qu’ils explosent à coup de lance-roquettes, mais eux ? « (Dinosaur Hunters), c’est ma lettre d’amour à ses dinosaures du cinéma » nous confie Antonio Maria Da Silva.
Qu’il se fasse en musique comme le clip de la chanson Vous êtes ici – qui reconstruit le mouvement de la Google Car à travers ses photos laissées dans Google Earth (voir plus bas) – ou simplement dans l’optique d’apporter un regard critique sur notre monde comme avec Pas d’image disponible, le mashup est éminemment pop et geek. Il se joue de cette culture autant qu’il la vénère et la met en application, par ses références multiples et son goût du DIY numérique. Malheureusement, du fait de la réalité financière et propriétaire de l’industrie cinématographique, le mashup ne peut être considéré que comme une forme de création marginale. Avec le Mashup Film Festival, Julien Lahmi tente simplement de lui donner le crédit qu’il mérite : « Être programmé en salles comme une vénération du cinéma filmeur est une première étape indispensable mais l’objectif pour tous ces créatifs réalisateurs-mashupeurs est que le genre mashup existe par lui-même ! » En somme, le mashup est, en quelque sorte, l’illustration même du champ des possibles qu’offre un internet ouvert, support ultime de créativité. Tant qu’il y aura des mashups, Internet conservera cette identité et alimentera la culture geek.
Notre sélection de mashups à découvrir
- Lock, Socks & Two Boring Months (Prix du Public et Grand Prix du CNC – Mashup Film Festival 2020)
https://www.youtube.com/watch?v=TgcFl11AaN8
- Le clip de “Vous êtes ici” (sélectionné au Mashup Film Festival 2020)
- Les Mots Bleus (Julien Lahmi)
- The Schwarzenegger Symphony (Gilles Stella)
- Rocky IV x Punch Out! (RetroSFX)
- Hell’s Club I (Antonio Maria Da Silva)
- La Classe Américaine (M. Hazanavicius & D. Mézerette)
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