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L’étrange Festival 2018, le bazar du bizarre

Ils sont déviants, bizarres, inhabituels, provocateurs ou nanardesques – c’est une question de points de vue.

Ces films sont les stars de l’Étrange Festival, qui vient de fêter ses vingt-cinq ans et sa vingt-quatrième édition au Forum des Halles, en plein Paris. L’occasion de faire le plein de films improbables, et de comprendre à quoi ressemble un film un peu condamné ou impopulaire à la distribution en 2018. Et comment ne pas avoir de l’affection pour eux ?

Ils feront bientôt (ou font) l’actualité

Mais pour certains d’entre eux, c’est plié d’avance : leurs réalisateurs ont déjà atteint une notoriété internationale. Et tous poursuivent leurs formules fétiche. Le dernier Lars Von Trier, The House That Jack Built, était de la partie. Le banni de Cannes, récemment mis en cause par Björk, a rendu une autre copie hors-sol avec son histoire très pince-sans-rire de serial killer.

Dans Climax, lui hors-compétition, Gaspar Noé narre une session de danse géante qui tourne mal, merci le LSD dans la sangria. Toujours techniquement dingue, Climax est un véritable cauchemar éveillé, littéralement une chorégraphie sur plusieurs niveaux. C’est à voir, mais c’est Gaspar Noé, vous êtes prévenus. Enfin, le dernier Delépine-Kervern lui aussi hors-compétition, I Feel Good, raconte les tribulations d’un Jean Dujardin looser mais obsédé par la réussite. Très ancrée dans son temps – elle met la parodie en marche – cette comédie piquante brille par son second degré et son humour glacé et sophistiqué.

Un peu hors-sujets mais incontournables

Certains films ne remplissaient pas vraiment la consigne, mais s’approchaient, d’une manière ou d’une autre, du film de genre ou du film high-concept. The Spy Gone North, prix du public et du jury, était le film le plus « normal » du festival. Ce film, tout à fait historique, narre les exploits de Black Venus, un espion de Corée du Sud qui va infiltre le nord jusqu’à rencontrer Kim Jong-Il (et son caniche). Aussi projeté à Cannes, sympa mais très carré, il a su fédérer un public amateur de films qui ne le sont pas. Utoya, 22 juillet est un film épatant qui « revient » sur la journée de tueries d’Anders Breivik. On y suit une jeune victime de ces attentats, en un unique plan- séquence de 90 minutes. On ne quittera jamais cette jeune fille qui fait tout pour survivre et soutenir ses amis dans cette épreuve. Chaque coup de feu entendu – et ils sont très nombreux – est plus effrayant que de nombreux films de la sélection. Cette unité totale de temps et de lieu donne à Utoya un cachet terriblement efficace.

https://youtu.be/NIvrghVxvRE

Et avec L’Heure de la sortie, Sébastien Marnier (déjà auteur d’Irréprochable) signe un métrage au pitch délicieusement inquiétant : un prof (Laurent Laffite) déboule dans une classe de collégiens surdoués après la tentative de suicide, en pleine classe, du prof prédécent. Mais la moitié d’entre eux sont bizarrement hostiles à son encontre… qui est le camp sain d’esprit dans le lot ? Crépusculaire, ce film à ambiance malaisante – il fait parfaitement le taf – raisonne trop bien avec l’actualité. Mais dire pourquoi, ce serait spoiler.

Ils sont faciles à pitcher

À l’Étrange Festival, il y a de tout, du plus limpide au film d’auteur chelou. Certains se reposent sur une formule. Beaucoup d’amour pour Anna & The Apocalypse, « Shaun Of The Dead qui rencontre La La Land. » Délicieusement british (donc flegmatique), c’est une comédie musical de Noël de zombies, rien que ça. Super inoffensif, très gentil, pas piquant pour un sou mais assez marrant.

Vous les verrez peut-être sur les écrans français

The Dark, où une petite zombie se lie d’amitié avec un jeune garçon aveugle, torturé par le pervers qu’elle vient de bouffer. Structure et contenu simples, parfois un peu télévisuel, comme l’ont été The Vigilante et Perfect Skin. Dans le premier, une femme venge les autres des hommes abusifs et violents (et elle a un lourd passé). Dans le deuxième, un homme abusif et violent séquestre une touriste de passage pour la transformer à grands coups de tatouages et de bodymods (et il n’a pas un lourd passé, il est juste zinzin). Le festival de l’étrange, ce sont aussi des fictions qui n’ont pas forcément besoin du grand écran, sans le moindre dispositif technique ou particularité de réalisation, mais qui passent bien dans le contexte. Enfin, séquence émotion avec Up upon the stars, oeuvre espagnole où un ancien réalisateur esseulé et son fils doivent vaincre l’adversité et faire le deuil de la maman avec le pouvoir de la cinéphilie. Une bonne excuse pour caler de l’onirisme plein tubes. Snif. Et le film de genre, c’est aussi le film incompréhensible, le dispositif esthétisant, le merveilleux des métaphores, quitte à complètement laisser le spectateur de coté. Imaginez : un gosse, puni pour avoir tué sa petite copine, est envoyé en thalasso dans laquelle il se mutile progressivement pour s’implanter des morceaux de pureté. C’est Perfect. Vous êtes perdus ? Nous aussi. Mais ce film, produit par Steven Soderberg, préfère la belle photo au sens, c’est son choix.

Des curiosités internationales

Et sinon, à quoi ressemble un film de série B ou film de genre aujourd’hui aujourd’hui ? Beaucoup de démons qui possèdent beaucoup de gens. Des films d’horreur là où on ne les attend pas. Indonésie avec May the devil take you, Tunisie avec Dachra. Dans les deux, le talent d’installer une ambiance craspec nourrie à la tradition orale, des possessions, les interventions du Malin (ou du Sheitan, c’est selon) – donc des chèvres, des sorcières, et des scénarios qui finissent rarement bien. Quitte à rester dans l’Asie du sud-est, Buyburst est une version philippine de The Raid. Inépuisable, belle, chorégraphiée mais un peu épuisante : deux heures de gunfights et de bagarres dans un bidonville de Manille, qui confine au jeu vidéo – dans sa progression, sa structure et sa chorégraphie.

Et surtout : Nic Cage et sa hache

C’est une injustice internationale. En plein ramdam aux États-Unis, et projeté au dernier festival de Cannes, il ne sera pas distribué par les circuits officiels en France. Alors certes, ça fait de lui un parfait objet de festival, mais ça rend un tel truc bien trop rare pour ce que c’est. Mandy était l’une des stars de cet évènement. Imaginez. Un Nic Cage en bûcheron wasp, qui se voit tiré de son havre de paix par des hippies-démons qui sacrifient sa femme. Imaginez, Nic Cage qui pète les plombs, se forge sa propre hache et fait sa vengeance avec une tronçonneuse. Imaginez un Nic Cage dans une série Z assumée, ultra esthétisée, avec cinq films dans le film. Il faut voir Mandy pour le croire, gloire à Mandy !

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