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Les super-héros sont-ils devenus chiants ?

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Depuis Superman en 1978 jusqu’à Madame Web en 2024, les super-héros sont-ils à la fin de leur règne au cinéma et à la télévision ?

“En vérité, je suis Iron Man”. Lorsque cette phrase est prononcée par Robert Downey Jr. en 2008 — Bernard Gabay dans la version française — les spectateurs sont loin de se douter qu’ils assistent à la naissance d’une nouvelle ère cinématographique. Devant la caméra de Jon Favreau, Tony Stark s’éveille et signe le début d’un règne sans partage des super-héros sur le panorama audiovisuel mondial. Nous sommes 30 ans après les débuts de Christopher Reeves dans la peau du fils de Krypton et dix avant le succès astronomique d’Avengers : Infinity War. Jusqu’ici inconnu du grand public, le personnage imaginé par Stan Lee, Jack Kirby, Larry Lieber et Don Heck est intronisé figure de proue du Marvel Cinematic Universe en devenir.

Bien aidé par le succès des itérations de Christopher Nolan et Sam Raimi dans le genre, Kevin Feige définit une recette du succès dont tous les studios vont tenter de s’emparer avec plus ou moins de virtuosité. Si la Fox a échoué à faire naître une saga avec Daredevil, Elektra et Blade, cette nouvelle mouture signée Marvel Studios prend. Elle deviendra le point de repère de nombreux enfants nés dans les années 90, qui voient leur cinéphilie se développer aux côtés de ses personnages sans peur et sans reproche. DC se lance ensuite dans la course aux billets verts avec son propre univers connecté, ses personnages autrement célèbres. Le résultat n’est pas parfait, les aficionados sont au rendez-vous, mais le grand public peine à se laisser convaincre.

Iron Man Robert Downey Jr
© Marvel

Marvel continue de son côté à construire sa légende, franchissant de nombreuses étapes jusqu’à inscrire Avengers : Endgame dans l’Histoire. Le film des frères Russo décroche la seconde place des films les plus rentables, juste derrière Avatar. En 2019, les spectateurs se ruent dans les salles obscures pour découvrir ce métrage annoncé comme la conclusion d’un immense chapitre cinématographique vieux d’une décennie. En moins de 24 heures, la bande-annonce a été vue pas moins de 289 millions de fois, un record. Quatre ans plus tard, The Marvels réalise le pire démarrage de l’histoire de la franchise, alors même que son aînée avait rapporté plus d’un milliard de dollars au box-office en 2019. De son côté, le DCU repart de zéro après quinze films et une série dérivée. Sony, qui explore le lore de Spider-Man, ne convainc qu’à de très rares occasions. Seule l’araignée sympa du quartier, et son symbiote, parviennent à réunir des spectateurs dans les cinémas du monde. Comment expliquer ce désamour du public ?

Le Nouvel Olympe

Dans les années 30, entre deux guerres, des maisons d’édition consacrées aux comics voient le jour. DC Comics et Marvel font naître des protagonistes qui marqueront la culture populaire pour les années à venir, de nouvelles figures divines qui ont leur mythologie. L’athéisme progresse, les actes héroïques ne fascinent plus et l’industrie culturelle américaine fait éclore de nouveaux mythes. Ces personnages surhumains sauvent la veuve et l’orphelin, naissent d’un traumatisme et affrontent des antagonistes aux ambitions destructrices. Les ficelles sont assez visibles, il s’agit toujours de jouer avec les frontières entre dieux vivants et humains. Ces personnages ont des capacités hors norme comme les résidents du mont Olympe, mais disposent de failles humaines. Tony Stark est vaniteux, Batman est solitaire et Hulk a un problème de gestion de la colère. Les spectateurs peuvent se reconnaître, s’attacher et les suivre au fil de leurs aventures. Et elles sont nombreuses.

Thor Marvel Figure Divine
© Marvel

Mais à mesure que les univers se multiplient, que les personnages deviennent plus nombreux, peu arrivent à séduire de la même manière. Marvel, comme DC à ses débuts, était parvenu à faire éclore des figures de proue convaincantes qui tirent tour à tour leur révérence. La relève ne séduit pas de la même manière, la barque n’est plus menée avec autant de savoir-faire. Les deux sagas multiplient les incohérences à l’image du parcours de Doctor Strange qui passe de figure très solennelle dans la saga du multivers à lanceur de sorts aux conséquences catastrophiques dans No Way Home. Dans Shazam : La Rage des Dieux, Wonder Woman est réduite à sa condition de fantasme alors même que le premier film s’évertuait à déconstruire cette idée. Dans le même temps, les spectateurs doivent composer avec des intrigues plus complexes et lacunaires. Des films produits à la va-vite ?

C’est le Far West !

Depuis le premier Iron Man, les super-héros sont nombreux sur le grand écran. En 2023, on recense pas moins de neuf films du genre au cinéma et quantité d’autres séries dérivées. Chaque studio y va de sa proposition du genre, mettant tout en œuvre pour surpasser les résultats de ses concurrents. Comme le western à une époque, les métrages mettant en scène des personnages inspirés de comics représentent un passage obligé pour l’industrie. Le parallèle est d’ailleurs plutôt à propos, les cowboys comme les personnages Marvel et DC sont confrontés à une usure des thématiques qu’ils convoquent.

Batman V Superman Dc
© DC

Comment raconter pour la énième fois un affrontement du bien et du mal sur fond de super-pouvoirs ? Si certains cinéastes excellent dans l’exercice, force est de constater que peu parviennent à se démarquer du tout-venant. On peut même s’interroger sur la postérité de certaines de ces productions. Comme le western a eu John Ford, Sergio Leone ou encore Clint Eastwood, le film de super-héros ne pourra sans doute compter que sur quelques noms pour porter haut et fort ses couleurs dans plusieurs décennies. James Gunn, qui fera sûrement partie de ses créatifs qui comptent, expliquait à la sortie de Les Gardiens de la Galaxie volume 3, que ce désamour du public n’était pas essentiellement lié à l’abondance des productions de ce type. Face à Rolling Stone, il épiloguait en mai dernier sur la question :

“Je pense que les gens peuvent en avoir marre des films de super-héros, mais ça n’a rien à voir avec les super-héros eux-mêmes. Il est plutôt question du genre d’histoire que l’on choisit de raconter, si on perd notre objectif de vue, on perd l’essence de ces récits. On adore Superman. On adore Batman. On adore Iron Man. Peu importe l’énergie déployée, les moyens mis en œuvre, la maîtrise technique ou l’esthétique, s’il n’y a pas d’histoire à partir de laquelle bâtir son film, ce sera juste fatiguant à regarder”.

Des histoires à raconter, il y en a. Reste que le déploiement de ces univers tentaculaires amène avec lui des questions de continuité et de cohérence qui ne facilitent pas le travail des scénaristes. Leurs nouvelles histoires doivent répondre à plusieurs dizaines de films sortis précédemment. Il leur faudra aussi ne pas entrer en contradiction avec les plans de la firme concernant l’avenir. Ne pas tuer un personnage, poser les bases d’une intrigue plus vaste, Marvel et DC semblaient s’éparpiller dans la poursuite de leurs univers respectifs.

Quand la parodie dépasse ses sujets ?

Depuis les débuts de leurs univers cinématographiques respectifs, Marvel et DC n’évoluent plus seuls sur la scène internationale. Si leurs productions sont les plus représentées, d’autres sagas sont nées et mettent à mal leur modèle. À ce jeu-là, c’est sans conteste Prime Video qui tire son épingle du jeu. Si Umbrella Academy avait déjà égratigné l’imagerie des super-héros, The Boys mettait en 2019 un coup de pied dans la fourmilière avec sa parodie. Inspirée des comics de Garth Ennis, la série d’Eric Kripke a repoussé les limites du trash et de l’irrévérencieux en dépeignant des justiciers qui œuvrent sous la responsabilité d’une multinationale omnipotente. Vought, qui détient un service de streaming baptisé Vought+, s’attaque à Disney et sa recette du succès, y ajoute du sexe, de la violence et prend racine dans un monde a priori plus réaliste. Comme Watchmen questionnait les figures héroïques, The Boys interroge sur la nature humaine et l’abnégation. Chez les Seven, l’altruisme n’est pas de rigueur…

The Boys Homelander
© Prime Video

Même Gen V, qui devait en théorie être moins violente que son aînée, a dépassé de loin les explorations adolescentes de la Maison des Idées. Si la série Miss Marvel était rafraîchissante, la proposition de Prime Video a réussi dans une autre mesure à traduire les questionnements liés au passage à la vie d’adulte, à interroger une société où la responsabilité de l’avenir de l’humanité repose sur les épaules de ses jeunes sujets. Écoanxiété, genre, sexualité, la série de Michela Fazekas et Tara Butters a brossé une critique sociale bien plus vive et captivante.

Reste à voir désormais comment et si le genre super-héroïque parviendra à se réinventer. En 2024, La Maison des Idées va réduire la voilure tandis que DC observe une pause le temps de mettre sur pied sa nouvelle franchise. Les super-héros ne seront pas aux abonnés absents pour autant puisque l’on attend Deadpool & Wolverine cet été. Le film porte sur ses épaules la bonne santé de Marvel Studios autant que celle de Disney. De son côté, Sony Pictures vient de livrer Madame Web porté par Dakota Johnson. Le film sera suivi des très redoutés Venom 3 et Kraven Le Chasseur. Dans le même temps, Joker : Folie à Deux aura la lourde responsabilité de faire au moins aussi bien que son aîné.

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2 commentaires
  1. Si les nouvelles series genre The boys, Invincible etc. fonctionnent, je pense que c’est parce que ca devient usant d’avoir les memes films de super hero clichés pour teenager… Hier je regardai shang shi et il y a plein de truc ou je me suis dit, c’est nul mais ca m’aurait plus quand j’etais ados… ca résume bien le problemes… un gros manque de maturité et de réalisme

  2. Les séries ont l’avantage d’avoir un format proche des comics. Donc… ils peuvent raconter le même type d’histoire. Car lisez par exemple Civil War, ça a été genre 100 bouquins d’une 20aine de tomes répartis sur tout un tas de différentes franchises… et y a somme toute peu de combats dedans et très courts, c’est beaucoup de discussions, sur ce que ça pourrait provoquer sur les différents protagonistes et les réactions. Sauf que “c’est pas ce que le public veut voir dans un film de super héros”. Donc on fait des grosses bastons, même si les CGI ne suivent plus car les personnes sont débordées et n’ont pas le temps de bien faire.
    Shang Chi n’est pas un film de super héros. C’est un film de kung Fu, avec quelques pouvoirs. Et c’est rafraîchissant dans un univers sclérosé. Y a beaucoup de facilités, mais c’est peut être bien mon film préféré de cette phase.

    L’univers Marvel est piégé et devient sa propre caricature : les gens bavent sur les grosses bastons dans les bandes annonces ? Ben on met que ça, comme ça les gens partageront sur les réseaux sociaux. Les blagues de Waititi font rire ? Et ben on va mettre que ça, même si les persos deviennent de gros lourds.

    Et puis rappelons le, CERTAINS comics sont devenus légendaires, la plupart sont tombés dans l’oubli. Mais c’est pas forcément les plus adaptables en films ou même séries.

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